Ulster - Les négociateurs de la paix endossent leurs habits de gestionnaires L'Irlande du Nord face à la petite histoire (photo)

Les négociateurs de la paix en Irlande du Nord ont endossé hier leurs habits de gestionnaires pour s’attaquer aux affaires courantes de la province, qui aspire à la normalité. Les lendemains d’aube historique avaient des airs studieux à Belfast, où la nouvelle équipe au pouvoir commençait à se plonger dans des dossiers intitulés eaux et forêts, salaires ou retraites, et partait à la rencontre de ses administrés. On se demandait à cet égard si le ministre de l’Éducation Martin McGuinness (Sinn Fein) honorerait de sa présence les galas de fin d’année des écoles protestantes. Inédite, l’action de ce gouvernement réunissant catholiques et protestants est aussi totalement imprévisible du point de vue politique. Depuis que l’Ulster est née, les lignes de conduite de l’action publique y sont dictés par des clivages communautaires, et jamais en termes d’idéologie droite-gauche. De fait, le gouvernement nord-irlandais est une coalition allant des conservateurs (unionistes) aux socialistes (républicains), et la gestion conjointe ne sera pas son moindre défi. L’action ministérielle va encore se compliquer d’un mécanisme rendu nécessaire par l’histoire particulière de la province, avec un comité de 11 personnes doublant chaque ministère, chargé d’en scruter l’action sous le rapport de l’égalité de traitement des deux communautés. Ministre et comité doivent obligatoirement être d’un parti différent, recette de démocratie exemplaire pour les uns, de blocage assuré selon les autres. La photo qui illustrait toute la presse d’hier, en Grande-Bretagne comme en Irlande, des ministres locaux assis tout sourire autour de leur table de travail, avait un revers pour l’équipe sortante. Deux secrétaires d’État britanniques à l’Irlande du Nord, Lord Dubbs et John McFall, ont remis leur démission, effective jeudi à minuit. Leurs responsabilités, comprenant entre autres l’Éducation et l’Agriculture, sont désormais du ressort du gouvernement local. Une légère confusion régnait d’ailleurs hier au service de presse du ministère britannique, où on ne pouvait préciser avec certitude qui demeurait en charge de quoi car «la situation est encore très mouvante». Une ombre demeure pourtant sur la normalité politique qui s’installe à petits pas en Irlande du Nord : le désarmement des groupes armés, à commencer par celui de l’Ira, reste à concrétiser. Un premier pas a été franchi jeudi soir avec la désignation d’un intermédiaire de l’Ira chargé de négocier avec la commission sur le désarmement du général canadien John de Chastelain.