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Actualités - REPORTAGES

Municipales partielles - Liste d'entente islamo-chrétienne in extrémis A Haret Hreik, le début du grand retour(photos)

La bataille a été évitée de justesse, mais les négociations ont été rudes. Ce n’est qu’à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote que les deux parties en conflit, les résidents et les déplacés (une manière élégante de distinguer les chiites des maronites de Haret Hreik), sont parvenues à un accord. Depuis, les membres de la liste d’entente affichent leur soulagement, vantant les mérites de la coexistence et n’accordant aucune attention aux 18 candidats indépendants qui ont peu de chances de percer. À Haret Hreik, vidé de ses chrétiens en 1984, c’était hier jour de retrouvailles et d’espoir, en attendant le grand retour… On craignait un boycott chrétien du scrutin de Haret Hreik, mais finalement, tous les électeurs de la localité ont montré peu d’empressement à se rendre aux urnes. Selon les premières estimations, près de la moitié des 9 000 électeurs inscrits ont voté. Officiellement, ils sont répartis de la manière suivante : 5 000 chrétiens pour la plupart déplacés et 4 000 chiites résidant sur place. Mais dans ce village défiguré par la guerre, les listes électorales sont contestées, les chiites affirmant être désormais les plus nombreux. Leurs représentants ont pourtant décidé de ne pas soulever cette question, se contentant de négocier âprement la composition du nouveau conseil municipal formé de 18 membres. À Haret Hreik, les enjeux ne sont pas les mêmes que dans les autres localités du Liban. Ici, il ne s’agit pas simplement de choisir un nouveau conseil municipal, mais de montrer que la page de la guerre est réellement tournée. Les déplacés de Haret Hreik avaient d’ailleurs vu dans ce scrutin l’occasion d’attirer enfin l’attention générale et particulièrement celle des responsables sur leur situation. Oubliés du budget du ministère des Déplacés, qui concentrait essentiellement ses efforts sur la montagne, ayant à partager leur village avec le très-puissant Hezbollah, ils ont pendant des années été victimes d’une sorte de loi du silence. Seuls quelques prélats maronites, notamment Mgr Khalil Abinader, avaient tenté de les aider … Jugeant sans doute le dossier trop délicat, les responsables de l’ancien régime avaient préféré reporter le scrutin et c’est finalement hier qu’il s’est déroulé, calmement et sans grand enthousiasme, dans une localité surpeuplée, qui n’a pas encore fini d’effacer les stigmates de la guerre : ici, une église désaffectée, là un immeuble béant et partout une sorte de tristesse. Même peu nombreux, les électeurs sont quand même soulagés de n’avoir pas un grand choix à faire. C’est surtout pour les chrétiens que la situation était épineuse. Ayant pour la plupart quitté leurs maisons à la suite du 6 février 1984 et s’étant depuis installés au Kesrouan, ils espèrent quand même revenir dans leur village où leurs maisons sont généralement détruites ou occupées. Les principales familles de Haret Hreik (les Daccache, Abiad, Khoury, Aoun, Ghanimé, Choueifaty, etc.) ont estimé que le déroulement de ce scrutin pouvait être l’occasion d’affirmer leur détermination à retourner chez elles. Certes, elles sont conscientes qu’il n’est plus possible d’exiger que les deux tiers des membres du conseil municipal soient chrétiens, mais elles espéraient avoir la moitié, ainsi que la présidence, car disaient-elles c’est le seul moyen de rassurer les chrétiens. C’est d’ailleurs sur ce point que les négociations menées principalement avec l’ancien député Hezbollah Ali Ammar ont longtemps buté. Pour le Hezbollah, il était en effet impensable de donner la présidence et 9 des 18 membres du conseil municipal aux chrétiens. Certaines parties extrémistes chrétiennes ont alors menacé de boycotter le scrutin, mais les familles chrétiennes de Haret Hreik leur ont rappelé que, dans ce cas, ce serait un conseil municipal chiite qui serait élu et c’en serait fini de la présence chrétienne dans la localité. Pierre Daccache est intervenu pour tenter de calmer le jeu et c’est dans la nuit de samedi à dimanche, à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, que la liste d’entente a vu le jour, avec un engagement ferme des deux parties de ne pas procéder au panachage. Dix chiites pour huit chrétiens et la présidence pour ces derniers. Les chrétiens ont aussi obtenu que leur bureau de vote soit installé sur la route de l’AIB et non à Bir el-Abed, à côté de l’école secondaire transformée en bureau de vote pour les chiites, comme le demandaient ces derniers. Mais cela n’a pas empêché les rencontres entre les résidents et les déplacés. Souvent émues, ces retrouvailles ont sans doute marqué ce dimanche électoral à Haret Hreik. Certains jeunes chrétiens découvraient ainsi pour la première fois le village de leurs parents. «Je ne pensais pas que ce serait ainsi, déclare Fouad. C’est plutôt moderne, mais je ne sais pas si j’ai vraiment envie d’habiter là». Pourtant, en ce jour solennel, les chiites de Haret Hreik avaient visiblement essayé de donner à la localité un aspect accueillant : très peu d’apparences intégristes, peu de banderoles et encore moins de portraits de candidats ; ils ont misé sur ce qui rassemble, non sur ce qui peut rebuter ou effrayer. Haret Hreik voulait donc que ce scrutin soit véritablement le début du retour. Pour les chrétiens et les chiites qui ont réussi malgré tout à s’entendre, en faisant des concessions réciproques, l’avenir s’annonce sous de meilleurs auspices. Reste à savoir si le ministère des Déplacés sera à la hauteur de l’attente des citoyens de Haret Hreik, résidents et déplacés, chiites et maronites, libanais en somme.
La bataille a été évitée de justesse, mais les négociations ont été rudes. Ce n’est qu’à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote que les deux parties en conflit, les résidents et les déplacés (une manière élégante de distinguer les chiites des maronites de Haret Hreik), sont parvenues à un accord. Depuis, les membres de la liste d’entente affichent leur...