Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Alors que la marge de manoeuvre US se rétrécit L'ONU opte pour la patience face à l'Irak (photos)

«Patience»: Les Nations Unies ont choisi de suivre le conseil donné la veille par le président américain Bill Clinton. Réuni jeudi en fin de matinée, le Conseil de Sécurité a exprimé en termes modérés sa «préoccupation» après que l’Irak eût soustrait du matériel sensible pouvant servir à son armement. Mais dans le même temps, il a continué à privilégier les efforts diplomatiques pour régler la crise. Cela, alors que Bagdad se prépare militairement à contrer une éventuelle attaque américaine et que Washington, face aux défis répétés qui lui sont lancés, éprouve une difficulté croissante à contenir le président Saddam Hussein, les divisions au sein des alliés et la guerre du Golfe rendant cette tâche de plus en plus illusoire.

Selon des responsables militaires américains, l’Irak est en train de redéployer ses chars et ses véhicules blindés, tout en plaçant en état d’alerte ses défenses aériennes. Plusieurs garnisons ont commencé à disperser leurs chars et leurs véhicules blindés de transport de troupes afin d’en faire des cibles plus difficiles à atteindre, selon un responsable du Pentagone.
Des mesures visant à protéger des constructions ont également été prises et plusieurs équipements ont été déplacés, selon la même source. Les systèmes de défense aérienne autour de Bagdad, et dans une moindre mesure dans le sud du pays, ont été activés.
Le porte-avions américain «Nimitz», qui mouille actuellement dans le Golfe, effectuera comme prévu samedi une escale dans un port dans la région. Selon des responsables militaires américains, le navire pourra cependant reprendre sa position initiale très rapidement si cela s’avère nécessaire.
A l’ONU, le Conseil de Sécurité a tenu une réunion pour examiner la plainte du chef des inspecteurs sur le désarmement de l’Irak, qui avait accusé ce pays d’avoir soustrait du matériel sensible à la surveillance de l’ONU. A l’issue de la réunion, le président en exercice, l’ambassadeur chinois Qin Huasun, a déclaré: «Le Conseil exprime sa préoccupation sur le déménagement de matériel et réitère que l’Irak doit appliquer de manière complète les résolutions le concernant».
Les Quinze ont souligné qu’«interférer de quelque manière que ce soit dans le processus de contrôle n’était pas conforme aux résolutions du Conseil», a ajouté M. Qin au nom du Conseil.
Le Conseil «espère» que l’Irak «s’abstiendra de recommencer», a dit l’ambassadeur chinois.
Les représentants britannique John Weston et portugais Antonio Monteiro ont eu des mots plus durs en déclarant tous deux que les actions irakiennes étaient «inacceptables».

Nouvelle rencontre

L’Irak a reconnu jeudi avoir déplacé le matériel, mais affirmé que les caméras avaient été endommagées par une explosion accidentelle.
Le Conseil a insisté sur le «soutien» aux trois émissaires dépêchés par le secrétaire général Kofi Annan à Bagdad pour tenter de désamorcer la crise avec l’Irak.
Celle-ci a été provoquée par la décision de l’Irak de ne plus coopérer avec les experts américains de l’UNSCOM.
«Le Conseil exprime son soutien au travail de la mission et ne souhaite pas voir une situation qui serait préjudiciable à la solution de la question», a souligné M. Qin.
Les trois émissaires onusiens — l’Algérien Lakhdar Brahimi, le Suédois Jan Eliasson et l’Argentin Emilio Cardenas — ont eu jeudi un quatrième round d’entretiens avec le vice-premier ministre irakien Tarek Aziz. Les discussions ont porté une fois de plus sur les demandes répétées de l’ONU qui exige que l’Irak revienne sur sa décision d’expulser les experts américains de l’UNSCOM. Mardi, Bagdad avait suspendu sa menace d’expulsion jusqu’à ce que les trois diplomates de haut rang fassent leur rapport au Conseil de Sécurité, lundi prochain. En réponse, l’UNSCOM avait accepté de reporter les vols de l’avion-espion U 2 mis à sa disposition par les Etats-Unis et que l’Irak avait menacé d’abattre. Les émissaires doivent quitter la capitale irakienne aujourd’hui vendredi. Auparavant, ils auront été notifiés de la réponse des autorités irakiennes au message du secrétaire général de l’ONU Kofi Annan.
Conformément à la résolution 687 du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui fixe les termes du cessez-le-feu dans la guerre du Golfe (1991), l’Irak est tenu de démanteler ses armes biologique et chimiques ainsi que sa capacité nucléaire, et de ne plus disposer de missiles d’une portée supérieure à 150 kilomètres.
Ce n’est que lorsque l’UNSCOM aura certifié que l’Irak a désarmé, conformément à cette résolution, que l’embargo pétrolier imposé à ce pays depuis son invasion du Koweit, en août 1990, pourrait être levé.
Un contrôle à long terme de ses installations militaires, notamment par des caméras de surveillance, doit rester en place après la levée de l’embargo.

Marge étroite

D’après certains experts, la crise actuelle illustre la diminution de la marge de manœuvre de Washington. Le président Bill Clinton avait expliqué un jour que son but était de maintenir Saddam Hussein «dans sa boîte», autrement dit de l’empêcher de nuire.
Cet objectif, pourtant limité, est de plus en plus difficile à atteindre, en grande partie en raison des dissensions apparues entre les Etats-Unis et leurs partenaires, notamment la France et la Russie.
«Les actions de la France, de la Russie et de la Chine, en donnant le spectacle d’un Conseil de Sécurité divisé et en minimisant tous les rapports de l’UNSCOM (sur l’étendue des violations par l’Irak des résolutions de l’ONU), ont jeté les bases de la crise actuelle», affirme Anthony Cordesman, expert de l’Irak au Centre des études stratégiques et internationales de Washington.
Depuis plusieurs mois, Moscou et Paris s’opposent aux tentatives américaines de renforcer les sanctions pour punir Bagdad d’entraver les travaux de l’UNSCOM.
A très court terme, l’annonce par l’Irak de son intention d’expulser les experts américains a certes eu pour résultat de recréer un semblant d’unité au sein du Conseil de Sécurité.
«La communauté mondiale est complètement unie dans sa recherche d’une application ferme des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU», assurait ainsi récemment le porte-parole de la Maison-Blanche, Michael McCurry.
«Après quelques lézardes dans l’armure, nous avons reconstitué un solide consensus au sein du Conseil de Sécurité», prétendait-il.
Mais cette unité est totalement factice. «Il n’y a pas de consensus», affirme Christine Moss Helms, une spécialiste de l’Irak, qui souligne que la politique américaine au Proche et au Moyen-Orient est de plus en plus contestée.

Frustration

«Il y a une frustration croissante face à beaucoup d’initiatives américaines dans la région et un antiaméricanisme croissant», explique-t-elle.
Dans le cas de l’Irak, «la vraie question est de savoir si, après six ans, la politique des sanctions marche», indique Mme Helms, soulignant que cette «fatigue à l’égard des sanctions» n’est pas limitée à la France et à la Russie.
«Quel que soit le dénouement de cette crise, cela va donner un nouvel élan à la recherche par des membres du Conseil de Sécurité d’une solution à cette impasse» des sanctions, estime-t-elle.
C’est justement là le but suprême de Saddam Hussein, qui réclame de l’ONU une date certaine pour la levée de l’embargo international.
Depuis le début de la crise actuelle, la Maison-Blanche essaie de concilier fermeté sur le fond et souplesse sur le plan tactique afin de conserver le soutien de ses partenaires.
Elle est ainsi prête à aller aussi loin que possible pour éviter un recours à la force qui ferait voler en éclats l’apparence d’unité au sein du Conseil.
«Compromettre de manière unilatérale ce consensus alors que l’ensemble de la communauté internationale semble être sur la même longueur d’ondes» vis-à-vis de Bagdad «n’a aucun sens», admet M. McCurry.
Il souligne toutefois que cette volonté d’accommodation a des limites et qu’un moment peut arriver où les Etats-Unis «devront agir seuls».
Mais des représailles militaires, dont rien ne dit qu’elles feraient céder le numéro un irakien, auraient un coût politique élevé pour les Etats-Unis, estime Mme Helms.
Cela «attiserait encore plus l’intégrisme islamique» et mécontenterait même les pays arabes modérés, prédit-elle.


«Patience»: Les Nations Unies ont choisi de suivre le conseil donné la veille par le président américain Bill Clinton. Réuni jeudi en fin de matinée, le Conseil de Sécurité a exprimé en termes modérés sa «préoccupation» après que l’Irak eût soustrait du matériel sensible pouvant servir à son armement. Mais dans le même temps, il a continué à privilégier les efforts...