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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Festival Ayloul - Conférence-performance d'un grand metteur en scène américain Bob Wilson, l'artiste dont les questions dérangent (photos)

Salle comble pour la conférence-performance de Bob Wilson, le célèbre homme de théâtre américain qui était à Beyrouth pour 24 heures, inaugurant le festival d’art expérimental «Ayloul». À l’AUB, Issam Farès Hall, pendant deux heures et trente minutes, il a évoqué les différentes étapes d’un parcours professionnel qui l’a conduit à travers les différentes capitales du monde. Jouant sur tous les registres de la voix, mimant certaines scènes de ses pièces, racontant des anecdotes, expliquant (diapos et schémas à l’appui) sa démarche théâtrale, Bob Wilson a fasciné son auditoire. Devant un parterre composé essentiellement de jeunes, Bob Wilson, chantre des opéras «muets», a commencé sa performance par un long moment de silence que la salle – peu habituée à ce genre de manifestation – a mis du temps à respecter. Il a ensuite entamé son «périple narratif». «Notre responsabilité en tant qu’artistes est de poser des questions», a-t-il souligné en préambule. Des questions qui dérangent. Et il n’a jamais cessé d’être fidèle à cette devise, depuis sa rencontre avec le jeune sourd-muet Raymond Andrews, jusqu’à ses dernières productions. «Je suis né et j’ai grandi au Texas», a-t-il indiqué. «Je n’avais jamais vu de théâtre avant de débarquer à New York, à vingt ans passés». Il assiste à des représentations à Broadway. «Je n’ai pas aimé. Je n’aime d’ailleurs toujours pas», lance-t-il. Même topo pour l’opéra, qu’il découvre au Metropolitan. «J’ai été voir un spectacle de Georges Balanchine. Là, j’ai aimé, surtout, l’espace. Les montages, la structure de Balanchine sont classiques. J’appréciais ces spectacles car je pouvais simplement voir et entendre. Il en a été de même pour les chorégraphies de Merce Cunningham et les compositions de John Cage. Ce que je voyais était une illustration de ce que j’entendais». Regarder la danse a été pour Bob Wilson la première influence déterminante. Deux rencontres décisives Deux rencontres l’ont ensuite inspiré durablement : avec Raymond Andrews et avec Christopher. Et Bob Wilson d’insister sur le fait que sa carrière doit tout aux relations exceptionnelles qu’il a nouées avec les autres. Pour lui, plus important qu’une structuration théâtrale, c’est l’ouverture aux autres, la disponibilité. Cette faculté aussi à concevoir d’autres schémas que ceux couramment suivis. «En 1967, je descendais une rue quand je vis un policier tenir un gamin par le cou et l’emmener au poste», se souvient Bob Wilson. C’est ainsi qu’il a rencontré pour la première fois Raymond Andrews, un gamin de 13 ans, noir, sourd-muet et agité. Bob Wilson avait alors 27 ans. Et il raconte, dans le détail, sa conversation avec l’agent, puis ses démêlés avec la justice à propos de ce gamin. Découvrant que l’enfant était sourd-muet, d’où l’incapacité dans laquelle il était de s’exprimer, Bob Wilson entreprit toute sorte de démarches pour le sortir de l’institution spécialisée dans laquelle il était placé. Souhaitant l’adopter, il a dû se battre et ruser pour que le juge prenne une décision dans ce sens. Puis, en étroite collaboration avec un psychiatre, il entame avec le gamin un travail de communication. Le regard du sourd, écrit et monté avec Raymond Andrews, est le fruit de cette thérapie. Sept heures de silence ; sept heures pendant lesquelles l’adolescent raconte, avec son langage fait de gestes, des images réelles et d’autres directement sorties de son imaginaire, de ses rêves. «Cette création présentée à Paris en 1971 a connu un grand succès», souligne, étonné, le metteur en scène. En parfait homme de théâtre, Bob Wilson a l’art de la parole et du jeu de scène. Ses mots provoquent des images, et le spectateur assiste à un film plus qu’il n’écoute une simple histoire. Avec A letter for Queen Victoria, c’est la rencontre avec Christopher, un autre jeune, souffrant de problèmes de communication. Là encore, Bob Wilson se laisse séduire par la fascination de découvrir une autre perception, un autre monde. Ensuite, avec Ka Mountain, un spectacle de sept jours qu’il présente à Shiraz, en Iran, Bob Wilson présente une sorte de «soap opera», comme il le qualifie lui-même, avec un sourire en coin. «Cette pièce qui se déroulait pendant sept jours sur sept collines différentes employait différentes équipes chaque jour», explique Wilson. «C’était une mégastructure dans laquelle pouvaient entrer toute sorte de nouveautés». À l’aide de quelque 200 diapos, Bob Wilson a évoqué ses principales œuvres : Orlando, Civil Wars, Black Rider, The Life and Time of Joseph Stalin, The Life and Time of Freud, Einstein on the Beach, Hamletmachine qu’il a entièrement interprété seul… Et même si on n’a pas saisi toute la démarche théâtrale de ce génie de la scène ; même si on reste sur sa faim, titillé par l’envie de découvrir, après la démarche, le théâtre lui-même; on ne peut s’empêcher d’éprouver la certitude d’avoir assisté, à l’AUB, à un moment de grâce.
Salle comble pour la conférence-performance de Bob Wilson, le célèbre homme de théâtre américain qui était à Beyrouth pour 24 heures, inaugurant le festival d’art expérimental «Ayloul». À l’AUB, Issam Farès Hall, pendant deux heures et trente minutes, il a évoqué les différentes étapes d’un parcours professionnel qui l’a conduit à travers les différentes capitales du...