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Actualités - ANALYSE

Liban-Surendettement, malaise social, déséquilibres politiques Un lourd héritage pour le nouveau régime (photos)

C’est un héritage particulièrement lourd que le Cabinet Hariri a légué au nouveau régime mis en place dans le pays en novembre dernier. Du politique à l’économique, en passant par le social, et malgré d’indéniables réalisations, la gestion des affaires publiques en 1998 et, d’une manière générale, durant les six années de l’ère Hariri a été à la base de nombre de problèmes nationaux auxquels le président Émile Lahoud et le gouvernement de M. Sélim Hoss devront faire face pour mener à bien l’entreprise de redressement qu’ils se proposent d’enclencher. Au niveau économique, quelques chiffres qui ont été au centre du débat interne ces derniers temps permettent d’illustrer le marasme dans lequel se débat le pays. Le taux de croissance frôle à peine la barre des 2 pour cent. Un seuil quelque peu modeste, compte tenu du fait que lors du lancement de l’ambitieux programme de reconstruction, en 1993, les milieux de M. Rafic Hariri pariaient sur un taux de croissance de 7 ou 8 pour cent et sur un équilibre budgétaire à atteindre en 1996 ou 1997 pour résorber le coût du plan de développement. Faisant preuve, sans doute, d’un excès d’optimisme concernant l’aboutissement du processus de paix au Proche-Orient, le Cabinet Hariri s’est fixé pour objectif prioritaire, dès 1993, de doter le pays d’une infrastructure modernisée, placée au diapason du vingt et unième siècle et censée servir de catalyseur aux investissements étrangers, une fois la paix régionale instaurée. Tout l’effort de reconstruction des cabinets Hariri successifs a donc été axé sur les réseaux d’électricité et de téléphone, les grands axes routiers, l’aéroport, sans compter le vaste et ambitieux projet (contesté) du centre-ville de Beyrouth. Ce n’est que vers la fin du mandat du président Hraoui que M. Hariri a fini par reconnaître publiquement que les secteurs productifs, notamment l’agriculture, avaient été un peu trop négligés. Négligence d’autant plus déplorable que, parallèlement, les investissements privés ont été inhibés par des taux d’intérêt élevés et la canalisation des avoirs des banques vers les Bons du Trésor. Pour compléter le tableau, la crise financière internationale et la chute brutale du prix du pétrole ont contribué à accentuer encore davantage le marasme économique sur la scène locale. Un marasme dont l’une des manifestations la plus frappante aura été la baisse du prix de l’action Solidere, à la fin de l’année, au-dessous de la barre des 10 dollars (sa valeur de lancement). De l’ensemble de ces déséquilibres et dysfonctionnements — combinés à un manque de clairvoyance — sont nés un grave déficit budgétaire et un accroissement exponentiel de la dette publique, notamment interne. Certes, le gouvernement sortant a réussi en 1998 à juguler le déficit budgétaire (déclaré) et à le maintenir autour du chiffre fixé dans la loi de Finance (42 pour cent). Mais ce chiffre ne tient pas compte des engagements de l’État à l’égard des hôpitaux, des entrepreneurs et de la Sécurité sociale. Quant à la dette publique, elle a poursuivi en 1998 son mouvement ascensionnel vertigineux, atteignant la barre des 17 milliards de dollars peu avant la fin de l’année, soit plus de 110 pour cent du PIB. Parallèlement au déficit budgétaire, le problème de la dette constitue l’un des plus graves héritages que devra assumer le nouveau régime. La dette externe s’est accrue de plus de 75 pour cent au cours des dix premiers mois de l’année écoulée, passant de 2 359 millions de dollars en décembre 1997 à près de 4 100 millions de dollars à la fin du mois d’octobre 1998. Depuis 1993, date de l’accession de M. Hariri à la présidence du Conseil, la dette publique s’est accrue de plus de 450 pour cent. Le problème posé par cet endettement excessif est d’autant plus grave que plus des trois quarts du montant de la dette ont été utilisés, non pas pour exécuter des projets de développement, mais pour couvrir le déficit budgétaire ou financer le Conseil du Sud et la Caisse des déplacés. Sans compter les détournements de fonds, estimés par certaines sources loyalistes dignes de foi à non moins de 3 milliards de dollars… Face à ce marasme économique et à la crise financière, le malaise social ne pouvait que s’accroître. Un malaise dont les principales manifestations auront été la diminution du pouvoir d’achat du Libanais moyen et la baisse sensible de la consommation interne. Et comme pour assombrir encore davantage le tableau sur le front social, le Cabinet Hariri s’est employé au fil des ans à paralyser et démembrer le mouvement syndical en créant systématiquement des fédérations fantoches acquises au pouvoir en place. La subite et inattendue réunification de la Centrale syndicale sous la houlette de M. Élias Abou Rizk, à la fin du mois de juillet dernier, a constitué, dans ce contexte, le signe avant-coureur des changements qui se profilaient déjà à l’horizon et qui se sont concrétisés par l’élection du général Lahoud à la Magistrature suprême. Au plan politique, deux grands dossiers demeurent encore en suspens et restent dans l’attente de solutions sérieuses : la réconciliation interne qui devrait s’accompagner d’une solution durable au problème libanais et l’établissement de relations de confiance entre Libanais et Syriens, au niveau de la base. Les événements qui se sont succédé tout au long du mandat Hraoui ont apporté la preuve qu’aucun de ces deux dossiers n’a été traité sur des bases solides. Au cours des dernières années, les rapports avec Damas ont été entachés de pratiques diverses qui ne favorisent nullement l’émergence d’un climat serein et constructif entre les forces vives des deux pays. Quant à l’entente nationale elle est demeurée un slogan creux, vide de sens. Et pour cause : les composantes chiite, sunnite et druze du pays bénéficient d’un leadership jouissant d’une légitimité populaire difficilement contestable, alors que la composante chrétienne est privée depuis neuf ans de leaders réellement représentatifs. À l’ombre d’une telle donne, aucun dialogue national en profondeur n’est possible, et donc aucune solution sérieuse ne peut être trouvée aux problèmes du Liban. L’ensemble de ces failles économiques, sociales et politiques léguées par le gouvernement sortant constituent pour le nouveau régime un fardeau bien lourd à assumer. La mission de redressement sera rendue encore plus complexe par la situation explosive au Sud et par les aléas d’une conjoncture régionale particulièrement mouvante et imprévisible. Le projet israélien de retrait conditionné de la «zone de sécurité», lancé en 1998, est perçu par les milieux officiels libanais comme un piège qui risque fort bien de se refermer sur le nouveau régime dans le sillage des élections anticipées prévues en Israël. À moins que les dirigeants de l’État hébreu finissent par s’engager réellement sur la voie de la paix avec le Liban et la Syrie. Auquel cas, le fardeau économique et financier deviendrait à l’évidence plus facile à supporter. Parallèlement aux mesures drastiques que le gouvernement de M. Hoss sera appelé à prendre pour gérer le lourd déficit budgétaire et résorber la dette publique accumulée au cours des six dernières années, le pouvoir se doit de s’attaquer au grave problème du déséquilibre politique interne. Afin d’enclencher, enfin, un véritable dialogue national pour aboutir à la réconciliation tant attendue — fondement de tout règlement durable de la crise libanaise — il est devenu impératif de paver la voie à l’émergence d’un leadership chrétien réellement représentatif et bénéficiant d’une légitimité populaire bien établie. La réalisation d’un tel objectif passe par l’élaboration d’une nouvelle loi électorale. Une loi électorale qui devrait avoir pour fonction de refléter équitablement le pluralisme communautaire et socio-culturel de la société libanaise, source de richesse et d’épanouissement pour les composantes du pays et facteur d’équilibre pour un Liban fondé sur la diversité. C’est par là que passe le salut national.
C’est un héritage particulièrement lourd que le Cabinet Hariri a légué au nouveau régime mis en place dans le pays en novembre dernier. Du politique à l’économique, en passant par le social, et malgré d’indéniables réalisations, la gestion des affaires publiques en 1998 et, d’une manière générale, durant les six années de l’ère Hariri a été à la base de nombre de...