Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Environnement - Il était une fois au Liban une faune très variée Animaux sauvages : plus de place dans nos villes ou dans nos vies (photos)

Saviez-vous que l’ours vivait encore au mont Sannine en 1940? Que les derniers léopards auraient été vus au Liban dans les années 1970 ? Que l’hyène, le loup et le renard existent toujours mais qu’on les tue régulièrement dans nos villages sans aucune distinction? Les exemples sont nombreux et notre ignorance de la faune sauvage est quasi totale. À voir le Liban d’aujourd’hui, on se dirait que les seuls animaux restants sont les chats, les chiens, les rats. Et pourtant, malgré l’extinction ou les atteintes portées à beaucoup d’espèces, la faune sauvage continue d’exister, tant bien que mal. La création de plusieurs réserves et l’interdiction de la chasse favorisent même le retour d’un nombre d’espèces. Des experts interrogés par L’Orient-Le Jour dressent le bilan de la situation actuelle de la faune et se prononcent sur les perspectives de son enrichissement futur. Les espaces verts au Liban ne représentent pas plus de 6 % de la surface globale du territoire. Il n’en a pas toujours été ainsi. Le pays était couvert autrefois de forêts. Il présente plusieurs milieux naturels différents dominés par le climat méditerranéen, d’où la richesse et la diversité de sa faune originale. Mais la déforestation n’est pas la seule cause de la quasi-disparition de la plupart des espèces et du déséquilibre naturel qu’on observe de nos jours. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu et l’homme est invariablement responsable de ce déséquilibre des dernières décennies : chasse sans réglementation pendant des années, tueries systématiques de tout ce qui est sauvage, déforestation artificielle et avancée des villes, explosion démographique, détérioration des milieux naturels comme l’assèchement de marécages par exemple… «Chaque fois qu’un animal s’introduit dans ce pays, il est éconduit ou tué», s’indigne M. Jean-Claude Le Cavelier, biologiste. «C’est malheureux. Si on laissait ces bêtes vivre, elles s’habitueraient à la présence de l’homme». Selon lui, «une grande partie de la faune originale du pays a disparu». «Nous avions l’ours, le lynx, un tas d’espèces qui n’existent plus», dit-il. «Mais quand l’hiver est trop rude, des animaux viennent de Syrie. Malheureusement, ils sont capturés ou tués». Georges et Henriette Tohmé, anciens professeurs à l’université et chercheurs auprès du CNRS, écrivent dans leur livre intitulé Les mammifères sauvages du Liban : «Actuellement, l’urbanisation gagne du terrain aux dépens des oliveraies et des pinèdes. Les routes asphaltées atteignent les coins les plus reculés de la montagne et les animaux sont pourchassés de leurs abris les plus discrets. Les marécages de Aammick (Békaa) sont desséchés. (…) Les différentes activités humaines ont si bien marqué les milieux naturels libanais que plusieurs animaux ont été contraints, en raison de changements catégoriques de leur habitat, à quitter la région. (…) À l’heure actuelle, l’impact de l’urbanisme, le développement du réseau routier, l’utilisation incontrôlée de pesticides et de produits chimiques divers, la chasse criminelle, le massacre de tout ce qui bouge à n’importe quel moment de l’année sans aucun contrôle ni aucune éthique, ont contribué, à la fois, à diminuer la richesse nationale en faune sauvage. En général, plusieurs grands animaux ont disparu, d’autres sont devenus rares». La chasse, un facteur essentiel ? Quel est le rôle exact de la chasse dans tout cela ? Selon un Nemrod expérimenté qui a requis l’anonymat, «la disparition des espèces n’est pas liée à la chasse». Bien qu’il avoue que la chasse a souvent été synonyme de boucherie telle qu’elle a été pratiquée par la majorité au Liban, il fait remarquer que «tant qu’il n’y a pas de gestion de la faune et de la flore, il n’y a rien à sauver. Cette gestion dans le monde civilisé est confiée aux chasseurs qui se déplacent beaucoup sur le terrain, mais le Libanais n’est pas prêt pour cela». Il poursuit : «L’interdiction de la chasse ne change pas beaucoup la situation de la faune et de la flore. Celles-ci sont très déséquilibrées : les prédateurs et autres sous-espèces sont en dérèglement. Il faut des années pour rétablir l’équilibre. Ce sont principalement les oiseaux migrateurs et ceux qui vivent proches des agglomérations qui ont bénéficié de cette décision». Cependant, certains oiseaux seraient revenus. «En fait, ils ont toujours existé au Liban à l’état endémique si l’on peut dire, parce que nous avons beaucoup de passages», explique M. Le Cavelier. «Si on leur crée un lieu de passage où on ne les tue plus, leur descendants prendraient le même chemin. À supposer que l’interdiction de la chasse soit respectée et que l’on applique les lois». Pour Georges et Henriette Tohmé, l’interdiction de la chasse, même si son succès est relatif, a eu quatre conséquences positives : le nombre des oiseaux a augmenté sensiblement, certaines espèces sont revenues vivre en permanence au Liban, les oiseaux migrateurs s’arrêtent pour une plus longue durée et la réputation du Liban s’est améliorée à l’étranger. Cependant, chasse ou pas, ce sont des mentalités qui restent à changer. La perception même de l’animal sauvage est basée sur l’hostilité. Il est entendu auprès des experts qu’aucun de ces animaux n’est dangereux s’il n’est pas menacé. Les accidents sont le plus souvent causés par l’ignorance de l’homme qui, involontairement, menace l’animal ou intervient sans le savoir entre ses petits et lui. «On confond animal sauvage avec porteur de maladies ou dangereux pour l’être humain», souligne M. Le Cavelier. «Cela est totalement faux. Au contraire, c’est nous qui avons créé des lieux où l’animal devient malade, comme le rat dans nos égouts. Sinon, le rat ne représenterait pas de danger potentiel». «L’animal est méprisé chez nous», déclare M. Tohmé. «Les gens ont constamment l’impression qu’il est dangereux. Et, pourtant, plus de 90 % des animaux sont utiles. Mais il faut dire qu’il y a plus d’éveil actuellement depuis que l’environnement est enseigné dans les écoles». Réintroduire des espèces disparues Ces animaux qui disparaissent sont-ils éteints ou vont-ils ailleurs ? «Ils n’ont pas vraiment disparu à jamais, mais ils ont été repoussés par l’homme dans des endroits très restreints», répond M. Le Cavelier. «Ces animaux essayent naturellement d’agrandir leur territoire, d’explorer. Le Liban est l’un des endroits qu’ils visitent. Malheureusement, ils sont éliminés chez nous. Si on les laissait vivre, le pays se repeuplerait». Comment savoir si un animal a réellement disparu ou non ? «Il faut des preuves pour accepter scientifiquement qu’un animal n’a pas disparu», déclare Mme Tohmé. «Nous devons voir l’animal lui-même, ou nous appuyer sur le témoignage d’une personne de confiance, un expert capable d’identifier l’espèce. En 1978, nous avons vu la peau d’un chat sauvage d’une certaine espèce chez un taxidermiste. Celui-ci nous a assurés que cette espèce existait dans le Akkar. Ce n’est que cette année que nous avons rencontré un spécimen vivant dans cette même région». À la question de savoir comment créer un environnement favorable au retour des espèces, les personnes interrogées ont évoqué l’importance des réserves où l’animal se sent en sécurité. Donc c’est par là que tout devrait commencer. Et c’est là que des représentants des espèces locales aujourd’hui disparues peuvent être réintroduits (beaucoup se trouvent encore en Syrie mais surtout en Turquie). À condition que les spécimens n’appartiennent pas à des sous-espèces n’ayant jamais existé au Liban, ce qui créera à n’en pas douter un déséquilibre. Pour mieux introduire ces espèces sans leur faire du tort, il faut assurer leur survie. Pour cela, il faudrait avoir une structure d’accueil qui peut être représentée par les réserves actuelles. Il faut relâcher les animaux progressivement afin qu’ils développent le même atavisme de protection qu’ils auraient possédé à l’état naturel. Sinon, on les expose à être décimés par d’éventuels prédateurs. Il faut également réguler la faune (créer un certain équilibre), ce qui n’est pas facile. La présence des animaux est le signe d’un environnement sain. Leur absence (ou presque) celui d’un environnement malade. Pourquoi, au lieu de susciter la crainte, ne réveilleraient-ils chez les hommes l’amour de la découverte ?
Saviez-vous que l’ours vivait encore au mont Sannine en 1940? Que les derniers léopards auraient été vus au Liban dans les années 1970 ? Que l’hyène, le loup et le renard existent toujours mais qu’on les tue régulièrement dans nos villages sans aucune distinction? Les exemples sont nombreux et notre ignorance de la faune sauvage est quasi totale. À voir le Liban d’aujourd’hui,...