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Actualités - REPORTAGES

Familles Les Messarra : des histoires et un recueil (photos)

Il est des «familles nombreuses» qui, outre les histoires qu’elles véhiculent, ouvrent avec chacun de ses membres un nouveau chapitre d’anecdotes et d’aventures, venues se greffer au roman d’une vie. Les Messarra, frères, cousins, petit-fils, à travers le monde, ont égrené leurs parcours, leurs métiers et leurs souvenirs à travers les quatre coins du globe. Leurs précieux souvenirs sont finalement réunis dans un recueil d’archives familiales récupérées par Antoine en 1997 et devenues, pour eux, «Le livre des Messarra dans le monde». Des siècles et des milliers de kilomètres les séparent, mais la plupart des membres de cette grande famille semblent avoir pour lien presque naturel, outre les prénoms qui reviennent au fil des siècles, une dévotion pour l’art, les sciences, la culture et la religion. Et de Grèce au Liban, en passant par l’Égypte, la Syrie, le Canada, l’Europe et… la rue Abdel Wahab el-Inglizi, les Messarra ont semé en chemin, comme des cailloux pour ne pas oublier, des clins d’œil adressés à leur mémoire collective. L’histoire porte à croire que l’origine de cette famille et son nom viennent de Crète et plus particulièrement des plaines de Messara. Un peu plus tard, vers la fin du XVIe siècle, semble-t-il, on retrouve les plus vieux aïeux Messarra en Égypte. Il y eut d’abord Élie, musicien et traducteur de nombreux ouvrages de théologie, puis, plus tard, Michel, grand dévot qui eut un fils, Ibrahim, devenu «comte de Latran» qui eut un fils, le «comte Antoine», confident de Mohammed Pacha, qui eut un fils, le «comte Jean», prolixe en plusieurs langues, et qui fut interprète du consul britannique et consul honoraire de Grande-Bretagne en Égypte, autour de 1857. Michel avait un frère, Gabriel dont les archives ont retenu le fils Abdala, spécialiste de la peinture à l’huile. Une de ses peintures a longtemps été conservée dans l’église Saint-Georges, située en Vieille Égypte, avant d’être détruite par l’incendie de 1902. La deuxième branche des aïeux Messarra se trouvait en Syrie. Gerges habitait Lattaquié, de même que Gerasimos, évêque de Beyrouth, qui a actuellement une rue en son nom à Achrafieh ! Théologien et politicien chevronné, on lui doit de nombreux ouvrages sur le schisme entre les Églises d’Orient et d’Occident. Youssef vécut à Damas ainsi que ses descendants Georges et Toufic, frères et traducteurs assermentés auprès du consulat d’Allemagne à Beyrouth. Youssef eut un fils, Abdallah qui, à son tour, eut… deux fils, Elias et Ibrahim. L’arrivée à Beyrouth L’histoire des Messarra de Beyrouth, qui ont donné à la rue Abdel Wahab el-Inglizi un visage et un passé, commence véritablement avec Ibrahim, né en 1842. Venu de Damas en 1860, pour fuir les massacres, il débarque au Liban avec son frère Elias, sa femme Emilie née Cattan et sa mère Barbara Zgheib; cette dernière fut d’ailleurs une des premières locataires de la résidence Slim puis Badaoui, devenue plus tard la rue Sodeco. Ibrahim possédait un commerce à la rue des Vétérinaires, au centre-ville. Il mourut en 1904, suivi, trois ans plus tard, par sa mère, laissant cinq orphelins, Souraya, Asma, Chucrallah, Abdallah et Nasri. Il léguera à ses enfants, encore mineurs, meubles, biens-fonds et 40 actions dans la Compagnie des chemins de fer de Damas. Les deux aînés, appelés au service militaire ottoman, préfèrent quitter le Liban en 1911. Avec eux s’ouvrira une des premières pages de l’émigration libanaise. Arrivés au Canada, Chucrallah deviendra Charles et Abdallah, Albert. Les difficultés financières vont les contraindre à travailler très vite. Charles ouvrira un commerce de vêtements, au «163 Main Street», Albert sera comptable. Nasri restera au pays. Une longue correspondance unira les trois frères, ponctuée d’événements marquants. «Beyrouth, le 9 mai 1933, très chers et bien-aimés frères, écrira Nasri, je suis au désespoir de vous confirmer la nouvelle de la perte cruelle et irréparable qu’a déjà portée à votre connaissance mon oncle Béchara, de maman, survenue dans la nuit du 25 au 26 avril 1933». Nasri, le cadet, devenu en 1920 secrétaire général de la Compagnie du port de Beyrouth, succombera en 1953 d’une angine de poitrine. Petites histoires d’une grande famille Nasri avait six enfants, Yvette, Henriette, Odile, Antoine, Robert et Roger. Robert est un peintre célèbre vivant en France depuis 1978. Il a participé à de nombreuses expositions dans le monde et a obtenu la médaille du Mérite français en 1966. Roger, décédé en 1990 d’une crise cardiaque, travaillait dans le secteur bancaire. Et Antoine, l’aîné, Pr Messarra pour tous ses étudiants, l’intellectuel de la famille, pour qui la soif d’apprendre et de communiquer n’est jamais rassasiée. Dr d’État de l’Université des sciences humaines de Strasbourg, Dr en sociologie de l’Université des sciences humaines de Strasbourg et diplômé d’études supérieures en droit public de l’Université Saint-Joseph, il enseigne depuis 1976 à l’Université libanaise. Mais surtout, il est coordinateur des recherches de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente et coordinateur du programme sexennal de recherche et d’action «La génération de la relève: une éducation nouvelle pour la jeunesse libanaise d’aujourd’hui». Enfin, Il a rédigé de nombreux ouvrages sur le système politique consensuel, la société civile et la citoyenneté. Ce qu’il reste à dire des Messarra… Les cailloux semés et recueillis ont mené en France, au Canada, en Espagne, en Australie, aux État-Unis et même en Chine où réside un certain M. Jouca Messarra ! On retrouve également plusieurs journaux d’émigration dirigés et édités par des Messarra en… Amérique latine. Pour les petites histoires, on retiendra celle de Marcel, résident au Québec, qui a remporté «la dictée de Pivot» en 1990 et celle, plus ancienne, de Georges, célèbre journaliste qui accueillera Gebran Tuéni, père de Ghassan, pour un court apprentissage. On retiendra surtout l’image d’une maison cachée derrière les arbres, à la rue Abdel Wahab el-Inglizi, qui renferme dans ses pierres encore intactes tous les souvenirs de ceux qui y sont passés et les beaux jours de la sixième génération qui y réside.
Il est des «familles nombreuses» qui, outre les histoires qu’elles véhiculent, ouvrent avec chacun de ses membres un nouveau chapitre d’anecdotes et d’aventures, venues se greffer au roman d’une vie. Les Messarra, frères, cousins, petit-fils, à travers le monde, ont égrené leurs parcours, leurs métiers et leurs souvenirs à travers les quatre coins du globe. Leurs précieux...