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Actualités - INTERVIEWS

La politique en héritage - Petit-fils de président et porteur d'un nom célèbre Camille Dory Chamoun, un perfectionniste qui attend son heure (photo)

La politique en héritage n’est pas toujours un cadeau, c’est même parfois un fardeau dont il n’est pas facile de se débarrasser. Son père, Dory Chamoun, avait déjà essayé de lui tourner le dos, mais elle l’a vite rattrapé, le jour où il n’y avait plus que lui pour «préserver le legs familial». Camille Dory Chamoun, lui, préfère vivre aujourd’hui ses passions... Même si la politique n’est jamais bien loin. Elle pourrait même venir à lui plus tôt que prévu, si le PNL décide de présenter sa candidature aux élections législatives de l’été 2000. Et cet homme, qui a délibérément choisi de vivre loin des remous de la capitale, en contact étroit avec la mer et les bateaux, a quand même appelé son fils aîné Nemr, du nom de son arrière-grand-père, «afin que ce beau prénom qui fait partie de notre patrimoine reste dans la famille». Camille Dory Chamoun est un homme simple et direct, qui dit ce qu’il pense sans craindre de manquer de diplomatie. Il ne porte pas le masque habituel de ceux qui veulent jouer «un rôle», assumant avec naturel son bureau sommaire, où il faut attendre une heure pour avoir un café, entouré de portraits de ses enfants et de son grand-père l’ancien président Camille Chamoun. Soucieux de respecter «son horloge biologique», rendez-vous ou pas, il commande une pizza à la boulangère du coin et c’est entre deux bouchées qu’il engage la conversation. Suivre une certaine éthique Pour lui, «Camille Chamoun» n’est pas vraiment un nom lourd à porter. «Disons qu’il faut sans cesse éviter de le ternir. J’ai donc dû, même pendant mon enfance, suivre une certaine éthique avec plus ou moins de bonheur». Le jeune Camille reconnaît qu’il n’a pas toujours réussi à se contrôler, avec «quelques profs gauchisants». Ce qui lui a d’ailleurs valu des blâmes et une solide réputation de «frondeur». Dans les classes secondaires, Camille Chamoun a adhéré à l’organisation estudiantine du PNL. «À l’époque, l’OLP commençait à bouger au Liban et à prendre des libertés dont elle était privée dans les autres pays arabes». Cela donnait de nombreux clashes entre les étudiants, auxquels participait activement Camille. «Je me suis impliqué dans ces rixes par conviction personnelle. Je sentais qu’il fallait défendre nos idées. Mon grand-père, lui, aurait préféré que je sois en classe au lieu de passer mon temps à me battre». Camille n’a jamais été félicité pour avoir voulu défendre activement ses idées. Au contraire, il était souvent semoncé à la maison et, en 1976, ses parents décident de l’envoyer poursuivre ses études à l’étranger. «Au début, j’étais très malheureux d’être séparé de mes compagnons et de ma famille, mais petit à petit je me suis adapté à la situation». Camille Chamoun est resté cinq ans en Angleterre, puis il a travaillé à New York avant de rentrer définitivement au Liban en 1982. Il a alors créé le premier projet de karting au Liban, à Nahr el-Mott, mais le terrain a été bombardé en 1983 et le projet a été abandonné. Le jeune Camille a tenté de se lancer dans d’autres projets sans jamais perdre de vue la vie politique à laquelle sa famille a toujours été intimement mêlée. La politique, un job à plein temps Jusqu’à aujourd’hui, il a malgré tout refusé de s’en mêler directement. «C’est un choix délibéré, car, au Liban, pour faire de la politique, il faut frapper à certaines portes et je ne veux pas le faire». Il n’exclut pourtant pas la possibilité d’être le candidat du parti aux législatives de 2000 si la loi interdit à son père, chef de la municipalité de Deir el-Kamar, de se présenter. Mais, au fond, il souhaiterait attendre un peu, car «la politique c’est un job à plein temps et je voudrais profiter encore de mes enfants qui sont en bas âge». D’ailleurs, contrairement à l’impression qu’il donne de prime abord, Camille Chamoun aime la politique et suit de près les développements au Liban et dans la région. Il occupe aussi des fonctions officielles au PNL où il est responsable de la région du Chouf et de l’environnement. Bien que plongé dans les bateaux qu’il construit avec amour et au sujet desquels il est intarissable, Camille Chamoun a des idées bien arrêtées en politique. Il est parfaitement conscient du rôle joué par sa famille et il déplore le fait que son arrière grand-père, Nemr, ait été plus ou moins oublié. «Cet homme était en charge des Finances au sérail à l’époque de la moutassarifiah. Il subtilisait des sommes d’argent pour les donner aux familles pauvres. Ses manigances ayant été découvertes, il a été exilé en Anatolie. Plus tard, mon grand-père, Camille, a été surnommé Nemr Saadiyat. Et enfin, mon oncle Dany avait appelé sa milice les Noumours. C’est vous dire pourquoi je suis attaché à ce prénom». Si Camille Chamoun se lance un jour dans la politique, ce n’est pas, dit-il, «par esprit féodal, mais parce que je me sentirai en mesure de faire quelque chose pour améliorer la vie des Libanais». Selon lui, le sort de ces derniers est tout à fait injuste. «Nous ne méritons pas la guerre qui a déchiré notre pays. Les Libanais ne se sont pas battus entre eux. Ils forment un peuple marchand, pacifique et je suis sûr que si on les laisse entre eux, sans intervention étrangère, ils s’entendront parfaitement». Camille Chamoun affirme être en parfaite harmonie avec les opinions de son père. Si on lui fait remarquer la régression actuelle du parti, qui occupait au début de la guerre une place de premier plan et qui est aujourd’hui marginalisé, il n’en attribue pas la responsabilité à Dory Chamoun, mais aux circonstances». L’opportunisme n’a jamais fait partie de notre éducation. Le parti est peut-être moins important aujourd’hui, mais, au moins, il n’a jamais dévié de la voie tracée par le fondateur et ses positions sont toujours cohérentes». Détenteur de la double nationalité, française (par sa grand-mère maternelle) et libanaise (par son père), Camille Chamoun se sent pourtant totalement libanais. «Ce pays, dit-il, c’est notre aquarium naturel. Même s’il est très petit, l’océan ne le remplacera jamais». Aquarium, océan, ces termes font partie du langage de Camille Chamoun, cet amoureux de la mer. «Cette passion remonte à mon enfance et aux vacances à Saadiyate. J’avais douze ans lorsque mon oncle Dany m’a initié à la plongée sous-marine. Il m’a d’ailleurs offert ma première bouteille de plongée et nous pêchions le mérou». Depuis, il n’est jamais resté longtemps loin de la grande bleue et, pour gagne-pain, il n’a rien trouvé de mieux que de construire des bateaux. Un profond dégoût... C’est avec pudeur que Camille Chamoun parle de l’assassinat de son oncle Dany en 1990. «J’ai éprouvé alors un immense dégoût. Ma famille a toujours condamné les assassinats politiques estimant qu’il s’agit d’un moyen lâche pour régler les comptes et voilà que les assassins ont frappé toute une famille avec deux jeunes garçons. C’était révoltant. À cette époque, mon fils Nemr venait de naître et quelques jours avant son assassinat mon oncle avait assisté au baptême…». Pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre au Liban, Camille Chamoun ne se sent plus en sécurité dans ce pays. Avec sa petite famille, il s’installe à Limassol (Chypre), car il ne veut quand même pas se sentir trop loin du Liban. Il y reste sept mois, puis il décide de rentrer. «De toute façon, dit-il, la mort ne me fait pas peur puisqu’elle est inéluctable. Et puis, quand on a des enfants, on se sent plus fort car, même si on part, la continuité est assurée. Et c’est important de savoir que les idées se perpétueront». Un jour, Camille Chamoun reprendra donc le flambeau, non par obligation, mais par conviction, car il sentira l’urgence de défendre les idées pour lesquelles ses compagnons et des membres de sa famille sont morts. Mais, en attendant, il profite pleinement de la vie, de ses enfants et de cette mer si généreuse qui envahit son petit bureau. «Je suis un perfectionniste, dit-il. Je n’aime pas faire les choses à moitié et lorsque je me lancerai dans l’arène politique, ce sera pour de bon…».
La politique en héritage n’est pas toujours un cadeau, c’est même parfois un fardeau dont il n’est pas facile de se débarrasser. Son père, Dory Chamoun, avait déjà essayé de lui tourner le dos, mais elle l’a vite rattrapé, le jour où il n’y avait plus que lui pour «préserver le legs familial». Camille Dory Chamoun, lui, préfère vivre aujourd’hui ses passions... Même si...