Retour d'Algérie de Joseph Durand ou l'itinéraire du dernier coopérant français...

Conférence de Joseph Durand, dernier coopérant français en Algérie, rapatrié «de force en 1994». Joseph Durand a donné un rapide résumé historique sur l’Algérie, préambule à l’ouvrage «Retour d’Algérie» dans lequel il livre un témoignage vécu sur ce pays d’Afrique du nord. A travers une synthèse de ses réflexions sur les origines de la «folie» qui s’est emparée de l’Algérie, il tente d’en proposer une vision globale.
M. Durand a souligné qu’il n’était «ni spécialiste, ni historien, ni expert. Cet itinéraire du dernier coopérant français — ou un des derniers — en Algérie vaut comme témoignage». Coopérant scientifique auprès des universités, Joseph Durand a vécu en Algérie six ans, de 1988 à 1994.
Expliquant que ce qui se passe aujourd’hui, trouve en partie ses racines dans les données géographiques et démographiques, il a, d’abord, décrit l’Algérie en chiffres: «Pays d’Afrique du Nord, entouré de la Tunisie et du Maroc, il a 1.500 km de côtes méditerranéennes et 1.500 km de profondeur. C’est la porte nord du continent africain, un point de passage obligé. Sa population s’élève à 30 millions d’habitants dont 39% âgés de moins de 15 ans. 96% de la population occupe 17% du territoire.
Economiquement, l’Algérie a un sous-sol riche: 18e exportateur de pétrole au monde; 7e pour le gaz. Malgré cela, elle connaît un taux de chômage de 25%. L’analphabétisme atteint les 47% de la population, malgré l’enseignement gratuit et obligatoire jusqu’au complémentaire». Quant à l’importance du français, «l’Algérie est le premier pays francophone, après la France et le Canada».
Joseph Durand indique que l’Algérie fait partie du Moyen-Orient historique qui va de la Perse au Sud de l’Espagne. Il énumère ensuite les différentes périodes algériennes: carthaginoise, romaine, chrétienne, byzantine, islamique et arabe, et enfin l’occupation française à partir de 1830. «La guerre franco-allemande de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine par la France correspond en Algérie à un double mouvement démographique: le nombre d’Européens passe de 260.000 à 750.000 entre 1870 et 1914; le nombre d’Algériens diminue de 4 millions à 2,5 millions» constate M. Durand.
Il relève quelques événements clés dans les relations entre la France et l’Algérie: «En 1900, la France accorde la citoyenneté française aux juifs et aux «petits blancs» (espagnols qui ont aidé à la conquête du pays), alors qu’elle la refuse aux Arabes, les soumettant à des lois draconiennes». La Première Guerre mondiale (1914/1918) près de 175.000 Algériens sont mobilisés avec une promesse de citoyenneté à la clé. «L’armistice de 1918 c’est d’une part une promesse non tenue et d’autre part l’éclatement de l’empire Ottoman et l’apparition du Wahhabisme, l’islam pur et dur». La Seconde Guerre mondiale, c’est un deuxième «impôt du sang» que demande la France à l’Algérie. 1945, au lendemain de la paix, l’Algérie réclame l’égalité ou l’indépendance. «Ce sont les prémices de la guerre d’Algérie qui éclatera le 1er novembre 1954» souligne Joseph Durand. De 1954 à 1962, un terrible conflit qui coûtera cher en vies humaines. Les années d’indépendance verront s’ajouter à cette frustration accumulée contre la France — et qui n’a fait qu’être exacerbée par de nouvelles erreurs, telles que le refus d’introduire la langue arabe au programme des lycées français d’Alger ou encore les déclarations d’intellectuels français qualifiant la langue arabe de langue morte... — une recherche d’identité complexe. «Le problème algérien n’est pas religieux mais identitaire entre les jusqu’au boutistes et les autres dans un climat d’accumulation de frustrations et de montée du nationalisme et surtout de l’intégrisme»...
Joseph Durand souligne en conclusion que la France «a trahi, en Algérie, son message universel d’égalité et de citoyenneté»...
A. G.