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Actualités - ANALYSE

Le casse-tête budgétaire au centre du forcing diplomatique libanais

Les visites du président Rafic Hariri en Iran puis au Japon, l’accueil réservé au président Scalfaro: tout tourne autour des soucis financiers qui préoccupent l’Etat à un moment où il doit défendre son projet de Budget 98 à la Chambre. C’est qu’en cas de déficit trop accusé, la Banque mondiale, qui a déjà assuré 400 millions de dollars et promet un financement global d’un milliard de dollars, ne voudrait plus se dépenser pour une cause engloutie d’avance dans les gaspillages, la concussion et la mauvaise gestion. Il s’agit donc de renflouer un peu les caisses, de faire assez bonne figure pour impressionner favorablement la Banque mondiale, dont les contrôles de vérification des comptes sont par définition très rigoureux.
Selon un politicien «la plus importante des démarches effectuées jusqu’à présent par M. Hariri c’est peut-être bien sa visite à Téhéran. S’il devait se confirmer en effet que, comme le laissent entendre les loyalistes, il y a obtenu des conditions privilégiées pour la fourniture de carburants, il aurait pratiquement sauvé le Trésor. Car la note pétrolière est de quelque 850 millions de dollars par an, la majeure partie étant consacrée au fuel acheté pour le compte de l’Electricité du Liban, qui est comme on sait dans le rouge côté finances. S’il est vrai donc que M. Hariri aurait réussi, par ses accords d’assistance avec les Iraniens, à faire tomber de moitié cette facture, ce serait pour lui non pas une victoire mais un véritable triomphe. Il n’y aurait plus besoin de faire flamber ici les prix de l’essence ni de relever les impôts et taxes indirects sur les produits, car le déficit du Budget se trouverait automatiquement limité de fait à la barre fixée par la Banque mondiale. Tout le monde serait content: le contribuable, le consommateur et le gouvernement, qui n’aurait plus à subir le mécontentement populaire et les attaques des députés».

Le prix
politique

«Mais, souligne cette personnalité, il faut penser par ailleurs au volet politique et diplomatique de cette affaire. S’il devait se confirmer que les Iraniens vont nous aider d’une façon aussi considérable, la première question qui vient à l’esprit c’est naturellement: contre quoi, pour quel prix? On se demande ensuite dans quelles limites on peut traiter avec l’Iran sans irriter les Etats-Unis; tout comme on se demande d’ailleurs dans quelles limites on peut traiter avec les pays riches du monde libre dont le Japon sans agacer la Syrie».

Le Sud

«Les haririens, poursuit cette source, indiquent que Téhéran a demandé l’établissement d’une ligne aérienne permanente entre les deux pays. Les USA risquent donc de crier au «pont aérien» à caractère militaire, comme les Israéliens l’ont fait l’été dernier, avec l’approbation de Washington, en mettant en cause Damas. Les Américains seraient tentés de réprouver des facilités de communication qui auraient pour effet, à leur sens, de provoquer un afflux massif d’Iraniens, instructeurs et cadres révolutionnaires en tête, dans la Békaa, au Sud et dans la banlieue-sud de Beyrouth. Une sorte de réédition à leurs yeux du raz-de-marée palestinien «subversif» des années soixante-dix dans ce même pays, avec une résurgence du «terrorisme» au service de la République islamique qui reste leur bête noire. Les pays du Golfe arabe pourraient de leur côté s’alarmer de l’installation d’une forte base pour l’exportation de la révolution khomeyniste, dans un Liban encore chancelant où, comme le prouve le cas Toufayli, l’autorité étatique ne sait pas s’imposer».
«Sur le plan crucial du Sud, ajoute le politicien, l’Iran, qui est comme on sait la nation-recours du Hezbollah, peut faire valoir que ce mouvement s’étant ouvert récemment côté résistance à toutes les composantes du Liban, il convient que l’Etat libanais en tout premier lieu donne l’exemple et se lance dans l’action contre l’occupant israélien avec tous les moyens dont il dispose. Et pour la suite, pour l’après-retrait, Téhéran pourrait exiger que le Hezbollah ait une part plus consistante du gâteau, encore plus de députés à la Chambre et aussi quelques portefeuilles ministériels. Ce qui serait une sorte de compensation pour le fait qu’après la visite de M. Hariri, les relations entre les deux Etats ne passent plus comme avant par la formation intégriste, ou même par le biais de la communauté chiite et se font véritablement bilatérales, de gouvernement à gouvernement en phase directe».

Des propos
téméraires

«Mais il faut aussi tenter de savoir si le rapprochement avec Téhéran ne va pas inquiéter un peu les décideurs. En effet, le nouveau président iranien, Khatami, a souligné un peu trop vivement que son pays souhaite «un Liban libre, marchant tête haute, reconstruit, doté d’un gouvernement fort représentant ce peuple magnifique qui marie si bien culture et civilisation…». Des propos qui risquent d’en faire frémir et rager plus d’un, surtout si l’aide iranienne devait nous permettre de nous sortir du mauvais pas financier que nous traversons» conclut cette personnalité plutôt indépendantiste quoique modérée.

E. K.
Les visites du président Rafic Hariri en Iran puis au Japon, l’accueil réservé au président Scalfaro: tout tourne autour des soucis financiers qui préoccupent l’Etat à un moment où il doit défendre son projet de Budget 98 à la Chambre. C’est qu’en cas de déficit trop accusé, la Banque mondiale, qui a déjà assuré 400 millions de dollars et promet un financement global d’un...