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Actualités - REPORTAGES

Procès - Le chanteur a été interrogé pendant 90 minutes Le verdict dans l'affaire Marcel Khalifé fixé au 15 décembre (photo)

«Je suis très malheureux de comparaître devant un tribunal à la place généralement réservée aux trafiquants de drogue et autres criminels». C’est en ces termes que le chanteur Marcel Khalifé a entamé son plaidoyer lorsque le juge unique Mme Ghada Bou Karroum lui a donné la parole. L’assistance nombreuse et plus ou moins exaltée a aussitôt retenu son souffle et c’est sans violon ni oud que la voix de Khalifé s’est élevée dans une salle soudain miraculeusement silencieuse. Le juge prononcera son verdict le 15 décembre. Comme lors de l’ouverture du procès, la foule, essentiellement formée de jeunes, d’artistes et de gauchisants anciens ou actuels, était nombreuse et très enthousiaste. Il s’agissait pour elle non seulement de clamer sa désapprobation de la procédure engagée contre Marcel Khalifé, mais aussi de soutenir le moral du chanteur, qui se serait bien passé de toute cette publicité. Il a d’ailleurs fallu beaucoup d’autorité au juge Ghada Bou Karroum pour réussir à imposer le silence à l’assistance qui voulait manifester bruyamment son appui à ce chanteur engagé, qui ne s’est pas contenté de mettre en musique de merveilleux poèmes, mais qui est pratiquement devenu le symbole de la lutte pour les grandes causes. Acclamé par ses nombreux fans, Marcel Khalifé est donc arrivé au Palais de justice entouré de ses avocats (musulmans pour la plupart, et ce n’est certes pas un hasard) dans son éternelle chemise blanche sur laquelle il a passé une veste, température «polaire» oblige. Une voix monocorde presque dégoûtée Malgré les vivats, le chanteur semblait gêné et plutôt triste et lorsque le juge lui a donné la parole après avoir rappelé qu’il est accusé d’avilissement de l’islam pour avoir mis en musique un verset du Coran, c’est d’une voix monocorde, presque dégoûtée, qu’il s’est exprimé. «Je suis trop respectueux de toutes les croyances pour avoir jamais voulu avilir l’islam ou toute autre religion, a déclaré Khalifé, qui a aussi exprimé sa désolation de comparaître «là où généralement défilent les trafiquants de drogue et autres criminels». À ce moment-là, on aurait voulu lui crier que des hommes innocents comparaissent aussi devant ce même tribunal et pour ne citer qu’un exemple, on pense aussitôt au chef de la centrale syndicale Élias Abou Rizk, récemment acquitté par le même juge, mais impossible d’émettre le moindre son face à Mme Ghada Bou Karroum, qui menaçait de vider la salle à la première manifestation de solidarité. Khalifé a donc plaidé l’absence de mobile et le respect de toutes les causes de l’humanité, se basant sur son passé de militant en faveur des droits de l’homme et de l’abolition de toute forme d’oppression contre les individus et les peuples. Sa voix basse a longuement résonné dans la salle bondée où régnait un silence quasi religieux. «Je regrette que le mot avilissement ait été utilisé, a déclaré Khalifé. À aucun moment de ma vie, je n’ai pensé avilir quiconque. Il y a dix-neuf confessions au Liban et je n’ai jamais appartenu à aucune d’elles, j’ai œuvré pour la patrie et pour l’humanité». Au sujet de la chanson incriminée, Khalifé a déclaré qu’il l’avait dédiée aux victimes du massacre de Cana, en avril 1996... Parmi les nombreux avocats qui se sont portés volontaires pour défendre l’artiste, dont le nouveau bâtonnier de Beyrouth, Me Lyan, trois ont été choisis pour plaider sa cause. Il s’agit du bâtonnier du Liban-Nord, Me Rachid Derbass, ainsi que MM. Fouad Chbaklo et Ibrahim Chamseddine ont ensuite pris la parole. Selon eux, il n’y a pas eu crime, puisqu’il n’y a pas eu avilissement de l’islam, la chanson Je suis Joseph, ô Père (qui est à l’origine un poème du Palestinien Mahmoud Darwiche) étant interprétée sur un rythme incantatoire, plein de piété, et leur client, M.Khalifé, ignorant de toute façon l’existence d’une fatwa interdisant la mise en musique d’un verset du Coran. Les avocats ont expliqué qu’il n’y a pas plus respectueux des croyances des autres que Marcel Khalifé, qui a déjà été victime de l’intolérance, de l’oppression et de l’étroitesse d’esprit et qui, malgré tout, a continué à clamer sa foi dans les libertés, le respect, la tolérance et la spiritualité. Ils ont réclamé l’arrêt des poursuites judiciaires contre lui (s’il est reconnu coupable, Khalifé risque une peine de six mois à trois ans de prison) et son acquittement total pour absence d’intention criminelle. Le juge Bou Karroum a écouté sans broncher avant d’annoncer qu’elle rendra son verdict le 15 décembre et de lever l’audience. Ce ne sera certes pas un jugement facile, en raison de la médiatisation de ce procès et en raison surtout du fait qu’il n’existe pas encore de jurisprudence en la matière sur laquelle elle pourra se baser. Elle aurait d’ailleurs pu essayer de gagner du temps en reportant son verdict aux prochains mois, afin de laisser les esprits se calmer, mais elle a refusé cette solution de facilité, écourtant au maximum le suspense. Dans moins de 15 jours, le Liban saura si la justice se tourne résolument vers l’avenir ou si elle compte rester plongée dans un passé qui jusqu’à présent n’a été porteur que de déceptions, de souffrances et de déchirements.
«Je suis très malheureux de comparaître devant un tribunal à la place généralement réservée aux trafiquants de drogue et autres criminels». C’est en ces termes que le chanteur Marcel Khalifé a entamé son plaidoyer lorsque le juge unique Mme Ghada Bou Karroum lui a donné la parole. L’assistance nombreuse et plus ou moins exaltée a aussitôt retenu son souffle et c’est sans...