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Actualités - ANALYSE

Question de mesure

La réaction musclée du pouvoir face à l’agitation des étudiants aounistes à la rue Huvelin, mardi dernier, ne constitue nullement un épisode isolé dans l’espace et dans le temps. Depuis plusieurs semaines, des interpellations en série sont opérées dans les rangs des partisans du général Michel Aoun, du courant des Forces libanaises et du Parti national libéral. Ces rafles – accompagnées, souvent, de passages à tabac – interviennent généralement après une simple distribution de tracts ou l’organisation de réunions partisanes. Dans certains cas, brandir un portrait du général Aoun ou un drapeau aux couleurs des FL peut provoquer le courroux des forces de l’ordre. Pourtant, au début du mandat présidentiel, de nombreux Libanais avaient osé espérer qu’un vent nouveau soufflerait sur le pays. L’une des premières décisions du gouvernement de M. Selim Hoss n’a-t-elle pas été d’abolir la tristement célèbre résolution du cabinet Hariri interdisant sine die les manifestations dans le pays ? L’autorisation des manifestations a été, certes, une démarche louable qui aurait dû présager d’une volonté de réactiver réellement une vie politique reléguée trop longtemps aux oubliettes. Les développements des dernières semaines ont toutefois poussé beaucoup de Libanais à désenchanter. Au risque de faire preuve d’une grave incohérence, le pouvoir ne saurait afficher sa volonté d’agréer les manifestations tout en s’opposant manu militari à une distribution de tracts ou à la tenue de réunions politiques (pacifiques) regroupant des jeunes mus par un même idéal national (quel qu’il soit). À l’ère d’Internet et du courrier électronique, n’est-il pas déraisonnable (et contre-productif) d’interdire la distribution d’un pamphlet qui, de surcroît, est diffusé, au départ, sur le réseau des réseaux ? Ceux qui tentent de s’exprimer, autant que faire se peut, en brandissant un portrait ou un drapeau, ou en reprenant des slogans politiques, constituent-ils à ce point une menace pour la sécurité de l’Etat ou la paix civile ? Il serait naïf de le croire, surtout dans le contexte présent. Une répression disproportionnée – accompagnée, par la force des choses, d’un tapage médiatique – a sur les contestataires un effet mobilisateur qu’il n’est plus nécessaire de prouver. Dans le cas des développements survenus à la rue Huvelin, mardi, si une délégation des étudiants aounistes s’était rendue tout simplement à la Maison des Nations unies pour remettre leur message adressé à M. Kofi Annan, leur visite n’aurait eu droit qu’à quelques lignes dans la presse, et la plupart des partisans aounistes n’auraient sans doute pas été particulièrement passionnés par un tel développement. La réaction des forces de l’ordre a, par contre, mobilisé les étudiants, et par suite la presse, ce qui met en relief le caractère totalement irrationnel de l’attitude du pouvoir. Reste l’hypothèse selon laquelle il existerait une volonté délibérée d’empêcher une composante bien précise de la population de participer à la vie politique. Comment expliquer autrement que les rafles et les interpellations soient axées sur des fractions déterminées et dans une seule région ? Les précédents dont le pays a été le théâtre sur ce plan ces dernières années ont apporté la preuve par quatre que de telles pratiques, loin de réduire au silence ceux qui refusent de rentrer dans les rangs, ne font qu’approfondir le fossé entre l’autorité, d’une part, et la société civile et les forces vives du pays, d’autre part. Le nouveau régime s’est placé, d’entrée de jeu, sous le signe du redressement économique et de l’édification d’un État de droit. Un double objectif qui ne saurait être réalisé dans un climat de tension, de répression et de discorde nationale. Si le but recherché est de réconcilier les Libanais avec l’État, il ne pourrait être atteint en muselant et en marginalisant de larges fractions de la population. Car c’est en favorisant une réelle osmose entre les diverses composantes de la société pluraliste libanaise que le Liban pourra parvenir, un jour, à son véritable équilibre politique.
La réaction musclée du pouvoir face à l’agitation des étudiants aounistes à la rue Huvelin, mardi dernier, ne constitue nullement un épisode isolé dans l’espace et dans le temps. Depuis plusieurs semaines, des interpellations en série sont opérées dans les rangs des partisans du général Michel Aoun, du courant des Forces libanaises et du Parti national libéral. Ces rafles –...