Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Salem déterminé à démisionner au cas où son plan ne serait pas retenu Réunion ministérielle aujourd'hui consacrée au projet de dynamisation de l'industrie (photo)

Les ministres de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Economie, MM. Nadim Salem, Chawki Fakhoury et Yassine Jaber, tiendront aujourd’hui une réunion en présence du chef du gouvernement et du ministre d’Etat aux Finances, M. Fouad Siniora, pour examiner le plan de dynamisation du secteur industriel proposé par M. Salem ainsi que les remarques formulées par le ministre de l’Agriculture à ce sujet. M. Fakhoury, rappelle-t-on, s’était opposé en Conseil des ministres, mercredi dernier, au plan de son collègue, arguant du fait qu’il envisage lui aussi un projet pour le développement du secteur de l’agriculture et que les deux doivent être appliqués simultanément. L’approbation des propositions Salem était attendue avec impatience dans le secteur industriel qui est affecté comme on le sait par la crise économique au Liban, la politique de développement qui ne privilégie pas les secteurs productifs et la concurrence des produits étrangers. Depuis la fin de la guerre, beaucoup d’industries ont fermé leurs portes et d’autres s’apprêtent à suivre leurs traces. «J’ai pu convaincre deux grandes entreprises qui voulaient arrêter leurs activités de surseoir à leur décision», nous confie le président du syndicat des industries textiles au Liban, M. Sleiman Khattar. Quant au ministre, il se dit toujours déterminé à présenter sa démission au cas où le Conseil des ministres ne tiendrait pas compte de ses propositions, parce qu’à ce moment-là sa présence au gouvernement n’aurait plus de sens, dit-il. Depuis deux ans, M. Salem a fait du projet de développement de l’industrie son cheval de bataille. Son objectif est de doter ce secteur des moyens qui lui permettront de faire face à la concurrence consécutive à l’abolition des barrières douanières. On sait que le Liban a signé il y a quelques semaines avec la Syrie un accord pour la réduction, dans une première étape, de 25% des taxes sur les marchandises qui circuleront entre les deux pays à partir du 1er janvier 1999 et qu’il est engagé avec l’Europe dans des négociations pour la conclusion d’un accord de partenariat qui prévoit, entre autres, l’abolition des barrières douanières en 2012. Le danger pour le marché local d’être noyé par des produits de fabrication étrangère n’est pas imminent puisque le Liban refuse aujourd’hui d’ouvrir ses barrières douanières devant les produits occidentaux, mais tôt ou tard, il devra s’aligner sur les changements opérés à l’échelle internationale sur le plan économique. Et c’est parce que l’industrie locale connaît aujourd’hui de nombreuses difficultés que le Liban ne peut pas perdre du temps pour s’armer dans la perpective des défis futurs. Dans les attendus du projet qu’il a soumis au Conseil des ministres, il y a deux semaines, M. Salem souligne que l’industrie locale «pâtit surtout du coût élevé de la production, en raison notamment d’un système de financement onéreux et inégal, de charges sociales croissantes, de la hausse des prix des matières premières et des moyens de production, ce qui réduit sa capacité de concurrence dans les marchés intérieur et étranger et entrave l’écoulement des produits de fabrication locale». Pour régler ces problèmes, il propose cinq idées dont l’un des avantages est de ne pas grever le Trésor puisqu’il ne s’agit pas de subventions: — Octroyer une détaxe de 5% pour promouvoir les exportations industrielles et accroître le potentiel exportateur de l’industrie locale. — Octroyer une détaxe de 100.000 livres sur chaque tonne de produits agricoles ou agroalimentaires exportés. — Exempter les industries situées en dehors de Beyrouth de 5% des factures d’électricité. — Vendre aux industries le fuel oil au prix payé par l’Electiricté du Liban. Dans un mois, dans un an Le ministre affirme qu’il n’a pas eu le temps d’expliquer ces propositions en Conseil des ministres parce que ses collègues de l’Economie et de l’Agriculture s’y étaient farouchement opposés, le premier parce qu’il voulait «connaître le mécanisme de concrétisation de ces idées» et le deuxième parce qu’il tenait à appliquer en même temps un plan de développement agricole. «Je ne comprends pas pourquoi les deux projets doivent être mis en vigueur simultanément, surtout que l’un est prêt et que les ministres auraient l’étudier lorsque l’ordre du jour (du Conseil des ministres) leur a été distribué et que l’autre pourrait ne leur être soumis que dans un semaine ou un mois», déclare le ministre qui affirme ne pas connaître au juste le but de la réunion d’aujourd’hui surtout, précise-t-il, que le chef du gouvernement a approuvé le projet avant qu’il ne soit soumis au Conseil des ministres. Selon M. Salem, c’est le président du Conseil qui a convoqué cette mini-réunion. «Si on me demande d’expliquer le projet, je suis prêt à le faire; si on veut que j’écoute, je m’exécuterai encore (...). Je n’ai aucun inconvénient à ce que les ministres qui s’y sont opposés adoptent les deux projets et les présentent en leur nom, pourvu que le plan aboutisse. Je ferai tout dans ce but. Sinon, je crois qu’il sera temps que je me tienne à l’écart et que je cède la place à quelqu’un d’autre qui aura peut-être plus de chances de réussir», poursuit M. Salem, un soupçon d’amertume dans la voix. Ses propos laissent facilement deviner qu’un conflit de prérogatives se greffe sur la controverse autour du projet de dynamisation de l’industrie locale. Mais M. Salem rejette cette idée et s’il a inclus l’agroalimentaire dans son plan, c’est parce que ce secteur dépend de son département. Il reproche à ses collègues de ne pas avoir lu le texte qu’il a préparé, certains ayant considéré qu’il s’agit de subventionner le secteur industriel. «Nous ne faisons que restituer aux industriels les taxes douanières payées pour l’importation des matières premières. Il s’agit en langage économique du «draw back» reconnu dans tous les pays du monde». M. Salem souligne que l’Etat aussi bien que les industriels trouveront leur compte dans ce plan, qui a été élaboré en coordination avec le secteur privé ainsi qu’avec des spécialistes:«Nous sommes partis du principe que l’apport industriel au Liban s’élève à cinq milliards de dollars par an. Nous avons considéré qu’en moyenne, 50% de ces 5 milliards représentent la matière première (soit 2, 5 milliards de dollars) dont 75 % sont importés, ce qui fait que l’apport industriel est pratiquement d’ un milliard 800 millions de dollars. Les droits de douane payés pour les matières premières varient entre 6% et 24%, soit une moyenne de 15% que nous avons pris en considération pour calculer les recettes douanières découlant de l’importation de matières destinées à l’industrie. Le chiffre obtenu est de 280 millions de dollars par an. Quant au volume des exportations industrielles libanaises, il s’élève à 650 millions de dollars. La part des matières premières est donc de 325 millions de dollars, dont 244 millions de dollars pour la matière première importée sur laquelle les industriels paient 37 millions de dollars. C’est le montant que les industriels vont récupérer et qui représente près de 14% de tout ce qu’ils paient pour la matière première». Une bouffée d’oxygène L’intérêt de cette politique réside dans le fait qu’elle va favoriser les exportations et faire baisser les coûts. «Nous produirons plus et nous exporterons davantage», explique le ministre, précisant que les industries locales dont le rendement représente aujourd’hui 25% de leur capacité pourront relever leur production jusqu’à 50%, donc utiliser davantage de matières premières et employer plus de main-d’oeuvre. «En important plus de matières premières, les rentrées de l’Etat augmenteront consécutivement», renchérit-il, ajoutant que cette politique se répercutera positivement aussi sur la balance commerciale, ainsi que sur les consommateurs du moment que les prix de vente vont baisser puisque le coût de la production baissera. Du coup, c’est tout un cycle économique qui est relancé. «Nous sommes en train de donner un souffle d’oxygène énorme à l’industrie pour qu’elle puisse exporter parce que sans exportation, elle n’est pas viable», dit-il. Si, en revanche, la situation reste inchangée, le secteur industriel continuera de régresser. «Qui n’avance pas recule», dit un dicton populaire. M. Salem met en garde contre l’engrenage infernal qui découlera d’une réduction de l’apport industriel:des entreprises fermeront leurs portes, le chômage augmentera, les rentrées de l’Etat décroîtront et la crise économique s’exacerbera. «Aujourd’hui même, des entreprises envisagent encore de fermer leurs portes, mais ont voulu patienter un peu en attendant de voir ce que le gouvernement décidera», poursuit le ministre. Le tout est de savoir quelle vocation l’Etat envisage pour le Liban. M. Salem reconnaît que le Liban n’est pas un pays industriel. «Mais, fait-il remarquer, il y a des créneaux qui sont importants et dans lesquels nous pouvons progresser». Il cite notamment l’agroalimentaire, l’industrie textile, le prêt-à-porter, la joaillerie, le cuir, le software, le bois...Aujourd’hui, la concurrence entre le Liban et la Syrie ne fait pas peur aux industriels libanais, du moment que chaque pays s’adresse à une cible différente (la Syrie cible un marché bas de gamme et le Liban un marché de gamme moyenne), mais il n’en sera pas de même avec les pays européens, sud-asiatiques ou américains. Encourager les investissements M. Salem souligne aussi que la mise en application de son plan encouragera les entreprises étrangères à investir au Liban. «Ce sera une motivation de plus pour elles», déclare-t-il, la première étant les facilités des échanges industriels entre le Liban et la Syrie. «Les sociétés étrangères trouvent plus rentable de cibler un marché de près 20 millions de personnes (trois millions pour le Liban et 17 pour la Syrie) qu’un marché de 4 millions seulement». Le même optimisme est affiché dans les milieux industriels où l’on affirme ne pas craindre la concurrence des produits syriens. De toute façon, les industriels libanais se sont depuis longtemps adaptés à cette concurrence qui était surtout le fait de la contrebande durant les années de guerre et ont modifié leur production de manière à garder toujours leur clientèle locale. Aujourd’hui, ils ont l’impression d’avoir effectué un nouveau pas en avant en obtenant le droit de vendre leurs produits en Syrie, ce qui leur était interdit dans le passé, en vertu des lois syriennes. C’est ce que nous explique le président du syndicat des textiles au Liban. «Au niveau d’une même production, le prêt-à-porter par exemple, il existe des créneaux dans lesquels nous nous sommes spécialisés et qui ne peuvent pas faire l’objet d’une concurrence», nous explique M. Sleiman Khattar qui précise que si l’industrie libanaise a survécu en dépit de toutes les difficultés auxquelles elle fait face, «c’est parce qu’elle a tablé sur des créneaux précis». C’est aussi, ajoute-t-il, parce que le ministre «a compris les problèmes qui se posent à ce secteur». M. Khattar se félicite du plan Salem et précise que le ministre d’Etat aux Finances a imposé quatre fois en deux ans une surtaxe de 2% sur les produits importés, y compris les matières premières. «Ce qui fait qu’un industriel doit payer une surtaxe de 8% sur chaque matière qu’il importe et qui entre avec d’autres dans la composition d’un produit qu’il exportera plus tard», explique-t-il. Le plan Salem, poursuit-il, contribuera largement à réduire le coût de la production et à relancer l’activité industrielle. M. Khattar note dans ce cadre qu’à l’heure où la majorité des Etats pratique une politique inflationniste, le Liban suit une politique déflationniste «préjudiciable à l’exportation». «Nous vendons en dollars. Coté en livres, le billet vert nous rapporte de moins en moins. Pour nous en sortir, il est impératif d’en finir avec ces surtaxes et de trouver de nouveaux marchés et de nouveaux créneaux de production», poursuit-il en soulignant que l’industrie textile au Liban traverse aujourd’hui une passe délicate et a besoin de retrouver une part du marché, d’autant que les produits du sud-est asiatique ont fini par envahir le marché local. Selon ses explications quatre grandes usines de textiles ont fermé leurs portes au cours des trois dernières années ainsi que 5 ou 6 autres moyennes ou petites. D’autres sont aujourd’hui en instance de fermeture mais ont sursis à leur décision dans l’attente du verdict du gouvernement. «Si le plan est approuvé, ils sont prêts à redémarrer la semaine prochaine», déclare M. Khattar. Ils auront le cœur net aujourd’hui, en principe. En plus des cinq points proposés par le ministre de l’Industrie, les industriels comptent aussi sur un autre projet qu’il a présenté au Conseil des ministres pour donner une impulsion nouvelle à leur activité:l’imposition d’un droit spécifique sur le prêt-à-porter. Cette taxe protège le secteur de l’industrie contre le dumping sans avoir des retombées négatives sur le consommateur pour ce qui est notamment des prix. Le texte était supposé être étudié la semaine dernière en Conseil des ministres mais c’est M. Salem qui l’avait retiré parce que le Conseil supérieur des douanes voulait au préalable l’examiner. Selon M. Khattar, le droit spécifique correspond au système de quotas défini en Europe pour l’importation. Après avoir estimé que ce système est difficilement applicable au Liban, le président du syndicat des industries textiles relève qu’en imposant, en revanche, un droit spécifique sur l’importation de produits étrangers, passé un seuil déterminé, le Liban freinera le flot de marchandises qui déferlent notamment du sud-est asiatique, une fois atteints les quotas définis par l’Europe et les Etats-Unis pour les produits importés de ces régions. Les deux plans Salem sont fondamentaux pour une dynamisation de l’industrie locale, mais le tout est encore une fois de savoir quelle place l’industrie occupe dans l’économie libanaise et quelle est en définitive la vocation voulue pour le Liban.
Les ministres de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Economie, MM. Nadim Salem, Chawki Fakhoury et Yassine Jaber, tiendront aujourd’hui une réunion en présence du chef du gouvernement et du ministre d’Etat aux Finances, M. Fouad Siniora, pour examiner le plan de dynamisation du secteur industriel proposé par M. Salem ainsi que les remarques formulées par le ministre de...