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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Colloque - Une confrontation originale Dix écrivains et dix sociologues pour des représentations de la Méditerranée

Dix sociologues et dix écrivains méditerranéens et/ou européens planchent à Beyrouth du 3 au 5 décembre sur des «représentations de la Méditerranée». Ce programme d’étude, conduit par la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme basée à Aix-en-Provence, est organisé au Théâtre de Beyrouth avec le concours de la faculté des sciences humaines de l’Université libanaise. Directeur du programme, le spécialiste Thierry Fabre explique que l’idée de départ, «c’est de sortir des généralités sur la Méditerranée, des lieux communs qui au fond ne signifient pas grand-chose. Et d’aller voir de l’intérieur ce que Méditerranée veut dire dans les différents pays du pourtour. Voir à partir de l’histoire culturelle de chacun comment ce rapport à la Méditerranée a été porté ou rejeté. Sachant que cette idée a une histoire. Il fallait donc que nous la comprenions pour sortir d’une vision toute faite, ethnocentriste, trop européenne». D’où l’idée d’associer dix pays dans le cadre d’un partenariat euro-européen, «des pays du Maghreb, du Machreq et de la rive occidentale. Mais également un pays européen qui n’a pas de frontière méditerranéenne, comme l’Allemagne, mais qui a des liens avec les peuples du pourtour». Le choix de Beyrouth «est significatif» estime Thierry Fabre, car «c’est un des lieux où la question de la Méditerranée s’est posée dans le monde arabe et de manière assez conflictuelle». La première réunion dans le cadre de ce programme s’est déroulée à Casablanca en février dernier. Elle réunissait uniquement des chercheurs. «Il nous fallait d’abord définir en amont un protocole de recherche, trouver des bases d’approche communes», explique Thierry Fabre. Identification des textes les plus importants, les plus significatifs, «ceux qui ont traité de la Méditerranée, cette étude n’étant pas exhaustive». Un exemple, «Ahmad Beydoun a trouvé un texte datant du 18e siècle où l’idée de la Méditerranée prend déjà forme dans l’histoire du Liban». Comparaison Le travail des sociologues a eu un double but : faire un corpus des textes ; et écrire, à partir de ces textes de référence, une synthèse qui retrace la problématique du rapport à la Méditerranée, cette sorte de généalogie par pays devant servir à constituer une mosaïque. «Nous allons “frotter” nos regards. Rassembler les pièces de cette mosaïque et voir si elles s’adjoignent ou pas». La recherche a été limitée aux textes. Mais tout l’intérêt de la rencontre de Beyrouth, c’est que, pour la première fois, écrivains et chercheurs vont confronter leurs points de vue. «Associer des écrivains, c’est avoir un double regard : celui, rationnel, objectif, du chercheur et celui, subjectif, imaginatif, de l’écrivain», explique M. Fabre. «Il était important de ne pas avoir uniquement une vision scientifique, parce que la Méditerranée, c’est aussi un imaginaire». D’ailleurs, les écrivains doivent remettre également leur copie, La Méditerranée, vue de chez eux. S’attend-on à de grandes surprises ? «Il y a des traits communs, on le sait. Mais on ne peut présumer de rien. L’idée de la Méditerranée s’est tellement métamorphosée dans l’histoire de chaque pays…» Pourquoi le titre les représentations ? «Parce que nous ne voyons pas le monde de la même manière, souligne Thierry Fabre. Nous voyons un territoire en fonction de notre imaginaire et des représentations que notre histoire culturelle nous a mis en tête». Il constate que «longtemps, l’idée de la Méditerranée a été européenne. Cela n’a plus de sens aujourd’hui». Pour Thierry Fabre, il faut que chaque pays s’emploie à «mettre en question sa vérité, sinon, on est dans la tentation du repli sur soi, de l’eurocentrisme, du nationalisme, de la purification ethnique. Il est important de se donner les moyens d’avoir une appartenance dans laquelle on se reconnaît. Et qu’on accepte de mettre cette appartenance en question à travers le regard des autres. On voit ainsi le monde avec plus de discernement». Lucidité Cette démarche permet également de dépasser une certaine peur de l’autre, d’éviter «les guerres de culture et de civilisation. On a trop tendance à avoir l’islam d’un côté et l’Occident de l’autre, sans espace intermédiaire. La Méditerranée est un terrain de médiation où les identités et les appartenances se négocient sans cesse». La question étant de savoir «comment tisser des relations de confiance. Pour avoir ce genre de relations, il faut être dans une logique de compréhension de l’autre et non pas de conversion». Selon M. Fabre, le partenariat euro-méditerranéen ne peut être bâti que sur ces relations-là. Un partenariat qui pourrait être une réponse au phénomène de mondialisation ? «D’abord précisons que ce phénomène dans lequel une puissance impose son mode de vie, ses images… répond en fait à un désir. Il y a une demande qui est indéniable. La responsabilité n’est pas uniquement le fait de la puissance qui impose». Il reconnaît cependant que «l’ensemble méditerranéen est un vrai pôle de résistance. On ne gomme pas trente ou quarante siècles d’histoire comme cela, par quelques images de multimédias. À l’“American way of life”, j’opposerais volontiers un style de vie méditerranéen, je m’y reconnais mieux». Mais attention à la tentation de se replier dans le passé, «on ne peut s’opposer à un phénomène de cet ordre que par la création. Il faut nous employer à réinventer la Méditerranée».
Dix sociologues et dix écrivains méditerranéens et/ou européens planchent à Beyrouth du 3 au 5 décembre sur des «représentations de la Méditerranée». Ce programme d’étude, conduit par la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme basée à Aix-en-Provence, est organisé au Théâtre de Beyrouth avec le concours de la faculté des sciences humaines de l’Université...