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Actualités - INTERVIEWS

Musique - Entretien avec un compositeur de jazz fusion Toufic Farroukh, un saxophoniste qui monte (photo)

Avec le concert qu’il a donné au CCF, entouré des douze musiciens de «Absolut Orkestra», Toufic Farroukh a signé un retour remarqué. Saxophoniste, compositeur, Toufic Farroukh est connu du public et des professionnels libanais. Il a souvent été à l’affiche de Ziad Rahbani, de Marcel Khalifé et d’autres. Pour lui, ce concert «est plus qu’un événement. C’est la première fois que je suis sur scène en mon nom propre. J’avais un trac fou. Comme pour un premier rendez-vous amoureux» affirme-t-il. Interview avec un jazzman qui n’a que la musique comme langage. Très tôt, Toufic Farroukh est attiré par le saxophone. Il a dix ans quand son frère le pousse à en jouer. «C’est la forme de l’instrument qui m’a d’abord attiré», indique-t-il. «Ses courbes élégantes, ses clés lumineuses. Dans mon imagination de gamin, j’associais cet instrument à un vaisseau spatial», se souvient-il. Au début des années soixante-dix, il a une quinzaine d’années quand il fonde son premier groupe, «Butterfly». «Nous jouions des reprises de rock», dit-il. Sa rencontre avec Issam Hajj Ali, guitariste, en 1977, marque pour Toufic Farroukh une étape importante. «Il m’a ouvert les portes d’une musique dite de qualité. Chansons à texte, blues et jazz. Nous jouions souvent ensemble. Nous avions cette même conception de produire quelque chose de local qui puisse passer les frontières, s’exporter». Leur groupe, «Rainbow Bridge» produit un premier 45 tours, «Free for Changes». «Joe Rihane, de Radio-Liban, sera le seul à nous programmer à l’antenne», se souvient Toufic Farroukh. Avec la guerre qui éclate en 1975, Issam Hajj Ali part pour la France où il enregistre un disque, «Mouwasalât ila jassadil ard» (Connexions à la terre), «premier pont entre l’Occident et l’Orient», affirme M. Farroukh. Puis, de retour à Beyrouth, Issam Hajj Ali fonde avec Toufic Farroukh et Elia Saba (oud), le groupe «Ferkat al ard» (La troupe de la terre). «De 1979 à 1984, nous avons travaillé à trois. Notre musique était un mélange de jazz et d’arabe avec des influences de brésilien». Résultat de cette collaboration, trois disques de chansons, avec des textes signés Issam Hajj Ali. «L’idée était de faire autre chose que des chansons politiques ou militantes. Les textes d’Issam parlaient du quotidien, de la guerre, de l’amour…» Collaboration avec Ziad Rahbani Parallèlement à ce travail en trio, Toufic Farroukh collabore avec Ziad Rahbani. «En 1978, il avait besoin d’un saxo et j’ai travaillé avec lui». Rencontre décisive à plus d’un titre. «Ziad est un artiste confirmé, très professionnel, venant d’une grande famille de musiciens. Avec lui j’ai abordé le jazz pour la première fois». Toufic Farroukh tâte également de la scène : il est sur les planches dans Film ameriki tawil (Long métrage américain) et «Chi fachel» (Quelque chose de raté). Il est musicien dans Bi khsous al karamé wach cha’b el karim (À propos de l’honneur et du peuple). En 1981, il accompagne Feyrouz et ses musiciens en tournée internationale. «Premier véritable contact live avec un public important en nombre. J’ai chopé le virus de la scène. J’ai su à ce moment que c’était de cela que je voulais vivre». Il lui faudra attendre jusqu’en 1984 l’occasion d’obtenir une bourse d’étude et d’aller apprendre «sérieusement» le saxo. «J’étais dans la branche musique contemporaine au Conservatoire de Paris puis à l’École normale supérieure», indique-t-il. En tout, six années de formation. Pour apprendre le jazz, qu’on ne peut assimiler qu’avec la pratique, Toufic Farroukh se retrouve, à l’instar de bien d’autres musiciens, en train de jouer dans des boîtes de jazz. Gardant toujours le contact avec les Rahbani, il participe en 1987 à l’enregistrement du disque Ila Assi (À Assi), à Athènes. «C’est l’époque du jazz fusion en Europe», indique Toufic Farroukh. «Quand on s’éloigne de son milieu culturel on cherche à mieux le comprendre. À profiter de ce recul pour en percevoir toutes les richesses», constate-t-il. Alors, après Athènes, Toufic Farroukh se décide «à mettre sur papier toutes ces mélodies, nos mélodies», dit-il. Des airs qui lui trottent dans la tête. Il rencontre Safy Boutella, compositeur algérien qui a travaillé notamment avec Chab Khaled. «J’ai collaboré avec lui sur mes compositions», indique-t-il. Deux disques en kiosques, deux autres en instance de parution Début des années quatre-vingt-dix, Toufic Farroukh fait de fréquents voyages à Beyrouth où il joue avec Ziad Rahbani et Marcel Khalifé, le plus souvent au Blue Note (Makhoul). «C’était le seul espace où on pouvait rencontrer des gens, où le courant passait entre musiciens et public». Le premier CD de Farroukh, Ali on Broadway, sorti en 1994 obtient un très bon accueil en France. «Son enregistrement a été effectué en partie à Beyrouth et en partie à Paris, parce que je n’avais trouvé de joueurs de nay et de oud qu’au Liban». Le deuxième CD, Little Secrets (Petits secrets), sorti cette année (distribution Ovidis-Naïve) a été enregistré entièrement à Paris. Il a été sélectionné à «Jazz à Fip», à la Fnac et dans la rubrique «Musiques du monde» du magazine Géo. À partir de ce deuxième disque, Toufic Farroukh se produit en concert au Cabaret sauvage et au, Café de la danse, deux hauts lieux parisiens du jazz. Avec Absolut Orkestra, il a enfin réussi à réunir autour de lui un groupe de musiciens. «J’aime l’idée de cet orchestre absolu. J’ai mis tellement de temps à le constituer», dit-il. Et le courant passe entre ces douze professionnels. Les compositions de Toufic Farroukh sont un mélange entre «les racines beyrouthines et les cultures qui se côtoient à Paris», affirme-t-il. «Ce sont des mélodies, des rythmes qui me poussent à écrire». Dance with my Father est une très belle lettre musicale dédiée au père. «L’univers du mot est restrictif, peu convaicant», estime Toufic Farroukh. «La musique est un langage avec lequel on peut dire tout ce qu’on veut sans vulgarité, sans malentendu. Chacun l’interprète comme il veut». Ce qui intéresse Toufic Farroukh dans la musique, «c’est que l’interprète ne peut trahir une partition. Au contraire, il lui donne vie. Cela est d’autant plus vrai pour le jazz et la musique arabe. Sauf que le jazz a pour sa part énormément évolué». La chanson n’est pour le moment pas inscrite à l’ordre des priorités de Farroukh. «D’abord parce que je me méfie du mot. Mais je n’ai surtout pas encore rencontré la voix et la plume qui me donneraient envie de les intégrer à mon travail». Il vient de terminer l’enregistrement d’un nouveau CD, hommage à Joseph Sakr, l’ami trop tôt disparu; il prépare un disque avec «Absolut Orkestra»; et un concert cet été à Beyrouth. Toufic Farroukh dit éprouver «un sentiment de soulagement. Le train de la musique est en marche. Mais la route est encore longue».
Avec le concert qu’il a donné au CCF, entouré des douze musiciens de «Absolut Orkestra», Toufic Farroukh a signé un retour remarqué. Saxophoniste, compositeur, Toufic Farroukh est connu du public et des professionnels libanais. Il a souvent été à l’affiche de Ziad Rahbani, de Marcel Khalifé et d’autres. Pour lui, ce concert «est plus qu’un événement. C’est la première fois...