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Actualités - ANALYSE

Israël accusé de manoeuvres tortueuses L'affaire Jezzine met la République en émoi

Perplexité, confusion et embarras : c’est malheureusement ainsi que se définit, au-delà de l’assurance affichée par les dirigeants, la vraie réaction libanaise à l’annonce d’une prochaine récupération de Jezzine occupée par l’homme des Israéliens, Lahd. «Nous aviserons en temps dû», proclament les responsables, qui précisent toutefois que l’armée ne sera pas déployée dans l’enclave. Ce qui paraît à première vue normal, la mission de la troupe n’étant pas de nature policière intérieure mais défensive et par là plus spécialement frontalière. Sauf exception, pour seconder ou même remplacer les Forces de sécurité intérieure, comme cela fut le cas lors de l’épisode Toufayli dans la région de Baalbeck ou pour l’application du plan de sécurité après la guerre dans le Grand Beyrouth. La résistance active, entendre le Hezbollah, et la population (ou ce qu’il en reste) de la région de Jezzine n’étant pas tout à fait sur la même longueur d’onde, la question toute simple qui se pose se résume comme suit : après le départ de Lahd, les gendarmes suffiront-ils ? Pas de réponse directe. Les officiels locaux, qui démontrent par ailleurs dans l’affaire des conflits de magistrats leur goût pour les contradictions et une transparence toute relative, se défalquent du problème de Jezzine en se lançant dans une sévère diatribe contre l’ennemi. Ils lui reprochent en somme leur indécision. Et développent les accusations suivantes : – Israël veut créer un précédent pour effectuer ensuite des retraits partiels non programmés, «unilatéraux» comme on dit, d’autres pans de la bordure frontalière occupée. Ce qui provoquerait des vides forcés, puisque le Liban refuse que ses forces cohabitent avec celles de l’occupant. Un exemple : les Israéliens et Lahd se retirent d’une zone tout au sud, mais gardent des positions à côté ou plus au nord. Ou encore, ils quittent un village, mais gardent les deux localités qui le flanquent de part et d’autre etc. Des retraits ciblés et criblés en somme qui rendraient impossible la reprise en charge par l’État libanais des régions «restituées». – En entamant sans tarder un traitement à sa manière de la question du Sud, Israël veut créer une situation entraînant une dissociation de fait des volets libanais et syrien, que Beyrouth et Damas estiment de leur droit de jumeler. La position du Liban réclamant la libération du Golan avec celle du Sud n’aurait plus qu’une valeur théorique quand son territoire ne serait plus occupé. Et ne servirait plus à rien dans les négociations du processus régional. On notera que vu sous cet angle, le jumelage s’inscrit dans l’actif diplomatique syrien plutôt que libanais. – L’autre pression exercée par les Israéliens à travers le cas Jezzine, reprennent les officiels libanais, est que l’on veut amener Damas et Beyrouth à neutraliser le Hezbollah. Ce qui pour les deux capitales reste hors de question du moment que la résistance active à l’occupation est un devoir légitime qu’il faut soutenir. – Pour les responsables locaux, il est clair que les déclarations de Pérès au Raï el-Aam koweïtien recèlent un piège grossier. L’ancien Premier ministre travailliste, qui semble appelé à jouer un rôle primordial dans la conduite des négociations du côté israélien, a en effet affirmé en substance que «le gouvernement Barak accorde la plus haute importance à un arrangement de paix global avec la Syrie et avec le Liban. Dès lors, il n’y a plus lieu de maintenir l’armée israélienne au Liban-Sud jusqu’à parvenir à un règlement avec les Syriens». Selon Beyrouth, ces propos signifient en clair que les Israéliens vont traiter la question du Sud indépendamment de leurs pourparlers avec les Syriens. Et les responsables locaux s’en offusquent, car ils veulent, disent-ils, autant le Golan que le Sud. Un scénario Toujours est-il que des sources généralement bien informées croient savoir qu’en accord avec les Américains, les Israéliens comptent appliquer le plan suivant : – Dissocier effectivement, comme le voulait jadis l’État libanais, la 425 de la 242 et se retirer du Sud comme de la Békaa-Ouest sans tenir compte du Golan. Les positions d’origine se trouvent ainsi parfaitement inversées. Parce qu’à l’origine, les Israéliens, implicitement approuvés par les Américains, soutenaient qu’il fallait une seule chaîne de sécurité, un arrangement en bloc pour cette même ligne géographique que constituent le Golan, la Békaa-Ouest et le Sud. Alors que Beyrouth répétait, notamment par la bouche du président Hoss sous Sarkis puis sous Gemayel, que le Sud n’avait rien à voir avec la guerre de 67 et que la 425 devait être appliquée immédiatement et inconditionnellement. Aujourd’hui, les Israéliens continuent à poser certes des conditions au sujet de la 425, alors qu’ils n’en ont effectivement pas le droit. Mais ils sont étrangement rejoints par les Libanais qui à leur tour posent des conditions extérieures au sol national pour reprendre leur bien spolié. Pour en revenir à la position des Israéliens, ils expliquent, selon les mêmes sources diplomatiques, qu’on ne peut attendre pour le retrait du Sud ou même du Golan un arrangement régional global qui prendrait des années, puisqu’il y a à traiter des problèmes aussi épineux que celui des réfugiés palestiniens, du désarmement et du partage des eaux. Ils ne parlent évidemment pas de Jérusalem, autre casse-tête, car pour eux ce n’est pas négociable. – Ce n’est pas à Israël d’associer ou de dissocier les volets syrien et libanais. Mais le retrait du Sud avant le Golan ne constitue pas une atteinte au droit des Syriens et des Libanais de rester unis dans leurs revendications. C’est ce que les Américains devraient expliquer aux intéressés, pour tenter d’obtenir l’aval de la Syrie au sujet de la restitution rapprochée du Liban-Sud. – Si cette logique ne passe pas alors, et alors seulement, Israël procéderait à un retrait «unilatéral» du Liban. – Enfin et surtout, Israël compte sortir Lahd de Jezzine indépendamment de tout autre considération. Et il fait savoir dès à présent que si le Hezbollah se précipite dans la brèche, il n’y aura plus du tout de retrait de la bordure frontalière…
Perplexité, confusion et embarras : c’est malheureusement ainsi que se définit, au-delà de l’assurance affichée par les dirigeants, la vraie réaction libanaise à l’annonce d’une prochaine récupération de Jezzine occupée par l’homme des Israéliens, Lahd. «Nous aviserons en temps dû», proclament les responsables, qui précisent toutefois que l’armée ne sera pas déployée...