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Actualités - REPORTAGES

Expositions - Des archives qui retrouvent le chemin de la vie La Mémoire collective du Liban au Musée Sursock(photos)

La «Mémoire collective» tellement mise à mal par les années de guerre, ignorée par la reconstruction, est enfin à l’honneur au Musée Sursock, jusqu’à fin août. Toutes les salles du musée se sont parées de bribes de mémoire. Avec cette première exposition du genre, «les archives retrouvent le chemin de la vie», note dans le catalogue Antoine Khawaja, président du Conseil d’administration du Centre des archives nationales. Elles sortent au moins de l’anonymat, ce qui est déjà pas mal. Après les discours inauguraux, une balade dans les dédales de cette exposition organisée par la fondation de la Bibliothèque nationale et estampillée, comme il se doit, Beyrouth, capitale culturelle du monde arabe. L’exposition s’ouvre sur le salon arabe qui abrite onze mannequins parés des somptueux costumes d’émirs et de princesses de la montagne libanaise. Puis, dans la salle à droite, ce sont les archives du Port de Beyrouth, mises pour la première fois à la disposition du public. Passeports, plans détaillés et autres autorisations occupent les vitrines. Ainsi, peut-on voir différents documents dont celui stipulant la création de la Compagnie ottomane du port, des quais et des entrepôts de Beyrouth daté du 20 juin 1888. Le sultan en avait accordé la concession à Joseph Moutran en date du 19 juin 1887. Sur le mur du fond, le «firman» du sultan Abdel-Hamid II (1876-1909) déroule en calligraphie ottomane l’autorisation de construire le premier bassin du port, délivrée à Constantinople. Les deux vitrines qui entourent la porte d’accès à cette salle comprennent quelques coupures de monnaie, là encore jamais révélées par la Banque du Liban. L’exposition se poursuit à l’étage avec, à droite, une galerie de portraits, tous récemment restaurés. Cheikh Abdel Kader Kabbani, Hajj Hussein Beyhum, le patriarche Estephan Doueihy, Boutros al-Boustani, cheikh Nassif el-Yazigi… de grands noms de la littérature et de la philosophie libanaises. Sur la colonne, à l’entrée de l’étage, l’autoportrait de Gébrane Khalil Gébrane. Rafistolé, il exhibe encore ses plaies. «Nous avons choisi de le mettre là, bien en évidence, afin de sensibiliser le visiteur au travail encore considérable qui reste à accomplir pour que toutes les acquisitions de la Bibliothèque nationale du Liban (BNL) soient sauvées», explique Nabil Saïdi, qui a participé en tant que spécialiste en manuscrits arabes à l’expertise des manuscrits de la BNL ainsi qu’à l’organisation de l’exposition. Sous les vitrines qui accompagnent ces portraits, certaines des œuvres dont les personnages représentés sont les auteurs. Dans la deuxième salle, des manuscrits de sciences, de médecine et d’astrologie. Risala fil falak, ouvrage d’astrologie illustré (1715) ; Târikh bani Uthman, manuscrit d’histoire ottomane écrit dans le style diwani, (1665)… Donnant sur l’allée centrale, les vitrines protègent une collection qui comprend des ouvrages de théologie. Une chronique des traditions islamiques, un des plus vieux manuscrits de la collection (1237) ; un traité de théologie chrétienne datant du 14e ou 15e siècle ; Abu Hanifa, al jami’ al saghir, théologie islamique (1315)… Plus loin, des cartes postales ainsi que des vues panoramiques de Beyrouth reproduites sur de grandes plaques en plexiglas. Des vues qui ont été prises en ballon au début du siècle. Les publications journalistiques occupent le dernier coin, à droite. La presse a connu un essor important au Liban dans la deuxième moitié du 19e siècle. La plupart des périodiques ont été fermés pendant la Première Guerre mondiale. Pour connaître un nouvel essor sous le mandat français. «Les journaux étaient alors les porte-parole des revendications nationales de l’intelligentsia et de la classe politique», peut-on lire sur de grands panneaux informatifs. Au bout de l’allée centrale tendue d’un drap blanc, la vidéo projette en permanence le film sur les archives nationales, en trois langues. À gauche, au fond, plusieurs vitrines abritent quelques documents de la Moutassarifiyé. Puis viennent des manuscrits et correspondances religieuses. L’imprimerie en bois de Khonchara trône avec, sous vitrine, Balance du temps, le premier livre en caractère arabe qui y a été imprimé en 1734. Dans la dernière partie, ce sont les documents relatifs à l’Indépendance. Correspondance du président Alfred Naccache ; décrets de nomination du Premier ministre Riad el-Solh ; drapeau hissé à Bchémoun, au siège du gouvernement, le 16 novembre 1943 et paraphé par de nombreux insurgés dont Habib Abi Chahla (Premier ministre temporaire), Sabri Hamadé (président de la Chambre), Magid Arslan, Pierre Gemayel, puis Riad el-Solh… «Les photos et les documents relatifs à l’Indépendance ont été empruntés aux familles de ces grands hommes», indique Nabil Saïdi. «Malheureusement, même ces familles ont beaucoup perdu de documents pendant la guerre». Et il estime que «de nombreux documents ont été perdus pendant la Première Guerre mondiale. Les gens s’en servaient pour se chauffer». La BNL compte aujourd’hui quelque 200 000 livres. Des 2 000 manuscrits qu’elle possédait, il n’en reste que 1588. Dont une trentaine sont exposés à Sursock. Médecine, astrologie, religion, grammaire, jurisprudence… Pour avoir accès en permanence à tout document, il faut une bibliothèque qui les abrite dans des conditions de température, d’humidité et de lumière acceptables.
La «Mémoire collective» tellement mise à mal par les années de guerre, ignorée par la reconstruction, est enfin à l’honneur au Musée Sursock, jusqu’à fin août. Toutes les salles du musée se sont parées de bribes de mémoire. Avec cette première exposition du genre, «les archives retrouvent le chemin de la vie», note dans le catalogue Antoine Khawaja, président du Conseil...