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Actualités - REPORTAGES

Réforme administrative - Un combat qu'il n'est plus permis de perdre Changer les mentalités, avant de changer les hommes (photos)

La réforme administrative apparaît de plus en plus comme étant le cheval de bataille de la nouvelle équipe au pouvoir. Un combat qu’il est d’autant moins permis de perdre, cette fois-ci, que l’équipe précédente qui était au pouvoir, et bien d’autres encore avant elle avaient toutes échoué dans leur entreprise visant à s’attaquer et à éliminer ce «monstre budgétivore» incarné par l’Administration. Une entreprise d’autant plus délicate qu’elle devrait en principe préluder à une refonte radicale de tout le système politique. La question qui se pose toutefois est celle de savoir si c’est d’une véritable «épuration» dont a vraiment besoin cette Administration, c’est-à-dire une sorte de coup de balai magique qui éliminerait les éléments dits «corrompus» en les remplaçant par d’autres qui, a priori, ne le sont pas. Ainsi, on en finirait, une fois pour toutes, «avec ces quelques parasites qui ont transformé l’État en une véritable passoire», où les fuites s’avèrent, jour après jour, de plus en plus nombreuses. On mettrait un terme aux multiples irrégularités qui enveniment les institutions de l’État. Mais en aurait-on pour autant fini avec le problème ? En clair, la réforme se réduit-elle à quelques procès ( dont les acteurs sont parfois judicieusement «choisis» d’une manière sélective) ? La réforme se limite-t-elle au remplacement de certaines personnes par d’autres ? Postes fictifs à l’Information L’une des administrations qui reflète, peut-être, le mieux le problème qui se pose sur ce plan est le ministère de l’Information. Il y a quelques semaines, ce ministère a été le théâtre d’un branle-bas de combat : les fonctionnaires s’étaient vus flanqués, le jour du versement de leurs salaires (qui ont, par ailleurs, tardé à être payés) de contrôleurs financiers venus s’enquérir de la situation et s’assurer que chaque employé toucherait son propre chèque. Le lendemain, une rumeur faisait état de 400 chèques non encaissés. En terminologie de corruption administrative, cela signifiait 400 «emplois fictifs». Étant donné que le ministère de l’Information n’avait pas réussi, jusque-là, à se forger une réputation irréprochable en la matière, ces rumeurs ont été vite accréditées par l’opinion publique. Interrogé à ce sujet, un responsable au ministère a estimé que ce nombre est largement amplifié et qu’il ne s’agit pas, en tout état de cause, de «fiction» mais de chèques «complémentaires» couvrant soit un deuxième emploi secondaire attribué à un même pigiste qui cumule, à titre d’exemple, un emploi à la radio et à l’ANI. Dans d’autres cas, il s’agirait de rétributions couvrant des heures supplémentaires ou des frais de déplacements. Il y aurait également, parmi ces emplois dits «fictifs», la catégorie des «correspondants à l’étranger» qui ne touchent pas eux-mêmes leurs chèques, mais délèguent un ami ou un parent pour le faire (ce qui explique une partie des chèques restants). Ce haut responsable reconnaît qu’il existe certaines irrégularités, mais il estime que l’ampleur donnée à cette affaire est un peu forcée, et que le chiffre de 400 postes fictifs n’est pas exact. Il reste que le problème de la pléthore des «pigistes» dans ce ministère (80 % de ces fonctionnaires ne sont pas cadrés; ils n’ont même pas un statut de contractuel) ne peut être nié, précise le responsable susmentionné. Encore faut-il définir exactement le critère qui devrait être retenu pour savoir si vraiment les fonctionnaires sont en surnombre. En d’autres termes, poursuit la même source, il faudrait d’abord établir un nouvel organigramme qui définisse l’orientation globale du ministère, ses besoins en effectifs, et les postes à pourvoir, afin d’estimer, à la lumière des résultats, si les 1600 pigistes employés actuellement sont réellement de trop. «D’ailleurs, ajoute la source en question, l’ancien ministre Albert Mansour avait lui-même annoncé, il y a quelque temps, avoir accueilli, du temps où il était ministre de l’Information, une bonne partie du personnel actuel». Peut-on toutefois nier le fait que ces gens-là avaient été engagés sous l’effet de la pratique courante du clientélisme et du népotisme, en vogue jusqu’à très récemment, s’interroge notre interlocuteur avec amertume? «Le plus urgent, enchaîne un autre responsable du ministère, est de commencer par définir l’identité de cette institution et le rôle qu’on envisage de lui confier à l’avenir». Car, selon lui, il ne s’agit pas de regarder les chiffres (en termes d’effectifs et de salaires) et de décider de les réduire au nom d’une certaine politique d’austérité. Il faut plutôt penser en termes de besoins et de stratégie globale et agir en conséquence, note ce responsable, en faisant allusion à l’étude établie pour réformer ce ministère (ainsi que plusieurs autres). Cette étude avait été élaborée par le ministre Anouar el-Khalil lui-même, du temps où il était ministre d’État pour la Réforme administrative. Ce qui explique d’ailleurs sa connaissance approfondie de ce dossier et, peut-être, sa «hâte» à remettre sur le tapis une réforme «qui lui tient à cœur», comme disent certains. Encore faut-il qu’elle soit le fruit d’une véritable réflexion et d’une analyse, et non d’une action impulsive engendrée par un sentiment de ras-le bol, dû à une «situation qui a assez duré». Tout le monde est aujourd’hui convaincu de la nécessité de moderniser et de réformer l’Administration, de la manière la plus efficace et la moins onéreuse possible, mais à condition que cela se fasse en prenant en considération le facteur humain, note le responsable précité. Concernant le ministère de l’Information, la solution actuellement envisagée, est de séparer l’ANI de la radio officielle ainsi que du reste du ministère, en les transformant en offices publics, afin de leur donner une certaine flexibilité de travail et une autonomie financière. Bref, une sorte de formule semi-privée qui les rendrait plus opérationnelles et certainement plus efficaces. La grotte d’Ali Baba Qualifiant le ministère de l’Information de «grotte d’Ali Baba» – une sorte de caverne dont «la coloration politique est bien connue de tous» – un ancien fonctionnaire à la Réforme administrative reconnaît, lui aussi, que la solution ne réside pas dans la «mutation des personnes» mais des mentalités. Une réforme signifie «que l’on éduque et que l’on réhabilite les fonctionnaires suivant une politique définissant les tâches et déterminant les besoins concrets de chaque adminstration», affirme cet ancien fonctionnaire. Ce n’est pas en révoquant les gens que l’on aura résolu le problème, mais plutôt en les formant de manière à les rendre le plus utiles possible, dit-il, en faisant allusion aux fonctionnaires excédentaires, qui devraient être mutés dans d’autres administrations, dès lors qu’ils n’auront plus de fonction à remplir à leur poste initial. Peut-être est-il nécessaire de leur inculquer, à travers une formation devenue de plus en plus urgente, la notion de «service public», dont la langue anglaise (en Angleterre, plus précisément) rend compte à merveille puisqu’elle parle de «civil servant», c’est-à-dire serviteur de l’ordre public . Enfin, postes fictifs ou pas, l’important serait peut-être, pour l’instant, de garder à l’esprit que derrière cette réforme il y a l’élément humain dont il faudra tenir compte tout au long de l’opération d’épuration. Car s’il est vrai qu’une réforme s’impose aujourd’hui plus que jamais, celle-ci ne devrait surtout pas s’abattre aveuglément, au moindre soupçon, en se nourrissant voracement de rumeurs amplifiées, pour mieux «servir» une politique donnée et certains intérêts en question. Il ne s’agit pas non plus de se contenter d’exhiber devant les médias quelques «boucs émissaires», qui vengeraient une opinion publique assoiffée de probité. Et puis, ne l’oublions pas, une réforme doit être effectuée dans l’intérêt des citoyens et non pas contre eux. Enfin, elle ne doit surtout pas être une «opération terreur» qui risque de paralyser le système dans sa totalité. Encore une fois, il n’y a pas que des personnes corrompues, mais un système complexe et «vicieux» qui encourage le laxisme et perpétue le laisser-aller. Il s’agit malheureusement d’un mécanisme qui, jusque-là, a été bien protégé par la caste politique elle-même. C’est la refonte de ce système-là qui est aujourd’hui réclamée. Le reste relève de l’éducation civique dont pourrait profiter tout un chacun, citoyens aussi bien que fonctionnaires.
La réforme administrative apparaît de plus en plus comme étant le cheval de bataille de la nouvelle équipe au pouvoir. Un combat qu’il est d’autant moins permis de perdre, cette fois-ci, que l’équipe précédente qui était au pouvoir, et bien d’autres encore avant elle avaient toutes échoué dans leur entreprise visant à s’attaquer et à éliminer ce «monstre budgétivore»...