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Actualités - REPORTAGES

Chômage - Les ressources humaines synonymes de richesse Marché de l'emploi : un rôle essentiel pour les recruteurs (photo)

Quel candidat pour quelle entreprise ? Comment choisit-on l’employé le plus adéquat pour un poste donné ? La pénurie de l’emploi aurait changé la règle du jeu, alors que les rangs des chômeurs grossissent. D’où une plus grande exigence en terme de qualité de recrutement et ce, pour un moindre salaire, entendons-nous dire ici et là. La cause d’une telle situation est à rechercher au niveau de la crise économique, affirment les spécialistes. Mais qu’en est-il exactement de toutes ces affirmations et comment se porte réellement le marché de l’emploi ? Ce dernier serait-il réellement grippé ? Si oui, la crise économique aurait-elle affecté tous les secteurs de la même façon ? Les «chasseurs de têtes» ou «recruteurs» nous exposent leur point de vue. La réalité, disent-ils, est un peu plus complexe qu’elle ne le paraît de prime à bord. Le marché de l’emploi n’est pas une donne uniforme que l’on peut analyser en bloc. Car qui dit emploi, dit offre et demande, chacune ayant ses conditions et ses exigences propres. Côté «demandeurs», affirment les spécialistes, il serait plus loisible pour commencer, de parler de «ressources humaines», une notion qui doit être prise au sens large. En effet, cette dernière sous-entend aussi bien la formation, le passé socio-culturel du candidat, que son profil psychologique, lequel est aussi important que ses compétences techniques. Les recruteurs savent bien cela, alors que bon nombre de sociétés l’ignorent encore, d’où peut-être l’importance des agences de recrutement, spécialement formées pour «déceler» et «placer» “the right person at the right place”. Malheureusement, avoue M. Sabah el-Hajj, directeur de la société de recrutement et de consultation Management Plus, la plupart des entreprises au Liban fonctionnent sur le mode familial. Plusieurs rechignent à recourir aux méthodes rationalisées de recrutement offertes par les agences, «d’où un “turnover” important dans ces entreprises, (changement de personnel fréquent) qui ne se posent jamais les questions qu’il faut», dit-il. Or, ce qui est encore plus absurde, explique ce consultant, c’est que «le renouvellement fréquent du personnel coûte énormément à l’entreprise, qui aurait déjà investi dans la formation du candidat avant de décider de s’en débarrasser. Cette “perte” n’apparaît évidemment pas dans les cahiers comptables», ajoute cet économiste qui croit que certaines entreprises boudent les agences parce qu’elles «ne veulent pas payer le prix de leurs services, croyant ainsi économiser». D’autres ont toujours peur, semble-t-il, de dévoiler une information quelconque sur le fonctionnement de leur société (une attitude typique du monde des affaires au Moyen-Orient). Enfin, note M. Sabah el-Hajj, qui est également professeur de Business Administration (Gestion) à l’AUB, bon nombre d’employeurs au Liban ont encore cette mentalité rétrograde selon laquelle «offrir» un travail est l’équivalent d’une grâce que l’employeur veut bien accorder au candidat, alors que c’est le contraire qui est vrai, ce dernier étant réellement une «ressource humaine», c’est-à-dire une richesse faisant partie du capital de l’entreprise. «À condition toutefois, que le bon choix ait été fait préalablement», renchérit M. El-Hajj, qui explique que l’agence sert précisément à «éviter l’humiliation au candidat», puisque le processus d’embauche est rationalisé. Il ne s’agit plus, dans ce cas là, d’un recrutement fait par le moyen d’un piston ou à travers tout un «réseau de connaissances». Selon M. Johnny Tchamitchian, un autre recruteur qui a également acquis une connaissance substantielle du marché de l’emploi, les entreprises libanaises continuent à fonctionner, pour la plupart, selon «le mode paternaliste», l’employeur s’engageant à assurer protection et sécurité (relative) à son employé, contre un salaire qui est souvent minime… Les caprices du marché Heureusement que toutes les entreprises ne répondent pas à ce schéma. Plusieurs ont déjà viré vers la rationalité dans leur mode d’embauche. D’où le rôle primordial joué par ces agences. Cependant, le problème ne se limite pas à cela. Car, une fois sollicitées, les agences doivent faire face au problème de l’offre et de la demande sur le marché et adapter les besoins des uns et des autres. Le premier obstacle est celui de trouver le bon candidat. Alors que ces derniers sont en nombre croissant (le chômage est réel mais tout de même relatif avouent les recruteurs) et les offres plutôt en baisse. Le «matching» n’est pas toujours évident. «C’est un mariage de raison entre, d’une part, la société en question, qui jouit d’une certaine culture d’entreprise, et le candidat qui, outre les compétences requises, doit nécessairement avoir le profil psychologique adéquat». M. Tchamitchian parle également de «raison», estimant que le Libanais mélange beaucoup entre l’affect et le travail professionnel. C’est bien pour cela qu’il a choisi de soumettre les candidats (demandeurs) à un test psychologique qui évalue le profil caractériel de chacun. Un “salesman”, par exemple, doit être plutôt entreprenant et audacieux, alors qu’une secrétaire qui serait quelque peu «docile» ( au sens où elle accepte facilement les ordres), est plutôt une bonne chose, explique M. Tchamitchian, qui est lui-même psychologue de formation. Par contre, il est, de plus, demandé d’une secrétaire de direction (Executive Assistant) d’avoir le sens de l’initiative et de l’organisation, affirme M. Sabah el-Hajj, qui compte sur son propre flair pour tester les candidats. D’ailleurs, explique-t-il, nous nous appuyons également sur des données concrètes dans notre évaluation, à savoir le profil universitaire qui nous donne quelques indications sur le comportement futur des candidats en entreprise. Alors qu’un étudiant de l’USJ est (en général) très discipliné, rigoureux dans son travail, «quelqu’un sur qui on peut compter», il manque toutefois «d’initiative» chose que l’on trouve de manière plus explicite chez un diplômé de l’AUB qui, lui, serait moins discipliné, moins sérieux au cours des deux ou trois premières années d’emploi. Mais dès qu’il accède à un poste de responsabilité, un ancien de l’AUB fera immédiatement ses preuves. Quant aux autres universités (Université libanaise, Université arabe) elles peuvent être compétitives pour certaines disciplines (la comptabilité par exemple pour l’UA), mais elles pêchent énormément en connaissance des langues, condition sine qua non pour le recrutement d’un candidat, explique M. Sabah el-Hajj. Et M. Tchamitchian d’acquiescer en ajoutant que l’apprentissage d’une langue n’est pas seulement technique mais prend toute son importance du fait qu’il véhicule toute une culture et un mode de pensée bien précis. Nous pouvons immédiatement déterminer «si un candidat a un esprit analytique et de la rigueur dans sa pensée», note M. Tchamitchian qui estime par ailleurs qu’un candidat qui a à son crédit un séjour ou des années d’études à l’étranger se démarque nettement des autres. À la question de savoir si le marché de travail a été lourdement affecté par la crise, la réponse nous est donnée par les chiffres avancés par les recruteurs : pour 20 à 30 demandes d’emploi par jour, se sont 30 à 35 offres qui sont déposées par semaine à Management Plus. Alors que l’agence traitait dans une proportion de 20 % avec les pays arabes contre 80 % pour le Liban, en matière d’emploi, aujourd’hui ces proportions sont devenues de l’ordre de 50 % partagées à égalité par la clientèle libanaise et arabe. Pour M. Tchamitchian, la crise peut-être décelée à partir des salaires qui, de son avis, ont été réduits dans une proportion de 20 % à peu près. «Les candidats acceptent aujourd’hui ce qu’on leur offre», alors qu’ils étaient plus exigeants il y a quelques années, note le psychologue. Mais les recruteurs s’accordent pour dire que la crise est plus particulièrement perceptible dans certains domaines (architecture et génie essentiellement), alors que dans d’autres, la demande reste relativement constante (marketing, ventes, secrétariat et dans une moindre mesure les métiers de l’informatique). Il est toutefois important de noter que, contrairement à ce qui se passe en Occident, où les salaires sont codifiés (tel poste équivaut à tel salaire qui sera augmenté en fonction des diplômes et de l’expérience) au Liban, les choses se passent un peu à la tête du client, malgré la codification qui théoriquement existe et qui est appliquée par les agences. «Un salaire doit être synonyme d’efficacité», affirme le directeur de Management Plus, qui estime qu’on n’a jamais assez payé un employé qui a fait preuve d’efficacité et d’un taux de productivité élevé. M. Sabah el-Hajj croit, dur comme fer, à la devise qui prône «la meilleure utilisation des ressources», celles-ci étant la clé du succès par excellence pour toute entreprise. Par conséquent, l’employé doit être considéré désormais comme source de richesse et non plus comme un fardeau pour l’entreprise. Lorsqu’elles auront compris cela, sociétés et institutions libanaises (dans les secteurs privé aussi bien que public) gagneront en culture d’entreprise ce qui leur vaudra multiples richesses et profits à long terme. Encore faut-il comprendre la portée du «long terme», ce qui reste difficile à assimiler dans un pays comme le nôtre, où le gain immédiat est recherché «à tout prix» !
Quel candidat pour quelle entreprise ? Comment choisit-on l’employé le plus adéquat pour un poste donné ? La pénurie de l’emploi aurait changé la règle du jeu, alors que les rangs des chômeurs grossissent. D’où une plus grande exigence en terme de qualité de recrutement et ce, pour un moindre salaire, entendons-nous dire ici et là. La cause d’une telle situation est à...