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Actualités - OPINION

Tribune Le Liban en danger de paix

Quels que soient nos sentiments personnels ou nos convictions idéologiques, le traité de paix avec Israël va ouvrir une ère nouvelle dans la région avec des défis différents, mais tout aussi importants pour notre sécurité. Ces défis seront essentiellement d’ordre économique. La création d’Israël a imposé aux Arabes des systèmes politiques avec une stratégie axée essentiellement sur la confrontation armée, impliquant des mesures de contrainte sur la population au détriment de son progrès économique et social, et portant atteinte aux principes démocratiques et aux droits de l’homme. Cette stratégie, le plus souvent mal calculée, a échoué, et a même paradoxalement été à l’encontre de nos intérêts : la guerre Irak-Iran, avec les pertes catastrophiques en ressources humaines et financières qui en ont résulté, l’invasion du Koweït par l’Irak qui a laissé les Arabes plus divisés que jamais, des traités de paix unilatéraux avec Israël : le dernier en cours, celui des Palestiniens, qui n’en finissent plus de donner des concessions, montre bien la vacuité et les dangers de tels traités unilatéraux. Sur le plan économique, et malgré la manne du pétrole, la performance n’était pas meilleure puisque le niveau de vie moyen mesuré par le «produit national brut par personne», est relativement parmi les plus bas selon l’échelle mondiale. Je refuse d’accepter que ces revers soient attribués à l’individu, car il est limité dans ses choix. Mais avec l’ère qui s’annonce, il est impératif de lui laisser l’occasion de s’exprimer, de débattre de ses choix et de participer activement aux solutions qui s’imposent, conscient de son rôle et de ses responsabilités. Les défis sont nombreux. Nul doute qu’après cinquante années d’existence, Israël est toujours tout aussi animé des même idéaux sionistes et des mêmes objectifs : installer des juifs, «peuple élu», sur des terres arabes, s’assurer une part disproportionnée des richesses régionales et étendre son hégémonie sur ses voisins sont des constantes de sa politique, quel que soit le gouvernement en place. Jusqu’à présent, Israël a utilisé sa supériorité militaire pour dominer ; après la signature d’un traité de paix, et avec les atouts qu’il possède, dont l’engagement américain sans cesse répété de lui garantir cette supériorité, il essaiera aussi de dominer économiquement. Il le fera avec la même agressivité qu’a guidée ses guerres en cherchant à nous reléguer au rang de sous-traitants, se réservant la gestion, les ouvertures vers l’extérieur se faisant essentiellement par son intermédiaire. L’évolution des communications à travers le monde facilitant ce que l’on appelle aujourd’hui la mondialisation, la tendance à la formation de grands groupements économiques et de grands ensembles politiques, l’émergence de sociétés de plus en plus gigantesques, multinationales, nous amènent à réfléchir à notre position actuelle dans ce nouveau contexte. Quels autres défis pour demain ? Devrons-nous nous laisser emporter par la vague ou devrons-nous composer avec les nouvelles données pour pouvoir continuer à gérer notre avenir ? Si l’on se souvient des terribles perturbations financières qui ont ébranlé le Sud-Est asiatique il y a deux ans et le rôle joué par les quelques gérants de fortunes qui ont accéléré la chute des valeurs et les catastrophes humanitaires qui en ont résulté, on comprend mieux pourquoi ces grands groupements économico-politiques se créent. Ils chercheraient, en unissant leurs capacités et richesses, à être moins vulnérables à des coups de ce genre. De même si l’on pense qu’il y a deux ans 95 % des investissements étrangers directs au Moyen-Orient sont allés vers Israël et que la part du Liban était nulle, cela devrait nous inciter à réfléchir aux causes de notre déficit et aux conditions qu’il nous faudrait créer pour attirer une part de ces investissements. Un gouvernement sérieux ne peut ignorer l’importance de ces multinationales et du rôle qu’elles peuvent jouer dans la politique économique d’un pays. Que faire ? Un Liban isolé est plus que vulnérable ; il devrait créer les conditions cohérentes pour qu’un marché commun, arabe ou autre, soit viable. Un tel marché, en même temps qu’il serait un amortisseur sinon un protecteur contre les secousses économiques, stimulerait le commerce, encouragerait les investissements, faciliterait l’emploi et donc pourrait relancer la croissance. Si par ailleurs les conditions sont réunies, ce marché pourrait favoriser l’implantation de sociétés multinationales qui seraient intéressées par des marchés d’envergure et de proximité. Un tel marché représenterait environ quarante-cinq millions de consommateurs, si l’on considère qu’il réunirait le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Palestine et l’Irak et même davantage si on lui incorpore la Turquie et l’Iran. Un tel marché pourrait aussi faire l’équilibre avec un Israël économiquement dominateur. D’un autre côté, le Liban devra planifier dès à présent son intégration à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’il veut avoir accès aux marchés internationaux sans discrimination. Or l’OMC exige l’abolition à long terme des taxes sur l’importation et l’ouverture des marchés, ce qui aura un impact direct sur les revenus de l’État et sur l’industrie locale. La compensation des pertes des taxes sur l’importation implique un autre système d’imposition. Mais pour que cela puisse se faire, il est indispensable d’établir une confiance totale des citoyens envers l’État, ce qui nécessiterait d’une part l’assainissement du service public en éradiquant la corruption, et d’autre part sa modernisation pour le rendre plus accessible au secteur privé, lequel devrait être le moteur de la croissance économique. Mais les réformes ne devraient pas s’arrêter pas là, car si le secteur économique est celui vers lequel se tourne naturellement chaque individu pour assurer sa vie, les réformes devraient être d’abord basées sur l’éducation et la culture car pour que ces réformes puissent se produire, c’est le citoyen qui a besoin d’être réhabilité. Il s’agit de former un citoyen libre, responsable, loyal, avec un esprit critique en éveil grâce à une éducation commencée depuis son plus jeune âge, dès le berceau et jusqu’à l’université. Cela suppose l’éducation de la femme, la connaissance de son rôle et de ses devoirs dans la construction de la société nouvelle, en passant par la connaissance et l’application de ses droits, ainsi que par la reconnaissance de ces droits par la société dans laquelle elle évolue. Cela inclut le rôle de l’école, primaire et secondaire, qui prend en charge le citoyen dans sa période la plus vulnérable, et qui a pour devoir de lui inculquer le respect de soi, le respect d’autrui ainsi que les valeurs morales, en même temps que l’acquisition des connaissances ; cela inclut aussi le rôle de l’université qui assure un enseignement supérieur, voué à la formation de citoyens ayant un niveau international qui puissent relever les défis du futur mais aussi, une université qui sache encourager la recherche scientifique dans tous les domaines ; cela bien suppose bien entendu une université totalement indépendante des luttes politiques. Les démarches ébauchées par le gouvernement actuel en vue d’assainir le service public et de réformer le système fiscal peuvent être considérées comme un début prometteur. Le chemin est encore long et ardu, et il est indispensable que les forces du changement s’unissent pour soutenir et encourager ces efforts et surtout pour éviter de retomber dans le piège des politiques de banqueroutes fiscales et morales. Seulement ainsi on aurait gagné le pari de la paix.
Quels que soient nos sentiments personnels ou nos convictions idéologiques, le traité de paix avec Israël va ouvrir une ère nouvelle dans la région avec des défis différents, mais tout aussi importants pour notre sécurité. Ces défis seront essentiellement d’ordre économique. La création d’Israël a imposé aux Arabes des systèmes politiques avec une stratégie axée...