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Actualités - ANALYSE

Enrichissement illicite - Hariri souhaite qu'on aille vite en besogne Un vieux code jamais appliqué

Au principe dirimant ‘‘nul n’est censé ignorer la loi’’ répond, de manière légèrement moins absurde, la fière devise flibustière ‘‘La loi est faite pour être tournée’’. Ici on n’a même pas cette peine à se donner. Car l’application fait trop souvent défaut… On aura ainsi admiré l’empressement des autorités à engager des poursuites pour tels rapports refilés à l’étranger par un officiel. Ou encore, mais qui s’en souvient, la promptitude avec laquelle l’affaire des vieilles accusations de Wakim a été réglée par Thémis. Mais on dit que le règne de la loi va désormais s’établir. Et on en produit, pour preuve, de nouvelles! Le Conseil des ministres doit ainsi plancher sur le code Tabbarah dit de l’enrichissement illicite, retouché par une commission ministérielle. Et qui n’en suscite pas moins des réserves autant que des appréhensions. De la part de beaucoup de monde : des éventuels justiciables, bien entendu ; mais aussi de ceux qui se soucient, justement, de son taux d’efficience et de sa ‘‘faisabilité’’ pour parler branché. Sans compter les craintes exprimées par les défenseurs de la sacro-sainte loi sur le secret bancaire… Ponctuellement, le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, souhaite que l’on aille vite en besogne, que l’on approuve le texte avant la mise en place du prochain Cabinet pour que, d’entrée de jeu, les règles soient claires. Or, au stade actuel, elles sont loin de l’être. Car il y a vive controverse sur les mécanismes concrets de procédure. La commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, que préside M. Chaker Abousleiman, attend donc patiemment son tour d’examiner le texte. M. Abousleiman, qui n’est pas un représentant du gouvernement, précise que le Parlement est confronté à trois formules distinctes concernant la répression de la corruption et, à son avis, il faudrait s’efforcer de concilier ces différents projets, d’en effectuer la synthèse. Il rappelle que la commission est saisie d’amendements substantiels au code déjà existant, qui remonte à 1954, tout comme de la proposition de loi avancée par le député Boutros Harb et enfin du projet gouvernemental Tabbarah. Le sujet étant le même, il existe des analogies certaines entre les textes, mais aussi de notables différences. Et tous les trois, indiquent les parlementaires concernés, recèlent des failles, des lacunes, des imperfections évidentes qu’il faut tenter de combler ou de gommer, suivant les cas. Une première difficulté, on l’a déjà abondamment signalé, réside dans le fait qu’il y a souvent double emploi avec d’autres dispositions légales, comme certaines concernant le flagrant délit. Un autre obstacle, de taille, est de voir comment on peut se contenter d’une procédure dans le civil en évitant le pénal pour les immunisés (ministres et députés) pris la main dans le sac, comme le propose M. Tabbarah. Pour ce qui est du secret bancaire, il n’y a pas de problème, affirme M. Abousleiman : il sera levé le cas échéant suivant une procédure hermétique préservant sa nature économique de protection du capital. Le président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice estime par ailleurs qu’il faut s’entendre sur les mécanismes, qui ne sont pas bien dégagés dans les textes, notamment dans celui de M. Harb. Il relève que l’adoption d’une loi anti-corruption devra entraîner par ailleurs des modifications dans le code des fonctionnaires pour que les coupables ne puissent plus échapper à des poursuites pénales et ne répondre de leurs forfaits que devant la juridiction civile. Enfin et peut-être surtout, le parlementaire note que les textes supposés être en vigueur ont rarement été appliqués. Du reste, d’autres politiciens n’hésitent pas à affirmer que «tout ce tapage autour de l’enrichissement illicite n’est que de la poudre aux yeux, du show-off pour flatter dans le sens du poil une opinion assoiffée de propreté. En fait, ajoutent-ils, on nous présente comme une grande nouveauté un vieux plat réchauffé. Tout est déjà dans la loi sur l’enrichissement illicite qui date de 1954 et dans les autres lois du pénal qui sanctionnent vols, malversations, prévarications et autres joyeusetés. Au lieu de cette parade de cirque avec fanfare, on ferait mieux d’appliquer les lois qui existent déjà et qui sont plus que suffisantes. D’autant que contrairement aux innovations des démagogues de tous crins, ces lois ne prennent pas les simples fonctionnaires comme boucs émissaires uniques et ne protègent pas tellement les responsables politiques…»
Au principe dirimant ‘‘nul n’est censé ignorer la loi’’ répond, de manière légèrement moins absurde, la fière devise flibustière ‘‘La loi est faite pour être tournée’’. Ici on n’a même pas cette peine à se donner. Car l’application fait trop souvent défaut… On aura ainsi admiré l’empressement des autorités à engager des poursuites pour tels rapports...