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Actualités - REPORTAGES

Voyage - Tournée-découverte pour Léna Kelekian Venise se bat contre la pollution (photos)

Membre d’un groupe international de restaurateurs et de conservateurs, Léna Kelekian vient de rentrer d’une visite d’une semaine à Venise. À la découverte de la ville et de ses problèmes. Pour cette restauratrice qui est aussi géologue, iconographe et peintre, l’expédition, à la fois divertissante, a été un véritable régal. Il n’y a plus de poissons dans la lagune de Venise. L’eau est noire de pollution. Recouvertes d’une couche noire, les belles façades qui bordent les canaux doivent être nettoyées chaque quelque temps. «Le groupe dont je fais partie comprend des spécialistes de différentes nationalités», indique Léna Kelekian. «Des géologues, des historiens d’art, des artistes et des conservateurs. Chaque année, depuis sept ans déjà, nous nous retrouvons dans une ville historique pour examiner les travaux de restauration qui s’y font par des membres de notre groupe, et même parfois pour y participer. Nous en profitons également, ajoute-t-elle, pour faire une mise au point des activités et réalisations de chacun d’entre nous, pour l’année en cours. Personnellement, je me suis occupée principalement de la restauration d’icônes (plus de 35 pièces), vu qu’il n’y a pas – ou peu – de restauration de monuments au Liban». Il y a eu la Grèce, l’Espagne, la Moldavie… et dernièrement Venise, où le groupe s’est surtout intéressé aux problèmes de la lagune et à la pollution qui influe sur la pierre. «Venise ne néglige pas la restauration de ses façades», souligne Léna Kelekian. «Ses anciens bâtiments, nombreux, sont des monuments et il est important de préserver l’héritage culturel de la ville». Noir sur blanc En tant que géologue, elle souligne que la restauration des pierres l’a personnellement intéressée. «Ce problème est directement lié à ceux de l’environnement», explique-t-elle. «L’eau de la lagune est tellement polluée que les façades noircissent». Et d’appuyer ses propos par une curieuse histoire : à Venise, l’église Saint-Zulian est aussi connue sous le nom de «Black Church», à cause de la couleur de sa pierre. Et ce depuis la nuit des temps. «Récemment, deux restaurateurs de notre groupe l’ont étudiée de près», raconte Léna Kelekian. «Ils découvrent alors que cette pierre n’est autre que du calcaire. Or le calcaire noir n’existe pas». Ils ôtent la couche très noire de pollution, et la voilà redevenue blanche comme neige. Dans la ville aux 400 ponts, le groupe a visité de nombreux monuments ; les centres économiques et politiques de la «Sérénissime République de Venise» ; 80 % des églises ainsi que les plus célèbres palaces, ornés de marbres et de mosaïques. Et, bien sûr, les marchés et les anciens chapiteaux du Rialto, la place et la Basilique Saint-Marc et le Café Florian, premier café de Venise, datant de 1720 et très bien préservé, qui a accueilli de grands hommes comme Lord Byron, Casanova, Proust et Goldoni. Léna Kelekian parle avec enthousiasme de la richesse des palaces et des magnifiques plafonds datant des XIIIe, XIVe, Xve, XVIe et XVIIe siècles ; des intérieurs somptueux aux couleurs harmonisées, ornés de lustres, aux murs recouverts de satin et soie. Mais surtout, des magnifiques fresques, par Tiepolo ou autres grands artistes. Pigeon vole Comme Corto Maltese l’a dit, il n’y a qu’à Venise où les lions volent et les pigeons marchent. «Pour 50 000 Vénitiens, il y a 70 000 pigeons», affirme Léna Kelekian. «Très appréciés par les touristes, ils sont devenus un héritage national». D’où viennent-ils ? De Chypre, qui était une colonie de la République de Venise. En visite à Venise, la reine de Chypre avait apporté avec elle des pigeons. Aujourd’hui, Venise en est plein, mais il n’en reste plus un seul à Chypre. Au gré de leurs visites de façades restaurées, les membres du groupe ont découvert des tiges de fer, surmontées d’aiguilles, servant à empêcher les pigeons de resalir les façades et bâtiments restaurés. La mer qui grignote sur la terre ; les petites îles qui disparaissent peu à peu ; la flore du canal exterminée par la pollution due, entre autres, aux bateaux à moteur dits vaporetti, etc. À Venise, les problèmes géologiques sont importants, mais l’argent ne manque pas car la ville, unique en son genre, est classée patrimoine mondial par l’Unesco. «Les solutions sont multiples et variées», note Léna Kelekian, qui prépare une conférence à l’intention des géologues de l’AUB, sur le problème particulier de la lagune de Venise. Plantation d’herbes et d’arbres, construction de barrages et de jetées, remblayage à l’aide de sable «alourdi», culture de poissons pour repeupler le canal. Carnet de bord La «Villa Malcontenta», par l’architecte Palladio, qu’on ne peut quitter sans tristesse ; le plus décoré des palais de Venise, la «Casa d’Oro» (maison d’or) ; l’église Saint-Jean et Saint-Paul (XIIIe-XVe siècle), la plus grande église gothique du monde ; le palais Pizzani (XVIIIe siècle), son superbe jardin et sa piscine construite pendant la Première Guerre mondiale, pour tester des torpilles sans être pris par les nazis… Le voyage de Léna Kelekian est jonché d’anecdotes et de souvenirs, consignés dans un carnet de bord doublé d’un album. Avec une place de choix pour le Musée Peggy-Guggenheim (au palais Vernier dei Leoni), visité le dernier jour en compagnie de son conservateur. De beaux moments à revivre en photos, en attendant l’expédition de l’an 2000.
Membre d’un groupe international de restaurateurs et de conservateurs, Léna Kelekian vient de rentrer d’une visite d’une semaine à Venise. À la découverte de la ville et de ses problèmes. Pour cette restauratrice qui est aussi géologue, iconographe et peintre, l’expédition, à la fois divertissante, a été un véritable régal. Il n’y a plus de poissons dans la lagune de Venise....