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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le chanteur rouge donnera deux récitals dans le cadre des Estivales de Deir El-Kamar Marcel Khalifé, l'homme de plusieurs causes(photo)

Marcel Khalifé, le chanteur rouge, celui qui a servi au public autant de chansons engagées politiquement et socialement que de très beaux poèmes d’amour, est au programme des “Estivales” de Deir el-Kamar, jeudi 5 et vendredi 6 août, 20h. Il jouera en compagnie de Charbel Rouhana, oud, Abboud el-Saïdi, bass, et Ali el-Khatib, riq, des extraits de son dernier album, Jadal. La barbe sel et poivre, les mains fines, le regard direct, les années ne semblent avoir aucune prise sur Marcel Khalifé. Le temps n’a pas réussi à ébranler ses convictions. Ses engagements n’ont jamais été politiques, affirme-t-il. «Ce genre de combat, je le laisse aux ministres et députés. Pour ma part, j’ai toujours défendu des causes, en dehors de toute mode. Pour moi, l’amour est une cause, au même titre que la liberté ou le Sud. Mon engagement en tant qu’artiste, c’est d’être à la recherche d’une phrase musicale nouvelle». N’a-t-il pas été plus engagé par le passé ? «Ma musique a toujours été au service des gens, elle a toujours cherché à panser leurs blessures s’ils en avaient, à parler de leurs joies, à être à la recherche de la liberté ou du pain quotidien s’ils en manquaient…» Et il insiste, soulignant que «bien que n’étant pas un disque à chansons, Jadal est un travail qui constitue une révolution intérieure très profonde. La composition musicale y est novatrice». Toujours à contre-courant, Marcel Khalifé revendique son droit à parler des choses quand il en a envie et non pas quand une mode ou une institution l’impose. «Je n’aime pas les occasions, souligne-t-il. Je n’ai jamais rien eu à voir avec les institutions, quelles qu’elles soient». Et de préciser qu’il a écrit L’enfant au jouet, «alors que personne ne parlait du Sud et de ce qu’y subissaient les gens». Autre mode qui le révolte, «cette pléthore de chansons à la gloire de l’armée. C’est à celui qui va sortir la meilleure chanson, celle qui emploiera le plus de superlatifs… C’est indécent». Un parcours marqué par la continuité Né en 1950 à Amchit, Marcel Khalifé se souvient avoir été sensible à la musique depuis toujours. «Enfant déjà, je tapotais sur tout ce qui me tombait sous la main. Dès que j’entendais un son, je le reproduisais en rythme. Je faisais tellement de bruit, que mes parents en ont eu assez et ont décidé de m’acheter un instrument de musique. Il se trouve que le oud était le moins cher». Il n’a pas choisi cet instrument, c’est plutôt le oud qui l’a adopté. «À l’instar de tous les instruments à corde, le oud offre des possibilités musicales très larges. On peut y fabriquer des sons très variés. De plus, il y a un contact charnel avec le oud». En solo, en duo, en quartette ou avec un orchestre, Marcel Khalifé entraîne son oud dans toutes les expériences. Il dit n’avoir pas de préférence pour l’un ou l’autre des genres. «En solo ou en duo, il y a une difficulté qu’on ne rencontre pas avec un orchestre», indique-t-il. Avec une formation variée, «il y a une autre dimension. Même si le oud, dont le son est plutôt doux, a généralement besoin d’un micro», précise le musicien. Cette année, il se produit à Deir el-Kamar, dans la cour de la municipalité. «Beiteddine, Deir el-Kamar sont des endroits merveilleux, des cadres intimistes dans lesquels j’ai envie de me produire, en ce moment». La composition est une aventure pour Marcel Khalifé. Il dit aimer se retrouver devant la page blanche. «Je la remplis de notes. Puis je reviens dessus, j’y travaille avec discipline et assiduité». Le processus d’écriture obéit «à une impulsion. Je vois une lumière que je tente d’attraper, de reproduire musicalement. Si je réussis à transmettre cette lumière au public, c’est que j’ai réussi. Sinon, c’est que nous sommes passés, le public et moi, à côté de ce travail. Mais la réussite reste pour moi, avant tout, le fait d’être convaincu de ce qu’on fait». Souvent accusé de «chambouler la musique arabe», Marcel Khalifé revendique son rôle «d’empêcheur de tourner en rond». «Mon rôle est de chambouler la musique. L’immobilisme serait la mort assurée pour toute musique». Et il insiste : «Pour garder un caractère vivace, le patrimoine doit toujours s’enrichir de nouveauté». De Caracalla à un nouveau CD, des compositions tous azimuts Marcel Khalifé cosigne la musique du dernier spectacle que la troupe de Caracalla présente au festival de Baalbeck. «Je collabore avec Caracalla depuis 1974, indique Khalifé. À l’époque, Abdelhalim quittait les Rahbani pour fonder sa propre troupe. Il a été le premier à acheter une de mes compositions. Je suis quelqu’un de fidèle. Je collabore depuis à chacune de ses créations». Au programme de cet été, également, une participation à un camp musical à Boston où il donnera «un masterclass sur le oud et la musique orientale» ; ainsi qu’une présence à un festival culturel en Sicile et une prestation lors de la «Journée internationale pour la paix à Byblos, à la mi-septembre. Côté composition, Marcel Khalifé dit travailler sur un disque «qui changera les bases de la chanson arabe». Il a fait un choix de textes tirés de grands poètes arabes qui parlent du corps. «Ce sont des textes très forts, très beaux, presque érotiques. On n’a jamais encore chanté le corps de cette manière». Ne craint-il pas la réaction du public ? «C’est un travail que je cogite depuis une douzaine d’années. Il me semble qu’il est temps, à la veille d’un nouveau millénaire, de le sortir. Quant à la réaction du public, ce n’est pas mon problème, affirme-t-il. L’artiste ne peut pas être tout le temps dans l’attente du moment opportun». Et la censure ? «Si ce travail est interdit, il fera partie des nombreux interdits qui jalonnent la mémoire collective arabe». Et il poursuit : «Je ne me fais aucune illusion, les instances supérieures et en premier lieu les instances religieuses seront contre ce travail. Mais pour moi, la seconde où on aime est l’instant le plus pur chez l’être humain». Poursuivant sur sa lancée, il dénonce «tous les tabous qui nous empoisonnent l’esprit et le corps. Qui font de nous des affamés, qui nous rendent malades. Je revendique ces moments de tendresse, d’extase». Et il rappelle que «tous les textes que je mets en musique existent, sont dans des livres en vente libre». Cette défense énergique de la cause de «l’amour» n’est pas un nouvel engagement pour Marcel Khalifé. Déjà avec sa célèbre Rita, il abordait ce thème de sa voix douce. L’enregistrement qu’il prépare se présente comme un beau cadeau de fin de millénaire.
Marcel Khalifé, le chanteur rouge, celui qui a servi au public autant de chansons engagées politiquement et socialement que de très beaux poèmes d’amour, est au programme des “Estivales” de Deir el-Kamar, jeudi 5 et vendredi 6 août, 20h. Il jouera en compagnie de Charbel Rouhana, oud, Abboud el-Saïdi, bass, et Ali el-Khatib, riq, des extraits de son dernier album, Jadal. La barbe sel...