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Actualités - REPORTAGES

Festival Ayloul - Théâtre au Monnot "Taa kol mjaddara ya sabé" d'Elie Karam, une chronique douce-amère des années dorées(photos)

Festival Ayloul suite. Au Monnot, invitation à la «mjaddra», plat mythique s’il en est, avec Taa kol mjaddra ya sabé (Viens manger de la mjaddra, fiston) d’Élie Karam. Un triptyque théâtral qui dénonce trois images idylliques du Beyrouth d’avant-guerre : les hôtels de luxe, les belles blondes faisant du ski nautique au Saint-Georges et les dédales des vieux souks. Élie Karam y foule aux pieds les mythes, cette idolâtrie des années soixante. Son but, montrer l’envers du décor, mais avec toujours le parti pris d’en rire. Une radioscopie sans complaisance, où les propos crus et l’humour occupent une place de choix. Au Monnot, lundi 13, mardi 14 et mercredi 15 septembre encore, 20h30. Un décor parcellé : au centre une structure circulaire en acier figurant la cellule familiale, avec poufs et coin salle à manger ; à droite, trois bacs à chasse d’eau suspendus, et un parquet noir brillant, c’est le célèbre Phœnicia ; à gauche, en contrebas d’un escalier monumental, des bicoques collées les unes aux autres, ce sont les dédales de Beyrouth aujourd’hui idéalisés mais où les gens vivaient dans une grande promiscuité. Premier tableau, la mère, le père et une voisine attablés sirotent un verre d’arak, en ressassant leurs souvenirs. Une «sobhié» comme il s’en passe tant chez nous. On y parle inlassablement des occasions de mariage manquées, des coups commerciaux qu’on a été à deux doigts de réaliser. Rapidement, plaisanteries salaces et jeux de mot grivois fusent. Puis, la voisine rentre chez elle et le couple se retrouve face à face. L’ennui le plonge dans le silence. Deuxième tableau : le frère rentre de voyage. Sur le quai, il retrouve sa jeune sœur. Leurs embrassades sont plus amoureuses que fraternelles. Le jeune homme rend visite ensuite à sa sœur aînée qui crèche, loin de son mari, dans «la plus haute maison de Beyrouth». Espace qui, sur scène, se situe juste au-dessus de la cellule familiale. Alors qu’ils discutent de la relation incestueuse des deux jeunes, les parents, à l’étage du dessous, parlent de banalités. Un décalage saisissant. Tableau suivant, la troisième fille du couple, prostituée, débarque pour prendre une douche chez sa mère. Complices, les deux femmes s’installent dans un coin et la mère écoute avec ravissement les histoires, imaginaires, de sa fille : le luxe des hôtels, le flamboyant des bars… Tout un monde que cette femme, confinée dans sa cuisine, idéalise. D’ailleurs, cette mère vit assez peu dans la réalité. Al-Hilal, fameuse revue égyptienne, est le support de son univers fait de papier glacé, de couleurs sépia et d’ennui. Taa kol mjaddra ya sabé est une chronique aigre douce des années soixante. C’est surtout un besoin impérieux de parler vrai, d’ôter ce masque d’hypocrisie dont on recouvre systématiquement le Beyrouth et la société de ces années dorées. Élie Karam a soigné les détails, ils sont croustillants, à l’instar de la «mjaddra» que semble très bien cuisiner son héroïne. Des détails souvent oubliés… «J’en ai assez de parler de guerre», souligne le metteur en scène. «J’ai eu envie d’aborder ce thème des années magiques et d’y mettre tous ces détails souvent oubliés par les historiens ou les chroniqueurs». Élie Karam explique : «L’image qui revient le plus souvent de ces années, c’est celle d’une jeune femme blonde, sourire éclatant, faisant du ski nautique au Saint-Georges. Mais en réalité, que se passait-il au Saint-Georges ou dans les hôtels ? Comment vivaient les gens dans Beyrouth ?», se demande-t-il. Avant d’affirmer que, de plus, «la guerre n’a rien changé. Les tabous sont toujours aussi coriaces. Tout autant que les mythes». Taa kol… n’en est pas pour autant une pièce noire. «Les zones de lumière sont nombreuses. Ne serait-ce que le mariage du frère et de la sœur à la fin. L’amour est plus fort que tous les tabous». Et d’ajouter que, «maintenant qu’on a regardé notre condition sociale en face, on peut passer à autre chose». Quant au choix de la «mjaddra», «c’est le meilleur plat au monde», s’exclame Élie Karam. «Il y a autour de ce mets tout un rituel. C’est l’incontournable du vendredi». Élie Karam met toujours une pointe de dérision dans ses propos et une tonne de tendresse. Cette société, il ne veut la regarder bien en face que parce qu’il s’en sent proche. Et nous aussi.
Festival Ayloul suite. Au Monnot, invitation à la «mjaddra», plat mythique s’il en est, avec Taa kol mjaddra ya sabé (Viens manger de la mjaddra, fiston) d’Élie Karam. Un triptyque théâtral qui dénonce trois images idylliques du Beyrouth d’avant-guerre : les hôtels de luxe, les belles blondes faisant du ski nautique au Saint-Georges et les dédales des vieux souks. Élie Karam y...