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Actualités - ANALYSE

Les députés se disent perplexes mais assez sceptiques

Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Les développements se précipitent au point de désarçonner la caste politique. Les députés qui voyaient, il y a 48 heures encore dans l’ouverture des dossiers une simple opération de diversion, s’avouent maintenant perplexes. Mais se hâtent d’ajouter que le pouvoir ne peut pas aller beaucoup plus loin, car il risquerait alors de renverser le temple. Une façon peu élégante mais efficace d’insinuer qu’au sein du pouvoir actuel certains pourraient être inquiétés, si l’on remuait toute la fange du passé. Un membre influent de l’Assemblée nationale, ardent partisan du nouveau régime, reconnaît que la bombe de la Cour des comptes «a soulevé un épais nuage de poussière. La visibilité globale s’en trouve affectée. Nous ne saisissons pas encore la finalité de la mise en scène, du spectacle qu’on déploie devant nos yeux. Jusqu’où iront les enquêtes ? Le gouvernement se rend-t-il réellement compte de la gravité de ce qui se passe, de ce que cela peut impliquer comme suites et comme poursuites ? Promet-il vraiment un monument comme M. Rafic Hariri à l’échafaud politique ? Réalise-t-il qu’il peut y avoir une débandade des capitaux si la chasse aux sorcières judiciaire est lancée ?» Ce parlementaire bien informé indique avoir appris «dès mercredi soir que des hommes d’affaires puissants proches des anciens dirigeants craignant d’être inquiétés ont commencé à préparer leur fuite à l’étranger avec armes et bagages. C’est-à-dire en retirant leurs dépôts bancaires, en revendant leurs avoirs et en supprimant des investissements divers, parfois lourds, effectués dans le pays». L’exemple français Cette personnalité note ensuite que lors du dernier Conseil des ministres, «chaque membre du Cabinet a pu exprimer son point de vue sur la marche à suivre à la lumière du rapport de la Cour des comptes. Les avis étant variés, le chef de l’État a tranché en demandant que le document soit transmis au parquet pour l’ouverture d’une enquête. Il ne fait aucun doute que techniquement, la mesure s’impose. Le rapport dénonce en effet d’une manière probante de graves violations de la loi sur la comptabilité publique et des jongleries inadmissibles avec les fonds des municipalités pour le paiement de Sukleen. Mais il faut être aveugle pour ne pas voir que l’affaire a essentiellement une dimension politique. La raison d’État, qui est comme on sait un mobile légitimé par la Constitution elle-même, peut vouloir que la justice soit dessaisie du dossier ou discrètement priée de s’en tenir à un blâme. Comme ce fut le cas dernièrement en France dans certaines affaires concernant la mairie de Paris ou le sang contaminé». Ce député note que, par ailleurs, «la Chambre acceptera difficilement de laisser l’initiative à la justice ordinaire comme dans le cas Barsoumian. Elle voudra probablement en faire saisir la Haute Cour, qui juge les présidents comme les ministres et qui est formée de députés et de juges professionnels. En pratique on n’est plus là en présence de modestes fusibles, mais du plus gros morceau imaginable, le staff Hariri. Il n’est certes pas question d’enterrer purement et simplement le rapport de la Cour des comptes. Mais la Place de l’Étoile va sans doute exiger de décider elle-même si des poursuites peuvent être engagées contre les anciens responsables mis en cause et qui sont toujours députés. Elle peut de même estimer qu’il lui faut mener l’enquête, à travers une commission qu’elle formerait à cette fin». Or on sait que selon le mot fameux de Clemenceau, pour enterrer une affaire il n’y a rien de mieux que de la confier à une commission. Ou de se rappeler au bon souvenir des amis, arabes et décideurs de préférence.
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Les développements se précipitent au point de désarçonner la caste politique. Les députés qui voyaient, il y a 48 heures encore dans l’ouverture des dossiers une simple opération de diversion, s’avouent maintenant perplexes. Mais se hâtent d’ajouter que le pouvoir ne peut pas aller beaucoup plus loin, car il risquerait alors...