Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

PORTRAIT - Inventeur de la trompette arabe Nassim Maalouf : un inconditionnel des " nawbet " d'antan

Du plus loin qu’il se souvienne, Nassim Maalouf a la musique qui lui coule dans les veines. Des chants liturgiques byzantino-arabes et du folklore libanais qui ont bercé son enfance dans le village de Kfarakab, aux grands morceaux du répertoire classique occidental, Nassim Maalouf a parcouru un long chemin d’apprentissage. Jalonné de difficultés, mais également de succès. Et pas des moindres. On lui doit l’invention de la trompette arabe de quart de ton. En concert au monastère de Mar Semaan et à la magnanerie de Frayké, il veut ressusciter les «Nawbet» (soirées avec fanfares) qui animaient les places des villages. Des yeux noirs brillants, un visage sillonné de rides, le sourire au bord des lèvres, Nassim Maalouf a l’accueil chaleureux. Malgré les années d’exil, il n’a rien perdu ni de son accent chantant ni de sa volubilité orientale. «Je suis un petit paysan de Kfarakab» lance-t-il d’emblée. Avec défi et fierté. «Cela n’a jamais été un obstacle pour moi. Je voulais simplement faire autre chose de ma vie». Nassim Maalouf est obligé de quitter l’école à l’âge de 12 ans. Et en conçoit un profond dépit. «Pour me consoler, ma mère m’a offert un oud». Il chante dans les mariages le «ateba» et le «abou el zolof». «Ce qui forme un musicien, ce sont ses premières années» dit-il. Il se souvient aussi qu’à la même époque «un jeune manouche était passé par le village, jouant de son violon de maison en maison. J’aimais énormément la musique et j’étais tellement révolté contre le sort que je l’ai suivi». «Il a fini par détaler, effrayé par mon insistance», raconte-t-il, amusé. Alors qu’il apprend le oud et le chant andalou au conservatoire de Beyrouth, Nassim Maalouf découvre la trompette dans la fanfare du village. «Je ne savais même pas ce que c’était», se souvient-il. «Il n’y avait personne qui puisse m’y initier. Un professeur de clarinette à Beyrouth a accepté de me donner quelques leçons de méthodologie». Mais pour apprendre cet instrument et s’y spécialiser, il fallait aller à Paris. Quand, à 23 ans, il annonce à sa famille qu’il part en France étudier la trompette, sa mère l’encourage en lui disant : «Vas-y, n’aie peur de rien». La réaction du père est tout autre. «Il n’y comprenait rien. Il faisait le tour du village en expliquant à qui voulait l’écouter que son fils allait se spécialiser “manouche”». Il embarque sur le Cynthia le 1er septembre 1964. Un peu d’argent en poche, des rêves plein la tête et la satisfaction de faire enfin ce qu’il aime. De Marseille, il prend le train de nuit pour Paris. «C’était la première nuit que je passais en dehors de chez moi». Sacristain À Paris, la chance est avec lui. Et après quelques péripéties, il atterrit comme sacristain à l’église Saint-Julien-Le-Pauvre. Là, en dehors des heures de travail, il a la possibilité de s’entraîner à la trompette dans l’église, sans gêner le voisinage. «Je m’exerçais tous les jours, deux heures le matin et quatre heures le soir. J’avais des années de pratique à rattraper». Il arrive à s’inscrire au conservatoire du Xe arrondissement de Paris, «le seul qui m’ait accepté, étant donné mon âge», précise-t-il. Travailleur acharné, rien ne le détournera de son but. La fatigue ? «Le travail de la terre était bien plus dur, harassant. Les heures passées à jouer de la trompette, c’était des vacances pour moi», souligne-t-il. Après sept années d’apprentissage, il décroche une licence à l’École normale de Paris. Puis entre au Conservatoire national supérieur de Paris où il est le brillant élève du grand trompettiste français, Maurice André. Au début des années soixante-dix, sa formation accomplie, Nassim Maalouf rentre au pays natal. Premier trompettiste à l’orchestre symphonique et enseignant au Conservatoire national, il donnait également des cours privés, «pour arrondir les difficiles fins de mois» dit-il. Il enseigne à l’École des filles à Saïda. «J’avais quelque 700 élèves. C’était des jours merveilleux» se remémore-t-il. Avec la guerre, et la destruction du Conservatoire, Nassim Maalouf se retire dans son village. «Contrairement aux autres fonctionnaires, les professeurs du Conservatoire ne sont pas titularisés. Donc, nos salaires se sont arrêtés net». Sans travail, désespéré, refusant de prendre les armes, il plie bagage et repart en France. «Exilé de mon pays, j’avais la nostalgie de notre musique. Je songeais depuis longtemps à la manière dont je pourrais reproduire ce son très particulier, le quart de ton, avec ma trompette». Alors qu’il donne des concerts et enseigne dans des conservatoires régionaux, il s’attèle à la conception et à la fabrication de la trompette à quart de ton. Depuis, il n’est revenu que rarement au Liban, «parce que personne ne me l’a demandé», dit-il simplement. Son répertoire est un mélange de musique baroque, «proche de mes sentiments, de mes convictions, de ma sensibilité» dit-il, et de musique arabe, religieuse ou profane. Son dernier CD, Improvisations orientales, comporte des «prières en exil», variations à la trompette sur un maqâm rast ; ainsi qu’une série de morceaux irakiens pour une cérémonie de mariage. «Cette partie, je l’ai jouée en hommage à ma mère. J’aurais voulu qu’elle soit la plus belle des mariées».
Du plus loin qu’il se souvienne, Nassim Maalouf a la musique qui lui coule dans les veines. Des chants liturgiques byzantino-arabes et du folklore libanais qui ont bercé son enfance dans le village de Kfarakab, aux grands morceaux du répertoire classique occidental, Nassim Maalouf a parcouru un long chemin d’apprentissage. Jalonné de difficultés, mais également de succès. Et...