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Actualités - REPORTAGES

Administration - Le syndrome Haroun el-Rachid Lahoud contrôlerait incognito les services publics

À en croire la rumeur publique, le président Émile Lahoud ferait des apparitions surprises dans plusieurs administrations publiques, d’abord pour vérifier leur fonctionnement, ensuite et surtout pour maintenir les personnes concernées en état d’alerte. Les histoires courent ainsi la ville, amplifiées, enjolivées et savoureuses. Vraies ou fausses, cela n’est plus vraiment important puisque ce qui compte, au fond, c’est que les gens y croient, transformant ainsi le chef de l’État en une sorte de Haroun el-Rachid des temps modernes, circulant incognito parmi son peuple, fustigeant les négligents et complimentant ceux qui font bien leur travail. Huit heures et quart. Devant les bureaux du service automobile de Dékouané, une foule bigarrée commence à se former : simples citoyens désireux de régulariser les papiers de leurs voitures, agents de l’ordre, courtiers et intermédiaires divers, novices prenant des leçons de conduite, bref un mélange somme toute assez banal. C’est dans ce lieu grouillant de monde que le chef de l’État aurait fait sa première apparition - surprise. Descendant d’une voiture banale, il se serait rendu au guichet où l’on règle la taxe automobile. Il aurait eu affaire alors à un fonctionnaire le visage dissimulé derrière un journal grand ouvert qu’il lisait. La rumeur veut que le président ait dit : «Je voudrais payer la taxe». Et, sans abaisser son journal, le fonctionnaire aurait lancé un laconique : «Revenez dans une heure». Le président aurait insisté s’informant des horaires et, exaspéré, le fonctionnaire aurait froissé son journal, prêt à insulter ce citoyen indélicat avant d’avoir le choc de sa vie. La rumeur insiste sur le fait que le fonctionnaire aurait été pris de malaise. Même scénario, à quelques modifications près, au siège de l’EDL. Le président se serait enquis des horaires des responsables (avant les nouvelles nominations bien sûr). «Ils arrivent vers 10h30», lui aurait-on répondu tandis qu’un planton s’empressait de téléphoner discrètement à ces derniers pour les prévenir. Ceux-ci auraient fait une arrivée en catastrophe, escorte à l’appui. Ce qui aurait, toujours selon la rumeur, attisé le mécontentement du président, qui aurait rappelé aux personnes concernées qu’elles n’ont droit qu’à un garde du corps… Au siège de la Sûreté générale (toujours avant les dernières nominations), le chef de l’État aurait aussi entrepris une inspection inopinée. Constatant l’importance de la file des solliciteurs attendant devant la porte, il serait entré en trombe pour trouver les fonctionnaires attablés devant un appétissant plat de «foul» fumant. L’histoire ne dit pas si les fonctionnaires ont eu par la suite des problèmes de digestion, mais le chef de l’État leur aurait dit : «Je ne veux plus voir personne attendant dehors d’ici une demi-heure». Ni confirmation ni infirmation Lahoud aurait été aussi vu à l’aéroport pour une inspection des travaux, au port et même circulant incognito dans la banlieue-sud de Beyrouth. À en croire les gens, tous l’auraient vu, ici ou là, rendant justice aux citoyens et réhabilitant le bon fonctionnaire aux dépens du mauvais. Mais dès qu’on essaye de vérifier ces bruits, on se heurte immédiatement à un flou quasiment indéchiffrable. Au service automobile, par exemple, les personnes interrogées se contentant de réponses vagues. «J’ai entendu dire cela. Mais, personnellement, je ne l’ai pas vu parler», déclare Hassan. Pourtant, la minute d’avant, il était en train de déclarer qu’il se trouve sur place tous les matins, de 7h à 14h… Youssef lui est catégorique. «Je suis là tous les jours et je peux vous affirmer que le chef de l’État n’est jamais venu ici, en trois mois. Ce sont des rumeurs destinées à discréditer certains fonctionnaires. Ceux qui en veulent à certains responsables inventent ces histoires pour se venger d’eux et chacun y ajoute son grain de sel, selon ses sympathies ou ses antipathies». D’autres fonctionnaires préfèrent garder un silence prudent et d’autres encore affirment que la visite du président a bien eu lieu, puisqu’un tel, qui, comme par hasard, n’est pas sur place aujourd’hui, leur en a parlé… Même flou à l’EDL, où nul n’a pu affirmer avoir lui-même vu le président, même si tous croient à la probabilité de sa visite. Au palais présidentiel, il a été impossible de confirmer ou d’infirmer ces rumeurs. «Nous ne voulons pas en parler», fut la laconique réponse officielle. «Si le président entreprend de telles visites, c’est qu’il souhaite qu’elles restent discrètes. Si vous souhaitez en savoir plus, vous n’avez qu’à faire le guet dans les locaux des administrations». Certaines personnalités qui évoluent dans les hautes sphères estiment que toutes ces rumeurs sont dénuées de tout fondement. «Le président, affirment-elles, n’a pas besoin de lancer de telles initiatives. Il sait ce qui se passe dans les administrations et, lorsqu’il voudra se rendre sur place, il le fera ouvertement, sans avoir besoin de s’y faufiler». Mais les personnes «raisonnables» ont beau tenir ce langage, les citoyens continuent à croire mordicus à ces visites. Pour eux, c’est sûr, le président Lahoud surprend en permanence les mauvais fonctionnaires et, à la manière du calife Haroun el-Rachid, il pourchasse ceux qui font souffrir le peuple. Le phénomène devient presque hallucinatoire, puisque certaines personnes affirment avoir vu le président et son épouse faire la file devant une salle de cinéma, d’autres les ont aperçus dans un restaurant… On se demande dans ces conditions où le chef de l’État trouve le temps pour recevoir ses visiteurs et s’il peut, entre toutes ces sorties non protocolaires, coincer une réunion officielle. Les gens n’ont que faire de ces considérations matérielles. Ce qu’ils veulent, c’est s’identifier à un président qui circule comme eux dans les embouteillages, se heurte aux problèmes du quotidien et tente de protéger les droits des citoyens. Que leur importe au fond que toutes ces visites surprises ne se soient pas produites. Ils y croient et cela leur suffit.
À en croire la rumeur publique, le président Émile Lahoud ferait des apparitions surprises dans plusieurs administrations publiques, d’abord pour vérifier leur fonctionnement, ensuite et surtout pour maintenir les personnes concernées en état d’alerte. Les histoires courent ainsi la ville, amplifiées, enjolivées et savoureuses. Vraies ou fausses, cela n’est plus vraiment important...