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Actualités - REPORTAGES

Familles Les Bohsali : les douceurs au masculin / féminin(photo)

Un nom, une réputation vieille de plus d’un siècle, sur lesquels est venu se greffer un prénom. Salim Bohsali et ses fils ont bouleversé le schéma traditionnel en acceptant dans leur clan généralement fermé une touche, une présence féminine, celle de Amal, pour en faire leur «label». Les nombreux gourmands que nous sommes ne peuvent échapper à la délicate tentation de la «pâtisserie orientale», devenue typiquement libanaise avec les Bohsali. Tous les sens sont séduits, emportés par les parfums, les couleurs et le goût de ce péché mignon. Une faiblesse qui a trouvé satisfaction le siècle dernier, lorsque Salim Bohsali, sans doute lui-même gourmet, se mit à fabriquer des pâtisseries dans sa modeste baraque située à Minet el-Ameh, le port de Beyrouth, qui accueillait des bateaux venus de Turquie et de Grèce. Nos «voisins voyageurs» furent en 1860 les premiers importateurs de baklavas et autres nouvelles pâtisseries au goût étrange. Ces gâteaux exotiques enchantent les passants qui deviennent des habitués. Salim décide de déménager et s’installe en 1878 à Bourj, devenue plus tard la place des Martyrs. Hélou al-Bohsali (Les Pâtisseries orientales Bohsali) intègre le patrimoine culinaire libanais et donne à la place des Martyrs l’âme qui lui manquait. Saadeddine, le fils de Salim, lui succédera en 1903. Étonnant avec ses idées avant-gardistes, il fut l’un des premiers commerçants à faire passer des annonces publicitaires dans la presse et créa même un «salon privé pour les familles». L’établissement devient Saadeddine Bohsali et Fils, pour faire honneur à ses quatre rejetons, Rafic, Mounir, Chafic et surtout Salim, l’aîné, qui fut le seul à parler trois langues et à entreprendre des études universitaires, décrochant brillamment un BA, à 22 ans. Successeur incontestable de son père, il reprend le flambeau en 1932, à la mort de ce dernier. Pour quelques courtes années, hélas, car il meurt à son tour en 1947, à l’âge de 39 ans, des suites d’une longue maladie. Salim eut pourtant l’éphémère bonheur d’épouser Khan Zada Tayara, une femme également très instruite, belle et particulièrement moderne. Elle jouait du piano, et scandale, tomba amoureuse d’un Bohsali, reconnu, comme le reste de la famille pour ses idées «larges» ! Le couple eut, bien heureusement, la satisfaction et le temps de mettre au monde sept enfants, Saadeddine, Ghazi, Amine, Ibrahim, Riad, Feryal et Fawzié. Saadeddine survivra à son père une courte année, emporté par une typhoïde après avoir, péché mortel, mangé un sandwich de falafel… Ghazi n’a que 14 ans et inaugure ses premiers pas - obligatoires - dans le monde des grands. Sans barbe, mais en culottes courtes, il fraye son chemin parmi ses oncles omni- présents. Cinq ans plus tard, le jeune homme a enfin trouvé sa place. Le commerce de la place des Martyrs connaît ses plus beaux jours, égayé par les visites bavardes de tous les hommes politiques, ministres, présidents successifs et rois du monde. Dans les années 50, un petit comité se réunira tous les après-midi pour un five o’clock tea version orientale, un salon politique qui se tiendra jusqu’en 1974. Ghazi et Amal Bohsali En 1957, Ghazi rencontre l’élue de son cœur, une jeune fille de 15 ans, Amal, fille de Rafic Naja, qui fut député et ministre. Ils s’uniront en 1959 pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, surtout, car Amal est jeune, il est vrai, mais possède une suite – téméraire – dans les idées. Profitant du désir des oncles paternels de Ghazi de vendre leurs parts, elle encourage son époux à devenir grand maître à bord. La place des Canons connaîtra ses derniers jours entre ses bras. Mais ce n’est pas tout… En 1974, Amal ambitionne d’ouvrir à son tour un magasin de… pâtisseries orientales, lorsque toutes les femmes choisissent de vendre des vêtements ! Le 4 janvier 1975, les Pâtisseries A. Bohsali offrent à leurs fidèles adorateurs des gourmandises plus légères, plus petites et sans doute plus subtiles. La présence et la touche d’Amal se font ressentir partout. La place des Martyrs tombe sous les balles des combattants, et avec elle l’établissement familial et tous ses souvenirs. Ghazi retrouve sa femme à Hamra. Ensemble, ils réussiront la gageur de donner à ce dessert une certaine forme d’élégance. La branche de Jal el-Dib ouvrira en 1992 et récupérera de nouveaux adeptes. Amal et Ghazi, qui ont eu trois enfants, Ghina, Salim et Mazen, connaîtront également le pire. Leur fille tombe gravement malade et décède en 1995. Amal perd sa compagne, son amie, mais il lui reste deux héritiers. Salim, qui a obtenu un MA en Money and Banking, avant de travailler dans la commission de contrôles des banques. Il rejoindra l’équipe familiale en 1989, devenant ainsi directeur général. Et puis Mazen, qui s’est joint à eux en 1992, après avoir décroché un BA en business. Sa spécialité, outre les affaires, la glace qu’il cuisine lui-même et qu’il a récemment lancée. Malgré le beau et le plus dur, la famille Bohsali poursuit son parcours avec sérénité. En inaugurant, il y a un an, un nouveau point de vente situé à Koraytem, elle laisse à la nouvelle génération un tendre goût sucré qui fera oublier l’amertume des jours difficiles.
Un nom, une réputation vieille de plus d’un siècle, sur lesquels est venu se greffer un prénom. Salim Bohsali et ses fils ont bouleversé le schéma traditionnel en acceptant dans leur clan généralement fermé une touche, une présence féminine, celle de Amal, pour en faire leur «label». Les nombreux gourmands que nous sommes ne peuvent échapper à la délicate tentation de la...