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Actualités - REPORTAGES

Loisirs - Les pros rêvent d'une académie nationale La danse, pour sublimer le quotidien(photos)

Danse initiatique, danse sacrée, danse ludique, folklorique, profane, thérapeutique ; danse théâtrale, danse rituelle ou religieuse...et l’on pourrait continuer l’énumération jusqu’à l’infini - ou presque. Mais la danse ne serait-elle pas justement une façon de se rapprocher de cet infini, une sorte de réconciliation de notre être le plus profond avec toute forme de spiritualité qui habite ce monde? «Dansons , dansons donc la joie à la cadence de la folie d’aimer»: Amour, tristesse, peur, extase, violence ou sensualité, tout est là, regroupé dans une pléthore de gestes et de mouvements codifiés, que les professionnels connaissent bien. Mais alors, faut-il être véritablement rôdé aux techniques académiques pour goûter au plaisir de se mouvoir ? Et la danse doit-elle toujours être synonyme de professionnalisme? Alors que l’acte de danser fait partie inhérente de toutes les cultures du monde, au Liban, certains n’ont toujours pas dépassé le cliché de la notion de “rakkassat” dont les origines remontent à une acception bien particulière dans l’histoire de la danse orientale, à savoir la «danse du ventre», avec toutes les connotations péjoratives qu’elle suscite. Bien qu’un grande évolution ait été réalisée à ce niveau, le danseur n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur dans notre pays, alors qu’en Occident danser est une véritable source de fierté. D’ailleurs, il ne fait aucun doute que l’expression corporelle en général constitue une source de richesse et d’inspiration extrêmes dans les pays même les plus reculés, comme en Afrique ou en Asie où danser est corollaire de pratiques culturelles, sacrées ou religieuses. Bref, cela pour dire le poids considérable des distorsions socioculturelles au Liban qui enlaidissent le beau et contribuent à rajouter quelques inhibitions à une culture qui en est déjà assez chargée. Heureusement que tel n’est pas le cas de tous, et la nouvelle génération de parents commencent à avoir une optique différente de celle de ses aînés. Certains, bien plus ouverts à l’idée et acquis à une notion de danse bien plus culturelle, rêvent déjà de voir leur filles (rarement leur fils en tous les cas) faire une carrière, n’ayant peut-être pas pu réaliser eux-mêmes ce désir. Rigueur M. Rafic Gharzouzi, fondateur d’une académie de danse à Achrafieh, et professeur depuis plus de trente ans, a vite fait de repérer les «jeunes dons» en ballet classique. Bien qu’il se plaigne parfois du manque de sérieux de la part des étudiants et de certains parents qui considèrent, dans leur majorité, la danse comme une activité purement ludique et divertissante, M. Gharzouzi se console à l’idée que les plus passionnées parmi ses étudiantes, se dédient déjà à une véritable carrière. Chose que confirme d’ailleurs Mme Georgette Gebara , une pionnière dans ce domaine, et fondatrice d’une académie depuis longtemps célèbre. Nos jeunes ballerines en herbe ne deviendront pas danseuses d’opéra bien entendu – en tous les cas, pas en restant au Liban – mais se préparent déjà à devenir de futures enseignantes qui pourraient un jour assurer la relève. Et pourquoi pas des danseuses – étoiles dans des troupes étrangères, comme nous l’affirme Mme Gebara, dont certaines étudiantes ont été intégrées dans des troupes françaises, canadiennes et autres. «Le rythme et l’intensité de l’enseignement dans les écoles libanaises de danse ne permet pas l’émergence de véritables professionnels», affirme M. Gharzouzi, qui était lui-même un ancien danseur de la troupe municipale de Sao Paolo et de Rio de Janeiro, après avoir bénéficié d’une formation académique dans une prestigieuse école de ballet au Brésil . M. Gharzouzi se dit très strict et exigeant dès qu’il s’agit d’appliquer une certaine discipline aux enfants. «C’est difficile pour les plus petits d’admettre cette rigueur qui doit accompagner l’apprentissage du classique, car ils ne comprennent pas qu’il s’agit d’abord d’apprendre les règles et techniques requises avant de parvenir à véritablement danser», dit-il. C’est un problème bien particulier au ballet, puisqu’il s’agit d’une discipline des plus pénibles parmi celles qui sont offertes (moderne, contemporain, jazz, danse orientale, style Caracalla, flamenco, danse de salon etc.) . Elyssar Caracalla, la fille du chorégraphe libanais Abdel Halim Caracalla, pense la danse en des termes plus émancipés, plus éthérés, si l’on peut dire. À l’instar de beaucoup de jeunes enseignants-chorégraphes qui incarnent la nouvelle génération, Elyssar a des positions bien tranchées dès qu’il s’agit de défendre son métier, toujours avec autant de créativité d’ailleurs. Pour elle, danser est bien sûr synonyme de professionnalisme – pour les plus doués en tous les cas – mais il importerait de posséder pour cela les moyens techniques et académiques, ce qui est rarement le cas ici. En outre, danser est aussi, pour elle, une manière de «s’éclater» et d’exprimer ses émotions et ses sentiments les plus profonds. De la rigueur certes, mais pas trop, surtout lorsqu’il s’agit d’enseigner cette discipline aux plus jeunes. «Certains parents emmènent leurs enfants chez moi (à son école de danse) en me confiant que c’est pour les faire maigrir, dit-elle, outrée. Mais la jeune «reine» de la danse ne se permet pas «d’imposer ses valeurs» et répond à ce type de remarques par des sourires qui en disent long sur sa déception. «Alors, note-t-elle, je me rattrape en cours en communiquant mes principes à mes étudiants» et en leur enseignant l’art de s’exprimer avec le plus de liberté possible. Avec Elyssar, le dépassement de la technique s’impose, pour mieux personnaliser le geste. Administrant sa propre école de danse depuis plus de deux ans, la fille du célèbre Caracalla, qui s’est par ailleurs inspirée de son père à plus d’un niveau, ne s’en démarque pas moins par une conception de la danse faite aussi de liberté et de créativité. C’est une nouvelle génération de professeurs-chorégraphes qu’elle représente, pour qui la danse est avant tout synonyme d’expression créative. «C’est le lieu par excellence où l’enfant (tout comme l’adulte d’ailleurs ) se débarrasse de ses inhibitions. Il vient apprendre comment bouger, et comment utiliser l’espace», bref une forme supérieure d’expression qui se traduit en gestes et mouvements qui deviendront, avec le temps, de plus en plus esthétiques. «La danse est la forme la plus sophistiquée de l’éducation, et une expression supérieure d”une culture donnée», dira Elyssar Caracalla, qui évoque la richesse de la formation dont elle a bénéficié aux États- Unis. Ce sont des matières aussi diverses que la musique, l’histoire, l’anatomie, la kinésithérapie, la philosophie, la notation Laban (un type d’alphabet chorégraphique) etc. qui ont fait partie de son curriculum de danse pour lui permettre, un jour , d’accéder au monde de la chorégraphie, ce vers quoi elle aspire depuis bien longtemps. Pour l’instant, et à l’instar d’autres danseurs et danseuses professionnelles reconnus, tous formés à l’étranger et qui ont déjà fait leur preuve sur scène et dans les coulisses du métier, elle fonde beaucoup d’espoir sur un avenir plus prometteur. De nos jours, danser devient un art auquel tout le monde est ouvert. Et les complexes qui empoisonnaient les mentalités d’antan ont peu à peu disparu. On regrettera seulement qu’il n’existe point encore d’académie nationale de danse bénéficiant du soutien du ministère de la Culture. C’est ce quoi s’attellent aujourd’hui plusieurs professeurs qui caressent le rêve de voir se créer une sorte de super-académie nationale destinée aux professionnels et subventionnée par l’État. Mme Gebara qui a milité des années (et continue de le faire) pour défendre la danse et l’art en général, prône inlassablement «la fondation d’un théâtre national qui aurait l’envergure d’un véritable opéra». Car pour cette pionnière – qui reste par ailleurs convaincue de la nécessité de subventions pour la danse, demeurée le parent pauvre de l’art –, «il est temps, qu’un Conseil supérieur de la culture (formé d’experts dans les différents arts) soit mis en place». Et puis, il y a tous les autres, professeurs de danse, chorégraphes, pros, semi-pros amateurs , spectateurs. Tous aspirent à restituer à la danse ses lettres de noblesse. Tout en continuant entre-temps de nous rappeler sans cesse, que la danse reste, après tout, «une autre manière» de sublimer le quotidien.
Danse initiatique, danse sacrée, danse ludique, folklorique, profane, thérapeutique ; danse théâtrale, danse rituelle ou religieuse...et l’on pourrait continuer l’énumération jusqu’à l’infini - ou presque. Mais la danse ne serait-elle pas justement une façon de se rapprocher de cet infini, une sorte de réconciliation de notre être le plus profond avec toute forme de...