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Actualités - ANALYSE

Dossier régional - Le temps commence à manquer Priorité au volet palestinien, pour faire pression sur la Syrie

Le temps est vorace par définition : son dieu grec, Chronos, avait la déplorable manie de dévorer ses enfants, de croquer le marmot comme dit Hugo. Or les jours courent, bientôt les présidentielles US seront là, et les Américains n’arrivent toujours pas à faire redémarrer le processus régional dans son point le plus sensible, le plus important sans doute : le volet syrien. Qui pis est, les rapports de Washington avec Damas traversent pour le moment une phase sinon de tension du moins de gel. Cela pour d’innombrables considérations. Certaines sont fondamentales comme l’attitude US encore une fois partiale en faveur d’Israël dans le fameux litige sur l’engagement pris par Rabin de rendre tout le Golan et que Barak ne veut pas reconnaître. La rupture de ligne entre Américains et Syriens s’explique aussi par des raisons de conjoncture ayant trait au processus de succession qui se met en place sur les bords du Barada. Il y a encore le congé forcé de maladie du chef de la diplomatie syrienne, M. Farouk el-Chareh, qui se remet des suites de l’opération à cœur ouvert subie dernièrement à Beyrouth. Pour tout dire, l’obstination de Washington à soutenir Israël et Arafat, au détriment des principes de Madrid donc du bon droit, représenté par la Syrie, leur a valu aussi un recul de leur plus riche allié dans la région, l’Arabie séoudite. Le royaume wahhabite où le Dr Bachar el-Assad, dauphin présumé, s’est rendu à deux reprises en été, s’est singulièrement rapproché de Damas : depuis la guerre du Golfe, il n’aime pas plus Abou Ammar qu’Israël. Damas, que le roi Abdallah de Jordanie courtise lui aussi bien volontiers et qui dispose désormais de la carte du jumelage avec le volet libanais, n’est plus du tout isolé et augmente donc ses atouts. Comme Moscou lui a promis tout l’armement sophistiqué qu’elle voudrait, ainsi que l’a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Damas sort de l’eau et peut tenir tête. C’est-à-dire s’accommoder sans problème de la prolongation du gel du processus qui dure maintenant depuis trois ans. Or, on le sait, Washington a absolument besoin d’aller vite en besogne. Non pas seulement pour que les démocrates en tirent profit électoralement (car les questions étrangères comptent peu dans ce domaine), mais surtout parce que la situation géopolitique de l’Eurasie tout entière, depuis le Caucase jusqu’au Pakistan en passant par l’Afghanistan, se trouve marquée par une montée en puissance des intégrismes islamistes qui menace directement les intérêts US dans cette partie du monde. Dans l’optique du super-géant occidental, il faut régler pour de bon le problème du Moyen-Orient avant que les régimes arabes alliés ne risquent d’être déstabilisés, voire déboulonnés. Retour à la case départ : comment amener la Syrie à mettre de l’eau dans son vin. Les contacts deviennent difficiles, depuis qu’un certain froid éloigne l’Égyptien Moubarak, trait d’union traditionnel du pouvoir syrien qui a rejeté son initiative d’une rencontre avec Arafat. Alors on va indirectement se servir de ce dernier comme levier de pression. L’ouverture de la route Gaza-Cisjordanie, dite «corridor de sûreté», est exploitée à fond pour déblayer le terrain devant le sommet que la Norvège organise chez elle le 2 novembre prochain. Initialement la rencontre, dans le genre des retrouvailles Sadate-Begin chez Carter ou Arafat-Rabin chez Clinton, devait se limiter au Premier ministre israélien, au chef de l’Autorité palestinienne et au président américain. Mais Washington insiste beaucoup maintenant pour élargir ce plateau et y inclure Moubarak d’Égypte et Abdallah de Jordanie. Pour donner plus de retentissements à l’événement, en amplifier la portée régionale. Et mieux tisser ainsi la toile autour de la Syrie, dans l’espoir qu’elle fléchirait et accepterait de siéger de nouveau face aux Israéliens. En base du pseudo compromis, assez bizarre, que proposent les Américains : on reprendrait bien les pourparlers à partir du point atteint en 1996, mais sans définir ce point ! C’est-à-dire sans dire si oui ou non Rabin avait remis à Warren Christopher une note dans laquelle il s’engageait à regagner la frontière du 4 juin 1967. Reste à savoir si le show du sommet d’Oslo va avoir un impact aussi accusé sur Damas. A priori, cela paraît peu probable.
Le temps est vorace par définition : son dieu grec, Chronos, avait la déplorable manie de dévorer ses enfants, de croquer le marmot comme dit Hugo. Or les jours courent, bientôt les présidentielles US seront là, et les Américains n’arrivent toujours pas à faire redémarrer le processus régional dans son point le plus sensible, le plus important sans doute : le volet...