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Actualités - CHRONOLOGIE

Audiovisuel - Le dossier de la publicité provoque des remous Le CNA risque d'être confronté à plus d'une difficulté

Le vendredi 20 août, le président du Conseil national de l’audiovisuel (CNA), M. Nasser Kandil, a convoqué les représentants des annonceurs des agences de publicité et les représentants des instituts de sondage à une réunion qui, officiellement, avait pour but de «créer une coordination entre ces trois secteurs». Mais dans son point de presse à l’issue de la réunion, M. Kandil a été plus explicite, indiquant qu’«il était impératif de parvenir à des chiffres identiques concernant la répartition des téléspectateurs et des auditeurs des médias audiovisuels». Il a ajouté : «Nous ne parviendrons pas à éradiquer le monopole publicitaire si les statistiques restent absentes. Les chiffres, une fois unifiés, permettront à l’annonceur de placer ses encarts publicitaires en toute connaissance de cause et les instituts de sondage ne seront plus accusés de fabriquer des études sur demande, accusation qui peut être adressée à n’importe quel institut». Présentées ainsi, on comprend mieux les raisons de cette réunion : le président du CNA met en cause la valeur des sondages effectués par certains bureaux de statistiques, ce qui fausse, selon lui, les données du marché publicitaire. Il souhaiterait, par conséquent, «mettre de l’ordre» dans ce secteur. En clair, cela signifie que M. Kandil considère que le marché publicitaire libanais, estimé par certains experts à 120 millions de dollars (dont 60 millions de dollars pour l’audiovisuel), est «perturbé suite à certaines statistiques inexactes fabriquées par des bureaux dont la fiabilité pose problème». Le président du CNA estime dans ce cadre qu’il ne parviendra à «mettre un terme au monopole publicitaire qu’en procurant aux annonceurs des statistiques valables qui leur permettront de mieux cibler leurs campagnes». Une telle initiative a vite fait de susciter des remous dans les milieux aussi bien des publicistes que des annonceurs, et certains ont été même jusqu’à contester à M. Kandil le droit d’aborder les problèmes susmentionnés, invoquant notamment la loi no 382 sur l’audiovisuel, publiée au Journal officiel le 10/11/1994. De fait, le chapitre huit de cette loi, intitulé «Des publicités», ne mentionne nullement ce problème de l’audimétrie (science des sondages qui calcule le taux d’écoute des radios et des télévisions). Les résultats de ces sondages reflètent aussi bien l’importance des stations que celle des programmes, notamment ceux proposés par les stations en prime time. Ce chapitre intitulé «Des publicités» ne comporte que 5 articles dont le premier (le no 36) indique que les «publicités ne doivent pas être mensongères et ne doivent pas causer de tort à la santé du consommateur». L’article 37 interdit la confusion des genres : «Les encarts publicitaires doivent se distinguer facilement des programmes au cours desquels ils sont diffusés». Le même article interdit aux présentateurs des programmes politiques de participer, par la voix ou par l’image, à l’animation de campagnes publicitaires. D’après cette loi, toute publicité doit respecter «l’unité et la valeur des programmes durant lesquels elle passe» et ne devrait aucunement causer du tort «à une quelconque propriété culturelle». (art 38) Il est par ailleurs demandé à chaque station de télévision de confier (art. 39) ses publicités à une régie (en français dans le texte du journal officiel). Enfin, l’article 40 indique que pour tous les autres problèmes concernant ce chapitre des publicités, une loi spécifique sera promulguée. Par ailleurs, de nombreux observateurs rappellent sur ce plan que «les sujets soulevés par M. Kandil à l’issue de la réunion qu’il a présidée en date du 20 août 1999 ne figurent pas dans le texte du règlement interne du CNA qui énumère, dans son article 6, les détails des prérogatives qui reviennent à son président». Approuvé par le Conseil des ministres le mercredi 15/11/1995, le règlement interne du CNA précise que son président «convoque les membres du Conseil aux réunions qu’il préside, représente le Conseil auprès du ministre et des autres instances officielles conformément aux termes de la loi, supervise les travaux du Conseil et en assure le suivi, répartit les travaux entre le personnel et en supervise l’exécution, charge une ou plusieurs sous-commissions de préparer des rapports préliminaires relatifs à des problèmes techniques et transmet rapidement l’avis du CNA au ministre concernant l’octroi ou le refus de nouvelles licences». Parallèlement à tous ces textes réglementaires qui n’accordent pas au président du CNA des prérogatives en matière publicitaire, force est de rappeler également que la précédente équipe du CNA avait en son temps essayé d’interférer dans ce problème, mais le Conseil d’État lui avait refusé ce droit pour raison d’«incompétence». La mesure de l’audience Savoir qui écoute ou regarde quoi et à quelle heure a toujours suscité l’intérêt des directeurs de chaînes et de radios , mais pas toujours pour les mêmes raisons : l’intérêt qui se manifestait à ce propos à l’époque où ce secteur était un service d’État n’est pas identique à celui suscité actuellement au niveau des responsables et des présentateurs vedettes des journaux télévisés ou des grands programmes de variétés, car ce secteur une fois libéralisé est tombé sous la coupe des seules considérations de rentabilité. Au moment où le service public dominait, l’étude de l’audience a été avant tout utilisée par les chaînes comme un outil d’aide à la programmation : il s’agissait essentiellement de pouvoir suivre l’évolution globale et la structure du public afin d’apprécier le succès des émissions diffusées, d’évaluer, voire de modifier, la politique suivie, et éventuellement, de se prononcer sur l’audience probable de nouveaux programmes. Mais toutes ces préoccupations se sont estompées au profit d’autres plus matérielles, en l’occurrence la conquête des auditeurs et des téléspectateurs, et par le fait même des annonceurs , qui seuls sont capables de faire vivre et développer les radios et les chaînes de télévision qui appartiennent dorénavant au secteur privé . «Les responsables des régies de publicité vendent l’attention et le regard des téléspectateurs aux annonceurs et l’audience demeure le seul indicateur qui sert à fixer le prix des encarts publicitaires», écrit un universitaire français. Mais cette même recherche n’est pas à sens unique : elle sert à conquérir des annonceurs, certes, mais elle sert aussi à mieux cibler le public à qui on pourra servir des programmes accrocheurs qui le «fidéliseront», ce qui ne manquera pas de procurer davantage de rentrées publicitaires. Le public n’est pas aussi sage qu’on veut bien le croire d’autant qu’il a souvent l’embarras du choix entre de multiples programmes et une infinité de stations, entre lesquelles la concurrence est plus qu’acharnée. Trois méthodes sont les plus utilisées pour mesurer cette fameuse audience des chaînes de télévision ou des stations de radio. Quelle que soit la méthode suivie, le principe repose sur l’analyse occasionnelle ou permanente de l’attitude d’un échantillon (panel) de ménages ou d’individus : 1. L’enquête postale : elle consiste en l’envoi régulier d’un journal d’écoute aux membres du panel. Bien que simple et peu coûteuse, cette méthode est des plus difficiles à réaliser vu les efforts qu’elle demande aux clients. Les instituts de sondage ont de moins en moins recours, pour ne pas dire presque plus, à cette méthode. 2. Les interviews ou entretiens téléphoniques sont utilisés dans les pays où le taux de raccordement est suffisamment élevé. L’avantage de ces procédés est qu’ils peuvent atteindre parfois un panel de 10 000 personnes par an. Mais ces enquêtes sont sujettes à un certain nombre de lacunes statistiques, ce qui les rend relativement imprécises. 3. Viennent enfin les études audimétriques qui permettent de calculer, à la seconde près, le comportement des membres des familles faisant partie du panel. Les appareils, appelés audimètres, ajoutés aux postes de télévision permettent actuellement le comptage des téléspectateurs en les libérant du «bouton-poussoir» qu’ils actionnaient chaque fois qu’ils s’installaient devant leur poste ou au moment où ils quittaient leur fauteuil. Les professionnels des statistiques appellent cette dernière méthode la «détection passive». Difficultés et propositions Actuellement, plusieurs bureaux de statistiques sont à pied d’œuvre sur le marché libanais. Les uns sont rattachés à de grandes sociétés étrangères, les autres volent de leurs propres ailes sans aucun chapeau extérieur. Bien que leurs travaux soient consacrés en grande majorité à des études du marché, certains effectuent des opérations d’audimétrie avec des résultats que semble contester le président du CNA. Quelles que soient les motivations de M. Kandil, le but qu’il s’est assigné pour régenter le monde de la publicité semble rencontrer plus d’une difficulté. Les textes de la loi no 382 et du règlement interne du Conseil ne semblent pas lui accorder des prérogatives en la matière, comme indiqué précédemment. Ce flou administratif a été d’autant plus accentué que le 21 août au matin, au lendemain de la réunion consacrée au problème des statistiques et de l’audimétrie, la presse a parlé d’une réunion «du CNA avec les représentants des annonceurs, des publicistes et des bureaux de statistiques», ce qui n’est pas tout à fait exact, car la réunion a eu lieu entre le président du CNA et les autres parties, nuance que plusieurs parties n’ont pas manqué de relever. M. Kandil a en outre parlé dans son point de presse «de statistiques détaillant la population du Liban et émanant de la Direction centrale des statistiques», chiffres auxquels les bureaux privés devraient avoir recours pour servir de base à leurs enquêtes . Le président du CNA doit bien savoir que, de par la loi, la Direction centrale des statistiques n’est pas autorisée à communiquer les résultats de ses travaux au secteur privé. Pour pouvoir le faire, elle a besoin d’une dérogation que seules des dispositions législatives expresses peuvent lui accorder. Certains experts font remarquer que plus d’un bureau de statistiques privé, de par ses activités commerciales, est en possession de données statistiques et démographiques que ne possède pas la Direction centrale des statistiques. Sous le prétexte de «mettre de l’ordre» dans un secteur assez sensible économiquement, M.Kandil sest-il empressé d’aller trop vite au point que certains l’ont accusé de vouloir mettre la charrue devant les bœufs ? Certains professionnels de la communication auraient souhaité voir cette tentative de réforme aller dans le sens d’une plus grande humanisation de la publicité : l’auditeur et le téléspectateur sont littéralement noyés par les fameux intermèdes musicaux, annonçant les pages publicitaires, diffusés avant et après les génériques des programmes. Tout le monde est conscient du fait que le marché est souvent maître du jeu publicitaire. Mais on doit pouvoir faire adopter une loi qui nous épargne le trop-plein publicitaire de façon à rendre notre paysage audiovisuel moins stressant. C’est sur cette voie que l’actuelle équipe du CNA pourrait essayer de reprendre le flambeau du changement : des radios et des télévisions où la publicité serait moins omniprésente sans que cette action ne soit perçue comme une volonté d’étouffer les uns ou de restreindre la liberté des autres .
Le vendredi 20 août, le président du Conseil national de l’audiovisuel (CNA), M. Nasser Kandil, a convoqué les représentants des annonceurs des agences de publicité et les représentants des instituts de sondage à une réunion qui, officiellement, avait pour but de «créer une coordination entre ces trois secteurs». Mais dans son point de presse à l’issue de la réunion, M. Kandil a...