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Actualités - REPORTAGES

Web-Culture - Adieu plume, papier et intimité : les diaristes mettent leurs états d'âme en ligne Cher Cyberjournal ... (photos)

Par un jour de surf nonchalant, vous tombez au hasard de vos pérégrinations virtuelles, sur une aimable invitation «Laissez-moi vous montrer le monde avec mes yeux». Vous êtes un internaute poli ou curieux, ou les deux à la fois. Vous vous rendez sur le site ainsi baptisé. Là, vous ne découvrez pas le monde, mais celui d’une dénommée Zubial. En hôtesse civilisée, elle se présente d’abord brièvement au travers d’une auto-interview. Vous y apprenez que sa plus grande quête consiste à vivre « un peu plus comme le vrai Zubial». Qui est donc cet être étrange ? La lecture des billets obligeamment mis à votre disposition devrait vous apporter quelques éléments de réponse. Car à partir de maintenant, c’est à vous de voir. Au sens propre bien sûr. Zubial tient en effet son journal intime sur Internet «un billet nombriliste où je me prends au sérieux une fois la journée». À l’instar de Zubial, les internautes sont de plus en plus nombreux à s’ adonner à l’art du journal intime virtuel. Qu’est ce qui peut bien pousser ces anonymes à confier leurs états d’âme au premier individu connecté ? Les réponses se trouvent souvent dans les journaux eux-mêmes. «Pour m’ évader, pour rencontrer des gens, pour faire part de mon ironie et de l’ ironie de ma vie, pour tout cela, je suis là», explique l’auteur sans nom d’un journal baptisé é, qui narre les aventures d’un jeune homme dont le job consiste à remplacer des carrés par des «é». «Ce journal sera ma petite vie à moi» écrit ailleurs Holala ; «J’ouvre ici une petite fenêtre sur mon quotidien, libre à vous d’y entrer», prévient Brume. Les diaristes mettent tous en scène les trois mêmes personnages : moi, je et vous. Avec le web, les «journaleurs», selon une expression québécoise, ont trouvé le compromis idéal pour concilier leur besoin d’exhibitionnisme et leur envie de partager. Dans une époque où l’ affectif et les médias se rejoignent sans cesse, le côté gigantesque d’Internet peut, paradoxalement, encourager à se livrer. On ne choisit pas d’ exhiber ses sentiments à quelqu’un en particulier mais à une masse non définie, diluée. Un peu comme ces allumés de la webcam qui mangent et dorment avec des yeux étrangers braqués sur… leur intimité. Les chances pour qu’un proche ait connaissance du journal sont finalement très ténues, à moins d’un acte volontaire. Votre voisin de palier tient peut-être régulièrement sa chronique et vous ne le savez pas. Certains diaristes essaient, un peu naïvement d’ailleurs, de se protéger en inscrivant sur leur page d’accueil : « si vous me connaissez, merci de ne pas me lire». Quant à la notion de partage, elle se traduit par l’éventuelle utilité qu’une expérience personnelle peut apporter. L’illustration la plus complète est fournie par Anne qui a choisi de raconter ses aventures tabagiques via son journal, baptisé tout simplement «demain j’arrête». On peut y suivre son évolution face à la cigarette, ses périodes d’arrêt et de reprise. On peut également y lire les messages d’encouragement qu’elle a reçus. Qu’ils soient à la recherche d’un appui ou d’un moyen de s’épancher, Internet fournit à ces diaristes une caisse de résonance. Leurs pensées intimes trouvent une deuxième vie auprès de lecteurs qui sont constamment appelés à intervenir et qui constituent en fin de compte la première des justifications à la création du journal. À quoi bon se dévoiler si on n’ a pas de spectateur ? L’auteur de é par exemple, explique son stress lorsqu’un jour, lors d’une panne informatique, certaines pages ont été écrites pour lui seul, sans être publiées. Une autre, l’Incrédule, appâte ses lecteurs en tentant de leur faire deviner son âge via un petit jeu interactif. Le lecteur a une influence jusque dans le contenu du journal. «Être online signifie intéresser les lecteurs, explique Mongolo, un des premiers diaristes français en ligne. Dans mon journal, le ton est passé d’une description d’événements pas vraiment compréhensibles par tout le monde à des histoires plus génériques, plus accessibles. D’un côté cela épure un peu le contenu mais d’un autre, cela oblige à trouver une nouvelle richesse. Mais il m’ a fallu du temps pour maîtriser cette écriture un peu particulière». «Les gens ont envie de se faire connaître et de parler d’ eux mais ils ne comprennent pas vraiment ce que cela implique. Ils sous-estiment la régularité et le travail d’écriture, dit Michèle, qui consacre un site à l’étude des journaux intimes, papier et web. Ils oublient aussi les conséquences éventuelles de l’ interactivité, puisque dans certains cas extrêmes, aux États-Unis, des lecteurs agressifs ont contraint des diaristes à s’arrêter. Aujourd’hui, on fait un journal comme n’ importe quel genre de site alors qu’il ne s’agit justement pas de n’ importe quel genre». «D’ailleurs, conclut-elle, il faut être un peu fou pour donner sa vie par écrit à des inconnus».
Par un jour de surf nonchalant, vous tombez au hasard de vos pérégrinations virtuelles, sur une aimable invitation «Laissez-moi vous montrer le monde avec mes yeux». Vous êtes un internaute poli ou curieux, ou les deux à la fois. Vous vous rendez sur le site ainsi baptisé. Là, vous ne découvrez pas le monde, mais celui d’une dénommée Zubial. En hôtesse civilisée, elle se présente...