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Actualités - REPORTAGE

Daribat Al Malahi ou capitation fiscale Les théâtres s'insurgent contre l'amalgame ... (photos)

Quelle différence existe-t-il entre théâtre, festival et cabaret? La question laissera estomaqué et pantois le commun des mortels. Mais pas le ministère des Finances qui met culture et bordel dans le même panier. A travers ce qu’on appelle d’une façon sinistre et ésotérique «la capitation»... cette taxe infligée aux établissements de loisirs tous genres confondus. Une «daribat al malahi», lourde au point de menacer l’existence de certains créneaux.

Ainsi quand un théâtre invite une troupe étrangère, il doit assurer envers l’Etat:
— Un quitus en timbres fiscaux de 200.000 L.L. pour le permis de séjour temporaire.
— 5% au ministère des Finances sur le billet d’avion, l’hôtel, les frais de séjour et le cachet de l’artiste ou du groupe.
—10% des recettes totales du spectacle.
Toute dérogation fait l’objet d’un procès — verbal des Finances qui décident alors d’une contravention dont le montant se répartit comme suit: 70% pour la caisse du ministère et 30% pour le fonctionnaire qui a découvert l’infraction.
C’est ahurissant, presque incroyable. Le ras-le-bol des professionnels est donc évident: «Il m’arrive parfois de loger une troupe d’acteurs dans un appartement gracieusement offert par des amis», raconte Nidal Achkar propriétaire d’Al-Madina. «Eh bien, le ministère envoie ses contrôleurs pour percevoir une taxe équivalente à la valeur de l’appartement!» Alors qu’ailleurs dans le monde «le pouvoir arbore la culture comme une décoration, chez nous elle n’a jamais été considérée comme primordiale», ajoute Nidal Achkar en soulignant que «malgré toutes les difficultés financières, nous persévérons grâce à l’aide d’amis et de quelques mécènes. Le théâtre est une école modèle d’étude des mœurs, la peinture des caractères, la satire des tares et des travers humains et politiques... Le théâtre a toujours existé dans l’histoire; nous tenons à le sauvegarder».
Le ministère de la Culture et de l’Enseignement supérieur accorde cependant des aides: «Pour la saison 96-97, le Théâtre de Beyrouth a reçu une subvention de huit millions de livres libanaises. Mais d’octobre 96 à juin 97, les impôts ont atteint la somme de 16.300 dollars», indique Hoda Sinno, directrice de cet établissement. «Il faut non seulement que le ministère de la Culture demande l’annulation de ces impôts», dit Nidal Achkar, mais «il devrait prévoir aussi des bourses pour étudiants de théâtre et un budget pour la création annuelle de deux pièces...»

Compensation

— Pour Marwan Najjar, auteur et producteur, le problème se situe sur le plan moral et non matériel: «Ce ne sont pas les 5% de l’impôt dit indirect, ni les 10% perçus sur les recettes qui annihilent notre motivation; c’est l’assimilation de notre travail à celui de la prostitution qui nous enrage. Au temps du président Camille Chamoun, les cabarets et les boîtes de nuit étaient taxés à 20% et les théâtres à 0%! Dans les années 80, la taxe des «malahi» (20%) a été appliquée au théâtre. Depuis 93, elle est ramenée à 5%, et nous les en remercions. Mais là où le bat blesse, c’est d’être traité au même titre qu’un cabaret ou un bar!»
— Mona Jreige, membre exécutif du festival de Baalbeck soulève quant à elle le problème du visa. Ainsi pour Rostropovitch et son orchestre (115 personnes), «il n’y a pas eu de visa collectif. Le permis d’entrée a été délivré à l’aéroport et il a fallu monopoliser 10 personnes pour tamponner les passeports. Environ 125 dollars par tête ont été payés (14.500 dollars). Il est demandé une juridiction spéciale pour les festivals...» Et en effet, on se demande comment on peut mettre dans le même panier une demoiselle qui se produit dans un cabaret et un artiste comme Rostropovitch, même si les deux viennent de l’Est... Par ailleurs, «le ministère des Finances perçoit 3% sur chaque contrat signé avec une troupe d’artistes; et 5% sur les billets vendus», dit Mona Jreige.
— Au ministère des Finances, Mme Ali Abbas, chef de service des impôts et taxes indirects, indique que la taxe de 5% (sur la vente des billets) est «de toute manière payée par le spectateur et non par les organisateurs». Concernant l’impôt sur le revenu, la responsable signale qu’il s’agit d’un prélèvement que l’Etat opère sur les ressources des particuliers. Dans le cas des établissements de théâtre, «il n’est pas vrai que cet impôt atteint les 10%», dit-elle. Mme Abbas ajoute: «Le pourcentage de l’impôt est fixé en fonction du bilan annuel d’une institution, à l’instar de ce qui se fait pour le revenu de chaque individu. Vous payez votre impôt; je paie le mien; que les théâtres paient le leur...»
Rappelons que «Daribat al malahi» touche indistinctement tous les lieux de loisirs à savoir les cinémas, les théâtres, les cirques, les plages, l’hippodrome, les stations de ski, les stades sportifs... En 1994, à la demande du ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur, l’on a exempté de taxe des spectacles autorisés par la Direction générale des antiquités dans les sites historiques ou archéologiques ainsi que les spectacles de folklore, opéra, opérette, théâtre, musique classique etc... Mais les taxes ont été rétablies par le ministère des Finances en 1995...

May MAKAREM
Quelle différence existe-t-il entre théâtre, festival et cabaret? La question laissera estomaqué et pantois le commun des mortels. Mais pas le ministère des Finances qui met culture et bordel dans le même panier. A travers ce qu’on appelle d’une façon sinistre et ésotérique «la capitation»... cette taxe infligée aux établissements de loisirs tous genres confondus. Une «daribat...