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Actualités - REPORTAGE

Administration - Un plan décennal de réforme mis au point Des fonctionnaires non plus despotiques, mais au service du public

Un des principaux défis que le président élu, le général Émile Lahoud, aura à relever consistera, sans doute, à mener à bien le projet de réforme administrative. C’est, d’ailleurs, sous le signe de la réforme, politique et administrative, dit-on, que le mandat du général Lahoud est placé. C’est aussi dans ce cadre que certains situent la précipitation du gouvernement à faire approuver le projet de loi sur l’enrichissement illicite. Mais le général Lahoud réussira-t-il là où d’autres ont échoué ? Nombreux sont ceux qui parient sur sa réussite : d’abord parce qu’il accède au Pouvoir (toujours d’après ce que l’on dit) avec des idées plein la tête pour la réforme. Étudiées et mûries. Ensuite, parce qu’un consensus national s’est formé autour de la nécessité de donner un grand coup de balai au sein d’une administration rongée par la corruption, handicapée par la vétusté de ses moyens et la complexité des formalités. Et, surtout, parce qu’il ne sera pas possible d’édifier ce qu’il est convenu d’appeler «l’État des institutions» en l’absence d’une Administration apte à servir de support à ce même État. Depuis sa création en 1995, le Bureau du ministre d’État pour la réforme administrative (Omsar, Office of ministry of state for administrative reform) s’est attelé à doter les différents départements étatiques des moyens nécessaires pour améliorer leur rendement et assurer un meilleur service public. Les deux ministres qui ont pris en charge successivement ce portefeuille, MM. Anouar el-Khalil et Béchara Merhej, ont concentré leurs efforts sur le côté technique du projet de réforme. Il ne pouvait en être autrement. Car, pour le reste, il fallait une décision politique, nous déclare M. Merhej. Une décision que le gouvernement s’est bien gardé de prendre. Pour diverses raisons. La principale est due aux ingérences politiques dans les affaires de l’Administration. Toute tentative de «réforme directe» se serait «heurtée à la réalité libanaise confessionnelle et au problème du partage des parts», souligne M. Merhej. Le gouvernement Hariri en sait d’ailleurs quelque chose. Le président du Conseil avait tenté quelques mois après sa nomination à la tête du gouvernement, en 1992, de mettre en œuvre un ambitieux projet de refonte administrative, en commençant par limoger les fonctionnaires présumés incompétents ou en surnombre. Le résultat a été un cuisant échec. La majorité des fonctionnaires avaient pu regagner leurs postes. Depuis, on table sur le développement technique de l’Administration. Celui-ci constitue, autant que le facteur humain, l’élément-clé de tout projet de réforme. L’État a déjà franchi un grand pas sur la voie de la modernisation et de l’informatisation de ses services. Et si, dans de nombreux départements, comme la Sûreté générale ou les douanes, «on commence à palper les bienfaits de cette informatisation, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs fixés», relève M. Merhej. Attendrons-nous longtemps encore ? «Une décision politique est impérative. Il faut aussi qu’il y ait une orientation gouvernementale claire et décisive pour parrainer le projet de réforme et y prendre part», insiste M. Merhej. Aggravation des problèmes Tôt ou tard, l’État devra se décider à prendre les taureaux par les cornes, estime-t-il. Il est même contraint de le faire, s’il veut assainir ses finances, réduire son déficit budgétaire en même temps que le poids de la dette publique. M. Merhej y croit ferme. «Sans une refonte de l’administration, nos problèmes s’aggraveront. C’est certain», ajoute-t-il en notant qu’une Administration saine et moderne est capable d’attirer les investissements et de contribuer au redressement économique. Comme le relève M. Merhej, la refonte des services étatiques n’est pas l’apanage de son département, mais reste une responsabilité partagée entre divers secteurs de l’État. «Le choix des fonctionnaires est opéré par le Conseil de la fonction publique sur la base de critères bien précis. L’Inspection centrale est l’organe compétent pour lutter contre la corruption. La Cour des comptes contrôle les dépenses et combat donc le gaspillage. Le ministère d’État pour la réforme s’occupe du développement technique». On l’aura compris : pour qu’un projet de réforme soit couronné de succès, il faut donner à chacun de ces services toute la latitude d’accomplir sa tâche. Sans entraves. Au fil des années, et en coordination avec l’Onu particulièrement, le ministère de la Réforme a institué une sorte de plate-forme pour la refonte de l’Administration. Il a édifié la structure devant servir de base pour une réforme radicale. Ses objectifs sont les suivants : recourir de moins en moins aux ressources humaines dans une Administration plus modeste, assurer des prestations efficaces dans les services publics et imposer une politique de transparence à tous les départements de l’État. Fort d’une équipe de jeunes cadres dynamiques et surtout compétents, Omsar est sur le point d’achever une stratégie décennale pour le développement de l’administration. La teneur en est toujours tenue secrète. Elle doit être rendue publique prochainement. M. Merhej se défend d’être ministre, dans l’acception courante du terme. Son département, il le présente comme «un bureau de coordination entre les différents services étatiques, chapeauté par un ministre». Son action est inspirée des différentes études établies pour la réforme administrative, et plus particulièrement du plan élaboré par son prédécesseur, M. Anouar el-Khalil. Dans un premier temps, le département de M. Merhej s’est attaqué à la restructuration des ministères, partant du principe qu’il fallait «simplifier et clarifier» les rapports au sein d’un même département en vue d’optimaliser son rendement. «Nous voulons faire en sorte que l’administration devienne flexible. De despotique, il faut qu’elle devienne serviable. Nous essayons, il est vrai, de changer l’organisation, mais nous tentons aussi d’introduire une nouvelle culture au sein d’une administration fortement marquée par la mentalité ottomane», déclare-t-il. Un guide électronique Le département de M. Merhej a achevé la restructuration de la majorité des ministères et la définition des tâches dans chacun d’eux, le dernier en date étant le ministère du Travail. «Il faut simplement que la procédure légale suive son cours pour que cette restructuration soit appliquée», indique M. Merhej. C’est à partir de ce moment-là que la relation entre les citoyens et les fonctionnaires sera simplifiée. Avec la nouvelle formule élaborée par l’équipe de M. Merhej, le Libanais perdra moins de temps et usera moins ses nerfs pour accomplir une formalité. Dans le hall d’entrée de chaque administration, une sorte de guide électronique accueillera le contribuable, lui indiquera le chemin à suivre à travers les différents étages et bureaux, lui nommera le responsable à consulter pour chaque formalité, les documents à présenter, le coût de chaque formalité et le temps nécessaire pour qu’elle soit accomplie. «C’est là une arme redoutable et en même temps efficace contre la corruption», affirme M. Merhej. Le premier guide du genre a été installé à l’Université libanaise. Les visiteurs de l’UL ne cachent pas leur satisfaction. Ainsi la possibilité d’avoir une administration moderne et efficace n’est plus une illusion.
Un des principaux défis que le président élu, le général Émile Lahoud, aura à relever consistera, sans doute, à mener à bien le projet de réforme administrative. C’est, d’ailleurs, sous le signe de la réforme, politique et administrative, dit-on, que le mandat du général Lahoud est placé. C’est aussi dans ce cadre que certains situent la précipitation du gouvernement à faire...