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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Conférence - Le Liban à la grande rencontre des ONG à New Delhi Cultiver la mémoire démocratique des peuples

New Delhi a été le théâtre de la plus grande conférence internationale de militants pour la démocratie de plus de 85 pays, dont le Liban, pour la plupart des dirigeants d’ONG. Antoine Messarra qui a participé à ce grand rassemblement présente une synthèse des travaux. New Delhi a été le théâtre, du 14 au 18 février 1999, du plus grand rassemblement de militants pour la démocratie et les droits de l’homme, venus de 85 pays et des cinq continents, autour du thème : “Promouvoir un mouvement mondial pour la démocratie”. Organisée par National Endowment for Democracy (Washington), en coopération avec deux organisations indiennes, la Confédération de l’industrie indienne et le Centre de recherche politique, et patronnée par d’autres organismes économiques indiens, la conférence a réuni plus de 400 participants, dont un prix Nobel en économie, Amartya Sen, des membres du Congrès américain, des ambassadeurs, des universitaires et surtout des décideurs et acteurs sociaux engagés dans des associations actives et d’intérêt général pour la défense de la démocratie, des droits de l’homme et de la société civile, dont des participants de onze pays arabes (Algérie, Égypte, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Maroc, Palestine, Syrie, Tunisie, Yémen). «Vivre la démocratie et participer à sa construction dans la diversité, développer des approches pragmatiques et promouvoir des institutions effectives dans le cadre propice de l’Inde où la démocratie se fonde encore sur un ordre moral, s’engager dans un processus universel de démocratisation, et nouer des solidarités parmi les militants démocrates», tels sont les principaux objectifs de la conférence, présentés par John Brademas et Carl Gershman (National Endowment for Democracy). Des messages de plusieurs chefs d’État sont lus et présentés en vidéo à la séance inaugurale, dont le message du président Clinton qui souligne notamment qu’il y a aujourd’hui de «bonnes opportunités pour construire un monde plus démocratique, que la démocratie est facteur de paix et que la conférence qui rassemble des participants de plusieurs origines culturelles fournit l’occasion d’apprendre les uns des autres». L’ancien Premier ministre indien, Inder Kumar Gujral, relève «la chance de toute sa génération d’avoir participé à l’action et la spiritualité de Gandhi, réservoir de valeurs ancrées dans les traditions profondes de l’Inde». La conférence est qualifiée d’«unique et historique occasion pour débattre, nouer des relations et favoriser une compréhension réciproque». Moyen aussi pour «s’énergiser les uns les autres» (Mary Robinson, haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme). Elle fournit la preuve tangible que des ONG et les organisations universitaires, culturelles et humanitaires œuvrant au niveau régional ou international, remplissent un rôle diplomatique parallèle, corrigeant au besoin la diplomatie officielle des grandes puissances, diplomatie souvent régie par des considérations exclusives de rapports de force. On ne peut désormais réduire l’action internationale d’une grande puissance comme celle des États-Unis au département d’État ou au Congrès américain, ni l’Union européenne au Parlement européen. Des réseaux d’ONG internationales développent des solidarités et des échanges qui modifient en profondeur les rapports entre les peuples et les États. Face aux «nouveaux défis et opportunités de la globalisation» (Mary Robinson), la devise de la conférence pourrait être : Démocrates de tous les pays, unissez-vous. Mais à la différence du manifeste communiste d’autrefois, on ne promet pas des lendemains idylliques. Une grande originalité de la conférence réside aussi dans l’engagement de la Confédération de l’industrie indienne dans une telle manifestation, ainsi que d’autres acteurs économiques. On peut relever trois principaux apports de la conférence : la conservation et l’enrichissement continu de la mémoire démocratique de chaque peuple, la nécessaire intégration des acteurs économiques dans la démocratisation et le lancement effectif d’un mouvement international pour la démocratie. Il ressort des interventions et des débats cinq axes de réflexion et d’action : 1. L’universalité des valeurs démocratiques. Cette universalité découle de l’unité de la nature humaine ainsi que des valeurs humaines fondamentales. Les formes d’aménagement institutionnel sont cependant aussi variables que les sociétés. Aussi le risque est grand de considérer tel aménagement comme normatif et de le calquer dans d’autres structures. Risque aussi d’exploiter l’universalité comme «valeur instrumentale», comme le souligne Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998, dans son exposé introductif. L’universalité signifie la validité «pour chacun et partout» et «le degré d’intégration sociale montre l’universalité des valeurs» (A. Sen). 2. La démocratie, une dynamique de citoyenneté. Le pouvoir étant ce qu’il est avec ses risques inhérents d’abus, «la démocratie est un dur labeur, un mouvement qu’on ne peut arrêter et des fois on est fatigué» (Richard Celeste). Il en découle qu’il n’y a jamais un acquis qu’on peut se procurer dans un supermarché et consommer. La meilleure loi électorale doit être révisée périodiquement, parce qu’avec le temps il se forme des experts en suffrage qui l’emportent, non en raison de leur popularité, mais de leur habileté dans la manipulation. Il faut périodiquement changer le contexte pour égaliser les chances entre les candidats expérimentés et les nouveaux. On relève que pour faire des élections libres, «il faut toujours lutter, parce que chacun essaie de pousser d’un côté ou d’un autre» (Richard Celeste). Le premier pas vers la démocratie, «ce n’est pas les élections, mais une constitution qui garantit le droit à l’expression, principal ingrédient d’une démocratie réussie» (Margaret Dongo). On souligne que toutes les démocraties ont des problèmes de droits de l’homme et «l’action démocratique consiste à poser ces problèmes» (Mary Robinson). Les situations épineuses dans des sociétés considérées démocratiques sont relevées. Les élections «deviennent de plus en plus coûteuses» (Richard Celeste) et une des faiblesses des grandes démocraties réside dans le rôle croissant de l’argent (John Brademas). 3. Gérer la diversité. Ce n’est pas un paradoxe que «l’unité peut être trouvée par la diversité» (Carl Gershman, National Endowment for Democracy). À un moment aussi où la plupart des pays sont «des nations dans une nation» (Emilio Lamo de Espinosa), la «capacité de tolérer la diversité régresse» (Ashis Nandy). Une idéologie de la différence se développe pour «mobiliser les émotions» (Sonja Biserko). Face à tels courants, le corollaire du droit à la différence est le droit à la ressemblance. Pour la gestion du pluralisme et parfois dans des «États vraiment inefficients et avec des ressources considérables» (Olisa Agbakoba), gouverner c’est unir. Le ministre indien des Affaires étrangères, Jaswant Singh, relève la fonction unificatrice et régénératrice de la «mémoire démocratique des peuples» qu’il s’agit de cultiver et de nourrir auprès des nouvelles générations. 4. La démocratisation, condition de l’économie de marché et du développement. Il ressort des interventions, et surtout du soutien de plusieurs acteurs économiques indiens à ce grand rassemblement, que «s’il n’y a pas de stabilité, il n’y a pas de développement», que «les besoins économiques exigent un débat public et que c’est bien ce débat public qui caractérise les pays développés» (Amartya Sen). Le ministre indien des Affaires étrangères pose l’angoissante question : «Quand la pauvreté s’étend comme nous le constatons, vers quelles démocraties allons-nous ?» 5. Les nouvelles technologies de communication, une opportunité. On relève que les nouvelles technologies de communication favorisent plus de transparence et de mobilisation et permettent «d’énergiser la démocratie et d’apprendre les uns des autres». *** La plus belle conclusion qu’on peut dégager de la conférence est celle formulée par l’ambassadeur des États-Unis en Inde, Richard Celeste, parlant de son expérience avec des personnes démunies. «Ils m’ont donné, dit-il, le cadeau d’un nouveau regard sur les choses, la chance de voir mon pays d’une nouvelle manière». Le mouvement international né de ce vaste rassemblement, avec une déclaration et une stratégie approuvées au cours de la séance de clôture, montre, selon les termes de Carl Gershman, le rôle des associations et de la société civile internationale pour la promotion de la démocratie. «Par cette conférence, dit-il, nous avons créé un mouvement universel pour la démocratie».
New Delhi a été le théâtre de la plus grande conférence internationale de militants pour la démocratie de plus de 85 pays, dont le Liban, pour la plupart des dirigeants d’ONG. Antoine Messarra qui a participé à ce grand rassemblement présente une synthèse des travaux. New Delhi a été le théâtre, du 14 au 18 février 1999, du plus grand rassemblement de militants pour la...