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Actualités - REPORTAGES

Vient de paraître - Un ouvrage de Martiniano Roncaglia Les maronites, moteur de la conscience nationale(photos)

La NDU-Press (Notre-Dame University) vient de publier un nouvel ouvrage de l’historien et orientaliste Martiniano Roncaglia : Les maronites, communauté, peuple, nation. Préliminaire de cet ouvrage : l’Histoire des maronites n’est pas encore écrite. Malgré les nombreux ouvrages sur la question, souligne le Pr Roncaglia, qui enseigne à l’Usek et coopère avec la NDU, les ouvrages d’histoire des maronites en circulation ne correspondant pas au titre qu’ils portent.Tout au plus ont-ils contribué à «créer une conscience, une identité maronite». Le Pr Roncaglia lui-même ne prétend pas avoir rédigé un nouveau manuel d’histoire des maronites, mais «des pages d’histoire et de chronique». Un sous-titre que l’auteur souhaitait voir figurer sur la jaquette de son ouvrage, mais qui a été oublié par l’imprimeur. Qui a également oublié bien des coquilles, si bien que la rigueur de la méthode suivie est relativement ternie par ces coquilles. L’admiration du Pr Roncaglia pour les maronites ne l’empêche pas de chercher à dépasser l’histoire apologétique, pour jeter un regard critique sur leur histoire passée et présente. Il ne se fait pas un complexe de dire que «les maronites ne constituent ni une race, ni une ethnie différente de leurs partenaires chrétiens ou musulmans. Ils sont des chrétiens originaires de la Syrie et de langue syriaque, évolués par la suite en peuple arabophone comme leurs conquérants». L’étoffe est donc la même, c’est donc l’habit, c’est-à-dire la culture et le milieu physique qui change. Ce qui intéresse avant tout le Pr Roncaglia, c’est de comprendre le mécanisme qui a permis à la communauté regroupée autour du nom de Saint-Maron (car saint Maron lui-même n’a rien fondé), d’évoluer pour devenir un peuple et ensuite une «nation», c’est-à-dire un peuple avec un projet national et un territoire. L’idée centrale de l’ouvrage, c’est d’analyser le processus qui a permis aux maronites d’être la locomotive de la conscience identitaire libanaise. L’auteur de l’ouvrage cite en particulier une phrase de Béchir Gemayel : «Attaqués comme chrétiens, nous nous sommes défendus comme Libanais». Pour comprendre ce mécanisme, l’historien doit se contenter de «beaucoup d’hypothèses» et de «peu de certitudes», assure le Pr Roncaglia, qui écrit : «L’Église maronite était déjà une Communauté ecclésiale et monastique solidement structurée, avant l’arrivée des Croisés (XIIe siècle), grâce à leur fidélité à l’héritage syriaque et antiochien qui se transforma peu à peu en une identité spécifique d’une catholicité orientale qui résistera à toutes les sollicitations extérieures». Cette identité intrigue l’historien à plusieurs titres. Il y a avant tout la question chronologique : à quel moment la Communauté maronite a-t-elle pris une consistance solide ? Il y a aussi le problème de l’interprétation des données historiques, religieuses et doctrinales des facteurs réels qui ont joué un rôle déterminant dans son apparition sur la scène de l’histoire. L’une des clefs pour comprendre cette évolution, c’est «l’esprit d’ouverture, d’acceptation et d’adoption des courants culturels (…) dans le changement des situations historiques» qui, selon M. Roncaglia, est «une caractéristique de l’identité culturelle des maronites». Selon l’auteur, c’est cette «malléabilité» qui permit aux maronites, après l’arrivée de l’ islam dans la région, au VIIe siècle, de «s’emparer peu à peu du véhicule de toute civilisation : la langue». «L’équilibre culturel rompu par les arabophones d’Arabie a été rétabli par les maronites, qui firent en douceur le passage de l’écriture syriaque à l’arabe», notamment grâce au «karshuni», l’arabe écrit avec des caractères syriaques. Et de conclure sur ce point en affirmant : «D’une langue considérée comme essentiellement coranique par les musulmans et par les orientalistes, ils (les maronites) ont fait une langue parallèle chrétienne dans le plein respect des deux identités coranique et biblico-chrétienne (…) l’histoire nous montre que jamais les maronites n’ont essayé de dévaloriser la langue et la civilisation arabes (…) il n’y a même pas de polémique contre les musulmans : ce genre de littérature leur est pratiquement étrangère». Au fil des pages, Roncaglia brosse un «portrait» à gros traits des maronites : une communauté faite d’un mélange paradoxal d’ouverture – au XVIIe siècle, on disait à Rome «savant comme un maronite» –, et d’orthodoxie religieuse ( Roncaglia estime que les maronites ont défendu la foi chalcédonienne). Cela s’inscrivant, à partir de l’an 745, et grâce à l’action de Saint Jean-Maron, dans le cadre d’une structure socio-religieuse établie dans une base territoriale bien définie, la montagne libanaise. L’une des originalités des maronites étant d’être restés groupés ( il n’y a pas de maronites orthodoxes ou protestants). Pour parler des maronites, le Pr Roncaglia bénéficie d’un avantage certain : il n’en fait pas partie, et peut prendre à leur égard l’attitude de l’historiographe compilant, page après page, ses notes et observations. Ce qui va de soi pour un maronite représente, pour l’historien, un trait significatif, ce qui nous vaut un répertoire original des centres de gravité de la communauté aussi bien sur le plan culturel qu’économique, politique ou territorial. La «maronophilie» du Pr Roncaglia éclate à chaque chapitre de l’ouvrage, mais c’est une sympathie qui reste éclairée. Pour lui, et en cela il rejoint bien d’autres historiens, l’identité libanaise est encore à l’état de virtualité : «Le Liban moderne, écrit-il, est une mosaïque d’ethnies, de confessions religieuses et de groupes socioculturels condamnés à vivre ensemble en vertu d’un pacte tacite, mais vécu, qui règle leur existence à l’intérieur d’une entité géographique et géopolitique qui leur permet d’exercer leur liberté religieuse en toute convivialité, et de développer leur personnalité propre, ou encore leur identité, au sein d’une civilisation pluraliste propre au Liban et à ses habitants. Identité il y a, on attend maintenant qu’elle devienne libanaise pour tous les habitants de l’ancienne Phénicie. Pluralité de cultures, unité sociale». À lire pareil ouvrage, on se prend à penser qu’il serait éclairant de confronter cette vision des choses avec le processus d’évolution vers la citoyenneté envisagé comme émancipation de l’identité socio-religieuse. Par ailleurs, faire des maronites le moteur de la conscience nationale libanaise, est-ce actuel ? C’est vrai, l’appétit de connaissance des maronites ne se dément pas, à voir les universités, instituts et écoles relevant des ordres monastiques maronites qui ont fait leur apparition durant la guerre. Mais il faut aussi tenir compte de l’impact sur les maronites de l’urbanisation et de la sécularisation des connaissances, qui les ont coupés de certaines de leurs valeurs de référence. Il faut également tenir compte du fossé qui existe entre l’élite intellectuelle maronite et la hiérarchie religieuse, en sorte que l’apport de cette élite et celui de la hiérarchie se concurrencent au lieu de coopérer. Enfin, l’historien ne peut ignorer l’émergence durant la guerre d’un leadership civil en concurrence avec le pouvoir patriarcal, donc un éclatement de la conscience communautaire, encore qu’avec la défaite des milices, la tendance s’est inversée, avec une nouvelle émergence du pouvoir temporel du patriarche maronite comme guide de la République, sur le plan des droits de l’homme. Mais ces considérations figureront sans doute aux prochains chapitres de l’histoire des maronites, ceux qui s’écrivent en ce moment. L’ouvrage reste une contribution appréciable, bienvenue à une histoire non seulement des maronites, mais de l’origine du Liban.
La NDU-Press (Notre-Dame University) vient de publier un nouvel ouvrage de l’historien et orientaliste Martiniano Roncaglia : Les maronites, communauté, peuple, nation. Préliminaire de cet ouvrage : l’Histoire des maronites n’est pas encore écrite. Malgré les nombreux ouvrages sur la question, souligne le Pr Roncaglia, qui enseigne à l’Usek et coopère avec la NDU, les ouvrages...