Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Regard Michel Fani : dictionnaire de la peinture au Liban Remise sur le métier

Après ses deux excellents ouvrages: «L’Atelier de Ghazir» et «L’Atelier de Beyrouth» sur les travaux photographiques des jésuites au Liban au XIXe et au début du XXe siècle (recensés dans cette rubrique lors de leur parution), Michel Fani se tourne vers un autre avatar de l’image visuelle dans le contexte socio-culturel libanais avec son nouveau «Dictionnaire de la Peinture au Liban» (Editions de l’Escalier), entreprise nécessaire et louable s’il en fut et qui vient combler un vide en fournissant un instrument de référence et de consultation. Hélas, cette fonction présumée est battue en brèche par l’ouvrage lui-même, dès son titre: Un «dictionnaire de la Peinture au Liban» est censé comporter un ensemble de notices rangées par ordre alphabétique sur les principaux noms de la peinture au Liban. Or, la liste de Fani comporte de grèves lacunes. D’une part, il n’hésite pas à accorder une entrée à d’illustres inconnus, des peintres dont lui-même ne sait pas grand-chose sinon qu’ils ont été signalés dans l’une de ses sources. De l’autre, il passe sous silence, avec un arbitraire époustouflant et sans prétexte, alibi, excuse, justification ou explication, des noms essentiels sans lesquels aucun dictionnaire de peinture au Liban ne saurait être digne de ce nom. Un dictionnaire doit couvrir, sinon la totalité du terrain, ce qui entraînerait dans le cas présent l’énumération de quelque 1500 noms, du moins une partie suffisamment représentative, sans omissions flagrantes. Comment peut-on publier un «Dictionnaire de la Peinture au Liban» sans citer, ne serait-ce qu’en deux lignes, au moins autant que pour Marie Scheider, «Polonaise réfugiée au Liban pendant la Seconde guerre mondiale», une personnalité qui a joué un rôle aussi considérable qu’Helen el-Khal qui fut la condisciple de Chafic Abboud (notice de 10 pages), de Farid Aoud (8 pages), de Nicolas Nammar (4 lignes), entre autres, au sein de la première promotion de l’ALBA; qui fonda et dirigea, avec son mari le poète Youssef el-Khal, la «Gallery One», la première galerie libanaise à professer une véritable politique artistique et à offrir son hospitalité, notamment, aux artistes arabes; qui pratiqua une peinture figurative puis abstraite de grande qualité; qui fut longtemps (et jusqu’à présent dans le «Daily Star») critique d’art, spécialement intéressée par la production des femmes peintres, sculpteurs et céramistes libanaises et arabes? Quid? Et quid, pêle-mêle, de Nadia Saïkali, Etel Adnan, Nada Raad, Rima Amiuni, Greta Naufal, Fatima el-Hajj, Lotti Adaïmi, Afaf Zreik, Naziha Knio, Suleima Zod, Simone Debbas, Françoise Müller, Nada Akl, Térèse Kabsa, Olga Limanski, Cici Sursock, Yolande Labaki, Mona Sehnaoui, Odile Mazloum, Laure Ghrayeb, Houri Chekerjian, Rita Aoun, j’en passe certainement? Que dire de l’espace alloué? Seta Manoukian a droit à quatre pages, alors que Salwa Raouda Shoucair est réduite à une page et demie! On notera l’absence des femmes purement sculpteurs. Le dictionnaire de Fani ne couvre pas la sculpture, soit. Mais peut-on vraiment évoquer d’une manière adéquate la peinture au Liban sans même mentionner Michel Basbous qui ne fut pas seulement l’initiateur du phénomène «Rachana» mais également peintre et dessinateur? Que signifie le fait d’inclure Fadia Haddad en excluant beaucoup de ses prédécesseurs et contemporains? Pourquoi l’absence de Paul Wakim, Maroun Hakim, Georgé Chanine, Fayçal Sultan, Willy Aracingi, Krikor Agopian, Georges Doche, Farid Trad, Naïm Doumet, Jean-Marc Nahas, Maroun Tomb, Samir Tabet, Fouad Jawhar, Farid Mansour, Hannibal Srougi, Mahmoud Zibawi, Gebrane Tarazi, Nadim Karam, Youssef Aoun, Robert Hélou, Paul Wardé, Mahmoud Amhaz, Emmanuel Guiragossian, et d’autres que j’oublie? Mais l’on apprend que Maurice Salamé «a exposé ses toiles en novembre 1960 au siège de l’Association des Peintres et Sculpteurs Libanais» (qui n’a pas droit à une entrée indépendante). Des artistes secondaires comme Imad abou Ajram ou Abdel Hamid Baalbaki, bénéficient, pour des raisons socio-culturelles extra-picturales, de plus de deux pages, autant que Gebrane Khalil Gebrane! Hussein Madi est confiné dans une demi-page, alors que Fadi Barrage s’étale sur 8 pages, Mounir Najm sur 5, Amine Elbacha sur trois seulement. Chawki Chamoun est expédié en une ligne et demie, moins que Toufic Baba «calligraphe et peintre d’enseignes». Michel Fani ne prend même pas la peine de faire précéder ses notices d’un avertissement au lecteur, d’une préface, d’un mode d’emploi, d’un exposé des motifs, d’un aperçu méthodologique, d’une indication des limites chronologiques de son travail. Ainsi, à en croire certaines entrées, beaucoup de peintres importants, qui n’ont pas cessé d’exposer régulièrement, se seraient manifestés pour la dernière fois vers le milieu des années 70. Les 5 pages de Jean Khalifé n’évoquent même pas la rétrospective, la première du genre, qui lui a été consacrée par le Musée Sursock, lequel n’a pas droit à une notice indépendante malgré le rôle essentiel qu’il a joué à travers le Salon d’Automne. De même, pas question du Salon du printemps du Ministère de l’Education Nationale et des Beaux-Arts. L’ALBA est bien là, en quelques lignes insuffisantes, mais où est l’INBA? Pourtant les deux auraient prêté à de passionnants parallèles socio-culturels comme les affectionne Michel Fani. Analyses pénétrantes C’est clair: aucune méthode n’a présidé au choix des noms ni à celui des données factuelles. Souvent, aucune date ne permet de situer un peintre: à quelle génération appartient, par exemple, Imad Issa? Mystère. L’information a besoin d’une sérieuse mise à jour. Les détails minutieux et futiles dans certains articles ne compensent pas l’absence totale de données dans d’autres. La liste des griefs serait encore longue. Il n’en reste pas moins que les notices étoffées sur Chafic Abboud, Farid Aouad, Yvette Achkar, Imad Abou Ajram, Samir Abi-Rached, Saïd Akl, Assadour, Abdel Hamid Baalbaki, Fadi Barrage, Carswell, Rafic Charaf, Daoud Corm, Georges Corm, Georges Cyr, Saliba Douaihi, Mounir Eide, Amine Elbacha, Moustafa Farroukh, César Gémayel, Gebrane, Paul Guiragossian, Halim Jurdak, Elie Kenaan, Jean Khalifé, Seta Manoukian, Brahim Marzouk, Mounir Najm, Omar Onsi, Mohammed Rawas, Adel Saghir, Habib Srour, Jean Terdjean, Khalil Zgheib proposent des analyses fines et pénétrantes et des idées fortes, basées sur une connaissance précise de l’œuvre et une réflexion en profondeur sur l’expérience singulière de chaque peintre, replacé dans son contexte social, communautaire et culturel, dans ses rapports complexes plus ou moins sereins ou conflictuels avec lui-même et les autres, son enracinement et/ou son exil. Malgré des textes prolixes et répétitifs, comme celui sur Abboud qui aurait gagné à être raccourci, Fani trouve des formules percutantes, des bonheurs d’expression pour caractériser brillamment, parfois d’une manière neuve et originale, le sens d’une trajectoire de vie et d’œuvre, le thème obsessionnel qui informe la démarche de chaque artiste, tiraillé entre les postulations contradictoires d’appartenances diverses et cherchant à les surmonter ou à les concilier par la pratique de la peinture. Fani montre excellemment le jeu des contraintes objectives et les moyens subjectifs, chaque fois différents, pour s’en accommoder ou, au contraire, s’en affranchir, les affronter ou les fuir, sans toujours y parvenir. On peut contester certaines de ses vues, mais elles constituent, désormais, des passages incontournables pour toute étude ultérieure. Dans ces conditions, il aurait mieux valu renoncer à la formule du dictionnaire et publier les textes développés sous forme de Recueil. Cela aurait évité à Fani le reproche d’avoir fait paraître prématurément, sans véritable nécessité, comme s’il y avait danger en la demeure, un «Dictionnaire» qui n’en est pas un. Frappé de péremption dès sa parution, il réclame une urgente remise sur le métier pour compléments d’information et d’analyses.
Après ses deux excellents ouvrages: «L’Atelier de Ghazir» et «L’Atelier de Beyrouth» sur les travaux photographiques des jésuites au Liban au XIXe et au début du XXe siècle (recensés dans cette rubrique lors de leur parution), Michel Fani se tourne vers un autre avatar de l’image visuelle dans le contexte socio-culturel libanais avec son nouveau «Dictionnaire de la Peinture au...