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Actualités - ANALYSE

Malaise parmi les magistrats

Les gesticulations véhémentes d’un avocat général, les maladresses dans l’affaire des antiquités, qui ont probablement coûté au pays un investisseur (denrée rare) entier, mettent sur le tapis la question de la réforme judiciaire. C’est ainsi que le Conseil des ministres a décidé de lever l’immunité des magistrats, d’accorder au Conseil supérieur de la magistrature et le pouvoir extraordinaire de renvoyer les indésirables à leurs foyers, une fois passés les délais au cours desquels ils peuvent prendre eux-mêmes l’initiative pour partir sous les applaudissements du public, en ayant droit à de grasses indemnités ainsi qu’à un grand salut de leurs collègues. Sauf que dans cette brèche inespérée peuvent s’engouffrer en masse de bons éléments, compétents et calmes, tout contents de profiter de l’aubaine, de ramasser un viatique consistant avant de rejoindre le secteur privé. Sauf aussi que l’on ne peut ni tout avoir ni tout faire en même temps. Le déclenchement de l’épuration dans les rangs de la justice entraînerait la suspension du nettoyage dans l’administration et la politique. Pour un bon bout de temps, il n’y aurait plus en effet assez d’effectifs pour mener les enquêtes en cours et ouvrir de nouveaux dossiers de corruption. Un député signale en outre aimablement à l’attention des autorités qu’en brandissant la menace d’une chasse aux sorcières dans les couloirs du Palais de justice, elles «plongent les magistrats dans un bain malsain, contre-productif, de rumeurs, d’incertitude et de sueurs froides. Les juges, à quelques exceptions près, ne redoutent certes pas d’être virés comme des malpropres. Mais ils appréhendent des mesures limitant leurs prérogatives, leur liberté de mouvement et leur marge de manœuvre. Ils ont également peur que si leur tête ne revient pas à un inquisiteur, ils ne soient envoyés dans quelque trou de province ou affectés à des tâches qui ne sont pas vraiment de leur ressort, à l’occasion d’un large mouvement judiciaire. Beaucoup d’entre eux, très motivés par leur apport au redressement moral du pays, craignent que les dossiers qu’ils sont en train de traiter, les scandales comme on dit, ne tombent en loques si on les en dessaisit. Ils savent en effet, par expérience, qu’il faut du temps, de la patience et la passion d’un découvreur pour gérer des affaires aussi complexes. Et ils pensent qu’un remplaçant potentiel serait découragé dès le départ, d’autant que pris par la routine des procédures informelles, il n’aurait probablement pas le temps de se documenter à fond, comme ils ont eu eux-mêmes la possibilité de le faire». Le député cité relève ensuite une autre équivoque qui entretient le malaise ambiant. «Les juges,dit-il, qui donnent des coups de balai et ne veulent pas qu’on leur arrache ce noble instrument des mains, voient en tout cas leur plaisir gâché par le fait qu’il y a des limites à leur action. Ils savent en effet qu’il existe des lignes rouges, parfois posées par l’intérêt supérieur de la nation ou de l’État et parfois par les décideurs, qu’ils ne peuvent outrepasser. Il reste un certain nombre, assez consistant, de personnages intouchables. Et c’est d’autant plus frustrant que souvent ces puissants représentent la clé même des affaires en voie de traitement. Il serait très vexant pour un magistrat de voir un collègue sur la sellette, au nom de l’épuration, alors que de grands coupables civils échappent à ses propres inculpations». Comme résultat, le parlementaire juge qu’«on n’aurait pas dû engager une réforme sur le plan politico-administratif avant d’avoir remis en état l’appareil judiciaire et policier. On se retrouve en effet maintenant devant une alternative d’impossibilité : soit on ne peut pas continuer le nettoyage général soit on ne peut pas réformer la justice. Dans les deux cas, le redressement est cahotique sinon chaotique». On s’aperçoit donc, mais c’est un peu tard, que l’on a mis la charrue devant les bœufs. Le fait est que l’éviction ou la mutation d’un magistrat chargé d’un dossier délicat soulèverait des doutes chez les justiciables sinon sur sa compétence du moins sur les intentions des autorités. Le fait est aussi que, dans l’état actuel des choses, il existe en tout cas des doutes, et le projet même de réforme interne en confirme le bien-fondé, quant à la capacité technique de l’appareil judiciaire.
Les gesticulations véhémentes d’un avocat général, les maladresses dans l’affaire des antiquités, qui ont probablement coûté au pays un investisseur (denrée rare) entier, mettent sur le tapis la question de la réforme judiciaire. C’est ainsi que le Conseil des ministres a décidé de lever l’immunité des magistrats, d’accorder au Conseil supérieur de la...