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Actualités - REPORTAGE

Edition - Signature hier , de Cahiers d'un grenadier May Menassa : le verbe en héritage (photo)

Porté par un «murmure» d’une déchirante douceur, illuminé par des images à la fois fiévreuses et diaphanes, animé d’un souffle où la spiritualité a des détours surprenants, le premier livre de May Menassa «Awrak min dafater shajrat rouman» (feuillets des cahiers d’un grenadier), édition Dar-an Nahar—166 pages, éclate comme un soleil brûlant dans le firmament de cette rentrée littéraire… Une œuvre, un livre que les lecteurs arabophones attendaient depuis longtemps. La voix de May Menassa leur est déjà familière depuis plus de deux décennies. Son sourire aussi car il avait illuminé le petit écran. Une voix que l’on reconnaît d’emblée tant on la lit avec fidélité presque tous les matins dans les pages du Nahar. Une voix qui s’entretient de musique, de lecture, de peinture, d’art, du raffinement d’un monde où la créativité a les couleurs des saisons, des festivals et des événements culturels. Une voix empreinte d’un humanisme bienveillant et d’une sensibilité vive où jamais ne percent les lueurs rougeoyantes d’un baroud médiatique faussement orchestré ou injustement enthousiaste. Dédié à sa mère, ce roman et non une autobiographie de l’aveu même de la journaliste, tout en usant avec pudeur du «je» de l’auteur, est une quête poignante mais libératoire de ce que furent les émerveillements et surtout les déchirures de l’enfance. Mais aussi les cicatrices mal cautérisées de l’âge adulte… A quoi bon les poètes en temps de détresse ; s’interroge-t-on en vain. Que l’on n’oublie jamais: les poètes ont le don et la vertu de jeter un baume apaisant sur les plus douloureuses des plaies humaines… Et c’est en poète consommé que May Menassa aborde les rives d’un pays jamais nommé mais que l’on reconnaît aisément comme le nôtre avec ses odeurs, ses parfums, ses saveurs, ses traditions, ses tabous, ses cris, ses révoltes, sa guerre, ses enfants, ses amours, son ciel, ses montagnes, sa verdure, ses fleurs… Monde fourmillant de mille détails scrupuleusement notés, précieusement enfouis dans la mémoire, enveloppés dans le cocon des souvenirs et que l’auteur, musicienne des mots et des vocables, d’une richesse éblouissante, transcrit dans un lyrisme ample, torrentiel et nerveux, dans une partition où le bémol est à la clef… Atmosphère sourde et tendue où éclatent la guerre et les liens d’une famille touchée par le drame et le malheur. Roman de la tourmente et de la souffrance Complice de la nature dans ses orages et ses embellies, dans ses couleurs coruscantes ou sombres, l’auteur livre avec une poésie frémissante les secrets terribles d’une famille prisonnière de la guerre et guettée par la mort, la haine, l’incommunicabilité, la mélancolie et la folie… Du père à la mère, à cette voisine Hilané, version mère courage libanaise, en passant par ce frère jamais nommé – au destin marqué au fer rouge des poètes incompris et maudits, la narration et la description de May Menassa épousent ici les volutes sonores d’une sonate emportée mais aux accords en tons mineurs… Flots irrépressibles pour une confidence-confession au rythme haletant mais à l’énoncé mûr et mûri… Loin des débordements de la chair ou de tout érotisme convulsif, touché par la grâce de Dieu, aspirant à la miséricorde et à la mansuétude du Christ, ce livre permet à May Menassa de ne s’attacher qu’aux méandres de l’esprit, aux errements de l’âme, aux divagations des psychologies laissées dans la pénombre et la solitude. Ardent comme une prière, déployé comme un poème inspiré, aux rimes libres battant le vent d’automne car tiré du vif d’un cœur écorché, ce roman de la tourmente et de la souffrance, avec des notes d’un humour innocent, ce roman à la fois ramassé et éloquent, aux emballements imprévisibles oscillant entre le témoignage et une imagination et une sensibilité marquées par le choc des êtres et des événements atteste sans doute, non seulement des qualités littéraires de May Menassa qui n’a plus à prouver son talent à ses nombreux lecteurs, mais d’une audace nouvelle dans les propos et d’un ton original dans les lettres arabes conquises par une plume de femme. Plume de femme justement pour un univers dominé par les figures féminines. Actives, présentes, jamais démissionnaires même dans leur résignation, défiant la nature et sa force, productive en silence comme des fourmis diligentes, les femmes sont chez May Menassa non seulement attachantes mais source de lumière et de vie. Quant à la violence, ce mal dont on a souffert jusqu’à l’extrême meurtrissure, la romancière le dénonce avec véhémence, virulence. Ecoutons-la s’exclamer: «Et depuis quand les guerres étaient vertu, justice et vérité?». Dans ce cortège lugubre de la mort et l’effritement d’une famille emmitouflée dans ses secrets finalement révélés, May Menassa a fait triompher la lumière et le bien. Son écriture, battant du pouls même de la vie, n’est que le prolongement de ce que ce «frère» amoureux fou des mots et des idées, n’a peut-être pu dire… Est-ce hasard, coïncidence, désir conjoint de se libérer d’un thème obsédant ou simple joute littéraire que de voir simultanément dans les devantures des librairies parisiennes le dernier né des romans («Une maison au bord des larmes» – éditions Balland) de Vénus Khoury-Ghata, sœur de May Menassa? Deux versions en deux langues différentes traitant le même thème, divulguant un même secret de famille pesant, transformé en émouvant terreau romanesque. La comparaison est riche et intéressante à plus d’un niveau pour ces deux sœurs Brontë émancipées et modernes, hantées par le souvenir de ce frère épris peut-être de Lautréamont ou de Rimbeaud qui leur a laissé le verbe en héritage, legs vivant d’une passion partagée… Sans rompre totalement avec la réalité, bannissant frontières et espaces, nouant avec la veine onirique et surréaliste d’un langage singulier, chargé de rêves et nourri des fureurs de l’exaltation, le roman de May Menassa «Feuillets des cahiers d’un grenadier» demeure une grave méditation lyrique sur le sens d’une vie, d’une appartenance à une famille, à une terre… Mais la romancière a la foi inébranlable; chez elle, Dieu est omniprésent et nous sommes dans notre traversée humaine dans la main de l’ange…
Porté par un «murmure» d’une déchirante douceur, illuminé par des images à la fois fiévreuses et diaphanes, animé d’un souffle où la spiritualité a des détours surprenants, le premier livre de May Menassa «Awrak min dafater shajrat rouman» (feuillets des cahiers d’un grenadier), édition Dar-an Nahar—166 pages, éclate comme un soleil brûlant dans le firmament de cette...