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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

Le chef de la diplomatie française expose les résultats de ses entretiens avec les libanais et les syriens Védrine : les obstacles ne sont pas encore levés, mais ils le seront un jour (photo)

«Les conditions pour une reprise des négociations syro et libano-israéliennes ne sont pas encore réunies et je dis bien encore car je suis convaincu qu’elles le seront un jour». Le fin diplomate qu’est le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine n’a pas voulu clôturer sa brève visite au Liban sur une note trop pessimiste, bien que certains membres de la délégation qui l’accompagne confient que le ministre ne s’attendait pas à un tel blocage dans le processus de paix entre les Israéliens, les Syriens et les Libanais. M. Védrine qui ne manie pas la langue de bois si chère aux responsables dans cette région du monde a essayé, dans la conférence de presse tenue au Centre culturel français et dans ses diverses déclarations à Baabda et au Sérail, de faire passer quelques messages : notamment au sujet de la détermination du Premier ministre israélien Ehud Barak à retirer ses troupes du Liban avant l’été 2000. Selon lui, cette hypothèse n’est pas du bluff, même s’il lui a semblé que ses interlocuteurs syriens et libanais «avaient du mal à croire que ce retrait pouvait avoir lieu, sans écarter complètement l’hypothèse». Que ce soit à Baabda, au Sérail, au Centre culturel français ou dans ses points de presse aux journalistes français qui l’accompagnaient, M. Hubert Védrine a évoqué les mêmes thèmes, reflétant les inquiétudes des Libanais, les positions de ses interlocuteurs syriens et l’impression de blocage dans les négociations de paix sur le double volet libanais et syrien. La vague d’optimisme soulevée après l’élection de Ehud Barak en Israël semble aujourd’hui s’être dissipée. Dans ses diverses déclarations, M. Védrine a tenté d’expliquer les positions des parties en présence. Deux sujets préoccupent les autorités libanaises Le ministre français a entamé sa conférence de presse en évoquant les deux aspects «qui préoccupent le plus les autorités libanaises : les perspectives d’un retrait israélien unilatéral et un éventuel oubli de traiter le problème de la présence palestinienne au Liban». Concernant le premier sujet, M. Védrine a précisé que le «souci des autorités libanaises est naturellement qu’il n’y ait pas d’accord qui se fasse au détriment de ce pays». Il a ajouté que le retrait israélien est naturellement souhaité, les autorités libanaises ayant constamment revendiqué l’application de la résolution 425, «mais dans le cadre d’un accord libano-israélien et syro-israélien, afin de déboucher sur une situation stable. C’est aussi ce que souhaite la France, car, dans cette marche vers la paix, il faut déminer tous les terrains». Au palais de Baabda, M. Védrine a ajouté, toujours à ce sujet, que les garanties militaires que la France s’est déclarée disposée à offrir jouent dans le cadre d’un accord et non dans l’hypothèse d’un retrait unilatéral. «Dans ce cas, a-t-il ajouté, nous n’avons pas de rôle particulier. On peut craindre qu’un tel retrait n’aboutisse pas à la situation stable désirée. Ce n’est pas la meilleure hypothèse pour qui que ce soit». En réponse à une question, le ministre français a déclaré avoir eu le sentiment que ses interlocuteurs libanais et syriens ne croyaient pas beaucoup à l’hypothèse du retrait unilatéral, tout en ne l’écartant pas complètement. Selon des membres de la délégation qui l’accompagne, M. Védrine aurait confié que les Libanais et les Syriens croyaient plutôt à un coup de bluff israélien. Une concertation internationale lorsque les négociations auront repris Concernant la présence palestinienne au Liban, M. Védrine a précisé que le chef de l’État libanais lui a confié que le Liban souhaite que cette question ne soit pas oubliée. Tout en rappelant que la France n’est pas favorable à des arrangements qui se feraient au détriment du Liban, il a ajouté que son pays n’est pas non plus favorable à un arrangement israélo-libanais qui se ferait au détriment des Palestiniens. Selon lui, «on ne peut pas faire d’impasse sur cette question à la fois parce que cela correspond aux intérêts du Liban et que cela a aussi une dimension humaine». M. Védrine a confié avoir rappelé au président Émile Lahoud que la France est le seul pays occidental à avoir évoqué ce problème auprès des instances internationales et le chef de l’État libanais lui aurait répondu que c’est un élément très important. «Il faudra réfléchir à une concertation internationale à ce sujet, lorsque les négociations de paix auront repris», a-t-il ajouté. Le chef de la diplomatie française a refusé de parler d’impasse en évoquant les obstacles qui entravent la relance des pourparlers de paix. «Les conditions d’une telle reprise ne sont pas encore réunies», a-t-il déclaré, en insistant sur l’adverbe «encore». Il a ensuite expliqué que la controverse concerne le point auquel avaient abouti les négociations syro-israéliennes. La version syrienne affirme que l’ancien Premier ministre israélien avait accepté l’idée d’un retrait israélien du Golan jusqu’à la ligne du 4 juin 1967, alors que selon la version israélienne, un tel retrait a été envisagé dans le cadre d’une réflexion commune et il était lié à d’autres conditions. Ce n’était donc pas un engagement formel. «Il y a encore du travail pour les protagonistes et pour ceux qui, comme la France, veulent faciliter la paix», a déclaré M. Védrine. En réponse à une question, il a précisé que les obstacles à la reprise des négociations n’entraîneraient pas nécessairement une escalade au Liban-Sud. «La situation ne sera pas bonne, mais pas pire que celle qui existe actuellement». En réponse à une question, le chef de la diplomatie française a précisé que la France n’est ni un négociateur, ni un protagoniste du conflit israélo-arabe. «Je ne transporte pas de message entre les uns et les autres. Mais chacune des parties est intéressée à écouter nos informations et nos analyses». Selon lui, le cas du Hezbollah ne peut être dissocié de la situation au Liban-Sud, de la présence de l’armée israélienne et de l’absence de l’armée libanaise. «Il faut avoir une idée d’ensemble de la solution», a-t-il déclaré. Une phase d’attente En conclusion, il a déclaré qu’il n’était pas vraiment pessimiste, car il ne faut pas oublier «que la situation n’est pas la même avec Barak qu’avec Netanyahu. Et il est normal que les parties en conflit aient des visions différentes. C’est pour cela qu’il y a des négociations». Le ministre français a ensuite établi une comparaison entre les volets palestino-israélien et syro-libano-israélien. Selon lui, «il est facile d’entamer les négociations palestino-israéliennes, mais il sera plus difficile de les faire aboutir, alors qu’il est plus difficile d’entamer les négociations entre Israël, la Syrie et le Liban. Mais une fois commencées, elles aboutiront rapidement». M. Védrine a aussi affirmé que toutes les parties ont intérêt à conclure la paix, mais il s’agit essentiellement d’un problème de confiance. «On sent venir un désir de paix, même si, aujourd’hui, les intérêts semblent inconciliables… ». En bon diplomate, M. Védrine a donc voulu laisser la porte ouverte à l’espoir, mais des membres de sa délégation ont confié à L’Orient-Le Jour que le ministre français a eu le sentiment qu’aucune des parties concernées ne semblait pressée de conclure la paix. Les entretiens de Damas ont permis de constater que les Syriens ne pensent pas qu’il y a urgence. Selon eux, si Barak est réellement l’héritier de Rabin, il doit reprendre à son compte l’héritage de ce dernier et ils ne comprennent pas pourquoi le Premier ministre israélien refuse de l’endosser. Ils se demandent dans ce cas pourquoi faire confiance à Barak si demain son successeur reniera les engagements qu’il aura pris… Les Syriens auraient même déclaré au ministre français qu’ils ne sont pas comme les Palestiniens à la recherche d’une légitimité à conquérir. Ils ne sont ni pressés ni demandeurs. De plus, pour eux, le processus d’Oslo est l’anti-modèle puisqu’ils sont convaincus que les Palestiniens s’y trouvent en position de quémandeurs… Pour eux, il faut donc que Barak bouge. «Jusqu’à présent, nul n’a trouvé une formule permettant de reprendre les négociations. Nous sommes donc dans une phase d’attente». C’est en conclusion ce qui se dégage de la brève visite de M. Védrine à Damas et à Beyrouth. Les Libanais espèrent toutefois que cette attente ne sera pas le prétexte de nouvelles violences au Sud, même si la scène libanaise n’est visiblement pas sortie de la zone de turbulences.
«Les conditions pour une reprise des négociations syro et libano-israéliennes ne sont pas encore réunies et je dis bien encore car je suis convaincu qu’elles le seront un jour». Le fin diplomate qu’est le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine n’a pas voulu clôturer sa brève visite au Liban sur une note trop pessimiste, bien que certains membres de la...