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Actualités - INTERVIEWS

Liban-Israël - Les cinq détenus arrivés dimanche à Beyrouth ont retouvé leurs familles La joie incomplète des combattants du Hezbollah libérés(photos)

Seul le regard chargé de lassitude trahit leur fatigue. Détenus pendant plus de dix ans dans des prisons israéliennes et relâchés dimanche, Ahmed Obeid et Hachem Fahs, rencontrés hier à leurs domiciles à Jibchit (Nabatieh), gardent un ton ferme et des convictions inchangées. Une phrase revient en leitmotiv chez ces anciens détenus et leurs proches : «Notre joie ne sera complète que quand cheikh Abdel-Karim Obeid (alors responsable pour le Liban-Sud au sein du parti et kidnappé en même temps qu’eux et les autres détenus) seront à leur tour libérés». Ahmed et Hachem font partie des cinq détenus libérés dimanche soir par Israël après des détentions arbitraires qui ont duré entre dix et treize ans. Les autres détenus sont Kamal Rizk, Hussein Tleiss et Ahmed Srour. Évoquant son premier jour hors des prisons israéliennes depuis son enlèvement avec cheikh Abdel-Karim Obeid et Hachem Fahs dix ans plus tôt, Ahmed déclare : «Je n’ai vraiment cru à la liberté que quand je suis arrivé chez mes parents». Depuis deux jours, le salon où trônent deux grands portraits de l’ayatollah Khomeyni et du secrétaire général du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah, ne désemplit pas. Une grande partie du village a déjà défilé pour souhaiter la bienvenue à l’enfant du pays. A-t-il constaté beaucoup de changements ? «Je n’ai pas encore eu le temps de faire un tour», dit Ahmed. «Mais ce qui m’a frappé, c’est de retrouver des personnes que j’ai quittées enfants déjà adolescents et adultes !». Les signes du passage du temps ont également saisi Hachem à son retour. «Beaucoup de choses ont changé durant cette longue période», dit-il. «Tout a changé, les êtres humains, les paysages… Les enfants ont grandi et des générations que nous ne connaissions pas sont nées. Certaines personnes ne sont même plus de ce monde», poursuit-il, avec une nette émotion dans la voix. Et le pays, pense-t-il qu’il a changé ? Avec un sourire, il répond : «Tant qu’il est protégé par la Résistance islamique, le pays est en de bonnes mains». Une seule méthode : la torture Pour Kamal Rizk, contacté au téléphone, le principal changement a résidé dans le fait que sa famille a déménagé à Beyrouth pendant sa détention. «J’étais habitué à la vie de village et je me sens encore déboussolé», dit-il. Mais les jours de détention sont trop proches et imprègnent les mémoires des anciens détenus. Interrogé sur les conditions de vie en prison, Ahmed fait remarquer que «personne ne peut savoir à quel point elles sont difficiles, surtout quand on tombe entre les mains d’un ennemi». Hachem souligne, quant à lui, que «l’ennemi a une seule méthode, la torture». Pour eux, la période de détention s’est déroulée en deux temps : de 1989 à 1994 où ils se trouvaient en compagnie de cheikh Abdel-Karim Obeid et où ils étaient soumis à des interrogatoires violents. Après 1994 et jusqu’à leur libération, les conditions se sont quelque peu améliorées. «Ils ne nous permettaient ni de rencontrer un avocat ni les représentants d’associations caritatives», précise Ahmed. «Ce n’est qu’après 1994 que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a été autorisé à nous visiter régulièrement». Il poursuit : «Les conditions se sont légèrement et graduellement améliorées. Nous sommes passés de cellules individuelles à une prison collective où il y avait 19 Libanais détenus ensemble et isolés du reste». Ces dix ans, les parents d’Ahmed et de Hachem les ont passés dans l’anxiété. La mère d’Ahmed raconte : «Après un silence qui a duré cinq ans, j’ai commencé à recevoir des lettres de lui. Les derniers temps, il nous parlait même au téléphone et nous envoyait des films vidéo. Le voir, même sur le petit écran, nous rassurait beaucoup». À la question de savoir comment les parents ont appris la nouvelle, la mère de Hachem précise : «On nous a annoncé samedi qu’ils seraient libérés dimanche. Nous étions très heureux mais nous ne serons tout à fait à l’aise que quand tous les détenus seront libérés, notamment cheikh Obeid». Le nom de cheikh Obeid est sur toutes les lèvres. Mais ce n’est pas la même chose que d’entendre parler de lui par son fils, Sajed, qui n’avait que sept ans quand il a été enlevé. «Nous n’avons pas de nouvelles de mon père depuis dix ans», raconte-t-il. «La seule fois qu’un message nous est parvenu de lui, c’est grâce à une visite du CICR. Il nous a fait savoir qu’il était en bonne santé». La libération des codétenus de cheikh Obeid a-t-elle ravivé l’espoir de sa famille ? «Pour nous, c’est comme si le cheikh lui-même avait été libéré», dit Sajed. «Après tout, ils ont partagé sa cellule pendant cinq ans». Interrogés sur leurs projets futurs, les trois anciens détenus, Ahmed, Hachem et Kamal ont déclaré qu’il était trop tôt pour en parler. Reprendront-ils les armes ? La réponse d’Ahmed reste vague : «Sans la résistance armée, ni notre libération n’aura été possible, ni celle du Sud n’est envisageable». Quant à Kamal, il affirme qu’il ne lui est pas possible d’en parler. Après dix ans ou plus de détention en Israël, comment envisagent-ils la reprise des négociations entre la Syrie et le Liban d’une part et l’État hébreu d’autre part ? Les réponses d’Ahmed et de Hachem sont catégoriques. «Ces négociations vont certainement ressembler à celles qui les ont précédées entre Israël et les Palestiniens», affirme Ahmed. «Les Israéliens disent qu’ils veulent ouvrir une nouvelle page avec la Syrie. Mais ce n’est pas vrai. Ils n’ont jamais honoré leurs engagements !». Hachem, lui, ne croit pas à la paix. «Ce ne sera pas une paix mais un règlement nécessairement insuffisant puisque Jérusalem et la Palestine, qui sont au cœur du combat, resteront occupés». Enfin Kamal considère que «ce règlement demeure éloigné de ce que nous rêvions mais c’est une réalité sur le terrain». Ces cinq anciens détenus sont libres. Mais 33 autres demeurent dans les geôles israéliennes et quelque 170 dans la prison de Khiam.
Seul le regard chargé de lassitude trahit leur fatigue. Détenus pendant plus de dix ans dans des prisons israéliennes et relâchés dimanche, Ahmed Obeid et Hachem Fahs, rencontrés hier à leurs domiciles à Jibchit (Nabatieh), gardent un ton ferme et des convictions inchangées. Une phrase revient en leitmotiv chez ces anciens détenus et leurs proches : «Notre joie ne sera complète que...