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Actualités - REPORTAGE

L'avenir est-il enfin à portée de la main ? Le Brésil, un géant qui repart du bon pied (photos)

Malgré les milliers de kilomètres qui les séparent, le Liban et le Brésil ont toujours entretenu d’étroites relations, que commandait en effet la présence, dans ce gigantesque pays d’Amérique du Sud, de nombreux immigrés d’origine libanaise. Depuis deux ans cependant, ces liens se sont spectaculairement resserrés grâce, notamment à diverses activités commerciales et culturelles que l’on doit aux deux ambassadeurs concernés, MM. Michael Fraser Neele et Ghazi Chidiac et, surtout, à un échange assez intense de visites officielles à haut niveau. Tour à tour durant les 18 derniers mois, le premier ministre Rafic Hariri, le président de l’Assemblée nationale Nabih Berry et le patriarche maronite Mgr Nasrallah Sfeir se sont rendus au Brésil, où le président Elias Hraoui entamera au cours des toutes prochaines heures un séjour officiel. L’an prochain, vraisemblablement en avril, c’est le président brésilien Fernando Henrique Cardoso qui viendra à Beyrouth où l’avait précédé, l’hiver dernier, son ministre des Affaires étrangères Luiz Felipe Lampreia suivi, en juillet, du chef du Législatif brésilien, le Libanais d’origine Michel Temer. Au seuil de l’an 2000, le Brésil est-il enfin devenu la puissance économique dont l’émergence, régulièrement annoncée, n’a cessé de subir de fâcheux contretemps? A l’invitation du ministère des Affaires étrangères du Brésil, le rédacteur en chef de «L’Orient-Le Jour» Issa Goraieb vient d’effectuer une tournée d’information de deux semaines dans ce pays, qui l’a mené notamment à Brasilia, Sao Paulo, Rio de Janeiro et Porto Alegre, et au cours de laquelle il a pu rencontrer de nombreux responsables politiques, économiques et financiers; ci-dessous, ses impressions:

C’est bien loin tout de même, le Brésil; et quand au bout de seize heures de vol entrecoupées d’une brève escale technique à Abidjan, on débarque à Sao Paulo venant de Beyrouth à bord du courrier direct de la MEA, on ne peut s’empêcher de se demander quelle force mystérieuse a pu pousser siècle après siècle, jusqu’à cet Eldorado du bout du monde, nos oncles d’Amérique embarqués avec leurs baluchons dans de poussifs steamers. C’est loin le Brésil, et c’est gigantesque aussi: avec ses huit millions et demi de km2 il couvre à lui seul près de la moitié du sous-continent américain et se classe ainsi au cinquième rang mondial en termes de superficie après la Fédération de Russie, le Canada, la Chine et les Etats-Unis. Pour traverser le Brésil de part en part, en long comme en large, il faut franchir plus de 4.3OO kilomètres, l’équivalent à peu près d’un vol transatlantique, l’océan de ce nom gratifiant le pays de plus de sept mille kilomètres de côtes.
A peine moins long est l’Amazone qui charrie la plus grande masse d’eau au monde, laissant assez loin derrière lui les très respectables pourtant Uruguay, Parana, Tocantins et Sao Francisco; avec l’Amazone, le plateau central brésilien et la chaîne de hautes montagnes courant du Sud vers le Nord-Est, forment les caractéristiques géographiques essentielles du pays. Non moins de cinq régions climatiques sont répertoriées dans ces vastes étendues, où les saisons sont inversées par rapport à nous; et si la chaleur sur la côte évoque irrésistiblement l’Afrique (dont elle se serait d’ailleurs détachée, selon la théorie de la dérive des continents) il n’est pas rare que le thermomètre descende au-dessous de zéro dans les régions du Sud, voisines de l’Argentine et de l’Uruguay. Abritant une population de près de 160 millions d’âmes, ce qui en fait le numéro six mondial, le gigantesque Brésil est loin pourtant d’être surpeuplé: la densité démographique varie considérablement d’une région à l’autre, le gros de la population se concentrant dans les parties nord et sud de la côte Atlantique.
Cette population est plutôt jeune: 62% des Brésiliens ont aujourd’hui moins de 29 ans, et dans ce pays d’immigrants pas toujours volontaires (songez aux esclaves amenés il y a quelques siècles d’Afrique) l’intégration raciale, après maintes avanies, est désormais une des expériences du genre les plus réussies au plan social, et même au sens le plus strictement biologique du terme: les superbes métis (mulatas et mulatos) déambulant sur l’Avenida Atlantica de Rio, par exemple, en sont la preuve bien vivante. Assez tragiquement, on ne compte plus aujourd’hui qu’un quart de million d’Indiens, qui disposent cependant de dix pour cent du territoire, essentiellement dans les jungles amazoniennes, où ils peuvent maintenir (mais jusqu’à quand) leurs traditions et styles de vie. Les colonisateurs portugais du seizième siècle conduits par Pedro Alvares Cabral, ce Colomb ibérique bis, ne tarderont pas à importer en grand nombre des esclaves d’Afrique, essentiellement des Soudanais et des Bantous, qu’ils affectent à la culture intensive de la canne à sucre, et qui marqueront fortement de leur empreinte, par la suite, la culture brésilienne. Le brassage des races se poursuit au cours des siècles suivants, au gré des vagues successives d’immigration dont la dernière survient à la veille de la Deuxième Guerre mondiale; après les Portugais, les plus nombreux sont les Italiens, suivis... des Libanais, Allemands et Est-Européens ou, encore, des Japonais, qui disposent au Brésil de leur colonie la plus importante. Toutes ces ethnies vivent en harmonie, parlant une même langue, le portugais, alors que l’espagnol règne en maître partout ailleurs en Amérique du centre et du Sud.

De l’Empire à
la République

L’histoire du Brésil est indissociable d’ailleurs de la rivalité hispano-portugaise, qui se manifestait notamment dans l’exploration des voies maritimes vers l’Extrême-Orient. Un partage des nouvelles terres ayant été opéré par traité, les Portugais lancent expédition sur expédition, la principale richesse exploitée étant un bois aux vertus colorantes, le pau-brasil, qui donnera son nom au pays; les colonies portugaises s’étant multipliées, souvent aux prix de féroces affrontements avec les tribus indiennes, une administration se met peu à peu en place, sous la forme de capitaineries — dont certaines plus vastes que le Portugal — ce système finissant par façonner le modèle territorial et donc politique du Brésil moderne. La plus florissante de ces divisions, vouée à la culture de la canne à sucre, est Pernambuco, destination prioritaire des esclaves amenés d’Afrique. Et quand l’union des deux royaumes portugais et espagnol vient abolir les frontières locales, les Portugais s’enfoncent plus profondément à l’intérieur des terres, en quête cette fois d’esclaves indiens. Les membres de ces expéditions, les Bandeirantes, qui ramènent leurs captifs dans les missions jésuites disséminées à l’intérieur du pays, contribuent puissamment ainsi à élargir les frontières du Brésil.
Quand, au 17e siècle, le Portugal retrouve son indépendance, il s’assure la propriété de droit du Brésil; c’est alors que le déclin du commerce du sucre suscite un mouvement des colons vers les territoires inexplorés; la découverte de l’or, dans ce qui s’appellera plus tard l’Etat de Minas Gerais («Les Mines Générales») attire une vague d’immigration du Portugal et, à son tour, l’approvisionnement des centres miniers suscite à son tour l’élevage des bovins. Bientôt cependant, l’or jaune est détrôné par les précieuses et aromatiques pépites... de café, dont la culture intensive entraîne la colonisation de nouvelles terres vierges, et draine de nouveaux immigrants. Les invasions hollandaise et française du Nord-Est suscitent un début de sentiment national parmi les colons, mécontents par ailleurs du monopole qu’exerce leur mère-patrie sur l’écoulement des produits brésiliens en Europe. Des mouvements isolés éclatent un peu partout, ce qui n’empêchera pas le roi du Portugal Joao VI et sa cour de s’installer à Rio de Janeiro pour fuir les armées napoléoniennes; c’est pourtant le vice-roi Pedro, son propre fils qui proclame en 1822 l’indépendance du Brésil dont il devient l’empereur. Le fils et successeur de celui-ci, Pedro II régnera durant un demi-siècle , sous le signe du progrès; mais ironie du sort, c’est l’abolition de l’esclavage, menée à son terme en 1888 et contre laquelle s’insurgent les grands propriétaires, qui va entraîner la fin de la monarchie, à la faveur d’un coup d’Etat militaire opéré sans effusion de sang.
Dès sa naissance, la république se dote de structures fédérales et d’un système présidentiel établissant une séparation des pouvoirs entre les appareils exécutif, législatif (chambre de députés et sénat formant un Congrès national) et judiciaire; mais le Brésil devra attendre longtemps avant de connaître enfin la stabilité. En 1930 est instituée une nouvelle république à la suite d’une révolution conduite par Getulio Vargas, qui gouvernera le pays durant quinze années particulièrement délicates: la dépression mondiale a entraîné la chute catastrophique des cours du café, et à la crise financière s’ajoutent les heurts entre minorités animées par les idéologies fascistes ou communistes dont le choc va bientôt embraser l’Europe, puis la Planète. Au lendemain de la guerre, une nouvelle constitution est adoptée et après un intermède assuré par le président Dutra, Vargas réussit à se faire élire à nouveau à la tête de l’Etat — de manière plus démocratique cette fois — pour finir par se suicider en plein exercice de ses fonctions. Après cela, c’est la valse des présidents: Juscelino Kubitschek, le fondateur de Brasilia, Janio Quadros, Joao Goulart, jusqu’au jour où font irruption les militaires. Ils gouverneront plus de vingt ans et cinq généraux se succéderont à la présidence dont le dernier, Joao Baptista Figueiredo, amorcera l’«Ouverture», en vue d’une restauration progressive des droits politiques et libertés politiques suspendus.

Une formule magique:
le «Plan Real»

Le retour de la démocratie, après des manifestations monstres réclamant des élections immédiates, reste cependant laborieux. A l’ombre d’une nouvelle constitution élaborée sous le mandat de José Sarney, successeur de l’infortuné Tancredo Neves terrassé par la maladie à la veille même de son investiture, Fernando Collor est le premier président élu au suffrage direct par les Brésiliens mais il doit bientôt quitter le pouvoir, à la suite d’accusations de corruption. L’intérim est assuré par Fernando Collor, qui lance un programme de redressement économique et financier, le «Plan Real»; mais c’est à l’actuel président Fernando Henrique Cardoso, élu en 1994, qu’il aura appartenu de traduire dans les faits ce Plan Real; pour avoir aboli l’inflation, donné à la monnaie nationale une stabilité absolument sans précédent et relancé l’économie, M. Cardoso est pratiquement assuré désormais d’obtenir, l’an prochain, un renouvellement de son mandat, à la faveur d’un amendement de la constitution.
Tout Brésilien vous dira d’ailleurs que pour mener à son terme le Plan Real, il est absolument vital que M. Cardoso reste à son poste; néanmoins, dans cette scène publique brésilienne en perpétuelle effervescence et où s’affrontent pêle-mêle partis, vieilles familles, groupes d’intérêt et puissances d’argent, la politique politicienne reste reine: la république fédérative est composée de non moins de 26 Etats en effet et d’un district fédéral, la capitale Brasilia. Chaque Etat a son propre gouvernement, sa propre assemblée, sa propre constitution, et il a à sa tête un gouverneur élu au suffrage direct, personnage tout-puissant, du moins pour tout ce qui échappe aux attributions du gouvernement fédéral ou bien alors des conseils municipaux... C’est dire que la politique politicienne et les échanges de services ne sont jamais absents des grandes décisions nationales, et on pourra lire par ailleurs («Lobby ou pas lobby»?) la mise hors circuit de l’ancien gouverneur de Sao Paulo, Paulo Salim Maalouf.
Cela dit, quels bienfaits a apporté aux Brésiliens cet incontournable Plan Real, devenu le maître-mot de la politique locale; et est-on bien sur le point de faire, une fois pour toutes, un sort à la classique et cruelle boutade selon laquelle le Brésil est un pays d’avenir... et le restera toujours?
En 1995 encore, l’inflation au Brésil atteignait le taux incroyable de mille pour cent et dès l’année suivante il était ramené à 10%, score encore amélioré cette année, selon toutes les estimations, avec un très honorable 7%, en attendant les 5% escomptés pour 1998: le temps est bien révolu où les Brésiliens, à peine encaissé leur salaire, se ruaient sur les supermarchés pour acheter tout le nécessaire et même le superflu qu’ils auraient payé bien plus cher en effet le lendemain même. Pour enrayer l’inflation, on a eu recours à deux moyens: des taux d’intérêt très élevés et un taux de change proprement royal, la monnaie nationale — le Real — équivalant à peu de chose près en effet à un dollar américain, ce qui nécessite de fréquentes interventions de la Banque centrale, laquelle dispose toutefois de confortables réserves atteignant soixante milliards de dollars. Par cette double action on a obtenu une stabilisation des prix rendant inutile la vieille pratique de l’indexation et du contrôle des prix sauf pour ce qui est des salaires, des loyers et des écolages; de même le coup de frein donné aux importations, malgré la libéralisation du commerce, a stimulé spectaculairement la production locale, faisant de l’industrie brésilienne la locomotive de l’économie.
Et quelle locomotive, talonnée par une agriculture elle aussi pleine de vitalité: construction navale et aéronautique, assemblage de voitures de marques américaines, européennes et japonaises, électronique et informatique, systèmes de radar et de détection à distance, meubles et articles de bureaux, articles ménagers, bois et ses dérivés, produits pétrochimiques, textiles, papier, cuir, outils mécaniques, machinerie lourde ne sont que quelques-uns des secteurs traités. Si le Brésil trouve son pétrole surtout sous la mer, son sous-sol regorge de minerais (fer, manganèse, bauxite, cuivre, phosphates, potassium, etc.); et à la surface, l’agriculture et l’élevage sont en pleine croissance avec l’exploitation continue de nouvelles régions: agrumes et fruits divers, viande et légumes, blé, maïs, soja, sucre et cacao, sans parler évidemment du roi-café, dont le Brésil revendique un bon tiers de la production mondiale. Pour soutenir et financer toutes ces exploitations, le Brésil s’est doté d’un système bancaire figurant parmi les plus modernes du monde: les milliers d’agences locales des grands établissements de crédit sont reliées par satellite à leurs maisons-mères, et les intérêts ou dividendes peuvent être perçus au jour le jour par simple manipulation électronique, si le client le souhaite. Un autre aspect non moins impressionnant de l’extrême vitalité financière du Brésil peut être observé à la Bourse des valeurs de Sao Paulo, où la frénésie des criées et gesticulations entre brokers ne peut être trouvée ailleurs qu’à Wall Street.

Un marché commun
sud-américain

L’Etat brésilien s’est lancé par ailleurs dans un vaste programme de privatisation couvrant jusqu’aux télécommunications et la distribution du courant électrique, et qui devrait faire rentrer dans ses caisses non moins de 80 milliards de dollars. Enfin, le Brésil s’est positionné en leader d’un marché commun sud-américain, Mercosul, bâti sur le modèle de la CEE et groupant depuis 1991 l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, le statut de membres associés étant dévolu au Chili et à la Bolivie. Cet ensemble — qui n’est pas encore tout à fait une zone de libre-échange, et encore moins une union douanière — est voué à s’étendre à toute l’Amérique latine avant d’opérer sa jonction, en temps voulu, avec la NAFTA dirigée par les Etats-Unis, ce qui instituerait un immense marché couvrant la totalité de l’hémisphère occidental («De l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu», s’extasiait à l’époque George Bush). Les Brésiliens, cependant, se montrent soucieux de ne pas brûler les étapes (l’intégration est prévue pour l’an 2001, soit dix ans après la signature du Traité d’Asuncion), et cela pour deux raisons comme nous l’a confié le député Paulo Bornhausen, président de la commission mixte de Mercosul: d’abord, les pays d’Amérique du Sud seraient bien avisés de parfaire leur intégration avant d’affronter en négociation le Colosse américain, qui n’en ferait qu’une bouchée en effet s’il avait à négocier séparément avec chacun d’entre eux, ou presque; et ensuite le Brésil, de tous ses partenaires, est le seul à se prévaloir d’une vocation économique mondiale et non seulement régionale. Mercosul ( acronyme portugais pour «Marché commun du Sud») n’absorbe ainsi que 15% des exportations brésiliennes ; mieux encore, de tous les clients du Brésil, le bloc nord-américain n’arrive qu’en seconde place (21%) bien après l’Union européenne (28%), un tel palmarès étant d’ailleurs exhibé comme un signe d’excellence et de compétitivité des produits brésiliens, dont un nombre croissant bénéficie du label international de qualité ISO 9000.
Cette qualité supérieure, l’Etat de Rio Grande do Sul, situé à la pointe sud du Brésil et jouxtant l’Argentine et le Paraguay, la revendique à plus d’un titre : qualité de vie d’abord, avec le taux d’alphabétisation le plus élevé du pays (98%) et un revenu per capita supérieur d’un tiers à la moyenne nationale; qualité de l’environnement ensuite car cet Etat produit du pétrole, du gaz et du charbon, il possède une industrie extrêmement diversifiée dans et autour de sa capitale Porto Alegre, et il réussit pourtant le tour de force de rester résolument vert: les espaces protégés y sont nombreux, les pampas y sont immenses et abritent des millions de têtes de bétail souvent gardés par des gauchos qui avec leurs chapeaux, leurs pantalons bouffants, leurs bottes, leur fouet et leur gourde à maté, ressemblent comme des frères à leurs collègues argentins. Quant aux montagnes du très attachant Rio Grando do Sul - qui est incidemment le seul Etat du Brésil bénéficiant de «vraies» saisons bien distinctes — elles paraissent tout droit sorties de Bavière, impression que viennent conforter, comme dans l’élégant centre de villégiature de Gramado, les constructions en bois à toits fortement en pentes et les enseignes à consonance invariablement germanique. Last but not least, qualité de la performance et du savoir-faire: avec neuf millions d’habitants «seulement» pour une superficie égale à celle du Chili, le Rio Grande do Sul assure à lui seul dix pour cent du total des exportations brésiliennes; il se veut l’épicentre de la zone Mercosul, du moment que sa capitale est à égale distance de Buenos Aires et de Sao Paulo, et il a réussi à s’affirmer comme le plus méthodique et le mieux organisé de tous les Etats du Brésil, avec sa centrale de promotion industrielle, la SEBRAE, qui fait office tout à la fois de banque de données sur les marchés internes et étrangers, d’intermédiaire entre les petites et moyennes entreprises pour le troc ou la revente de matériel, et surtout d’intraitable gardien de la qualité des produits.

Priorités sociales

Toute médaille ayant son revers, la dette interne est énorme cependant , le déficit de la balance commerciale ne cesse de croître et le taux de croissance demeure modeste. Les salaires restent relativement bas au Brésil (le minimum légal est de 120 dollars par mois, presque le prix d’un bon repas dans un restaurant chic) même si les indemnités de licenciement sont considérables, ce qui a, du moins, le mérite d’entretenir la sécurité de l’emploi; à ces salaires bas, que s’efforcent d’arrondir d’ailleurs de nombreux Brésiliens d’ailleurs en s’adonnant à des occupations secondaires, correspondent toutefois des prix élevés; Sao Paulo, par exemple, est actuellement une des villes les plus chères du monde. Si bien que dans cette gigantesque cité qui va allègrement sur ses vingt millions d’habitants — comme d’ailleurs dans la féerique Rio de Janeiro où les misérables bidonvilles, les favelas, sont à un jet de pierre des hôtels de luxe — il est énergiquement déconseillé, surtout aux visiteurs étrangers, d’arborer une Rolex à son poignet ou une chaînette d’or à son cou pour aller dîner en ville, ou encore de tirer de ses poches des liasses de bank-notes.
Si, de manière générale, il n’entame en rien la joie de vivre et la gentillesse toutes naturelles du peuple brésilien, ce profond déséquilibre de la société, marqué par une distribution très inégale des revenus, est un des principaux défis que devra relever le régime Cardoso. A l’heure où l’énormité de la dette interne suscite, comme pour la saga haririenne de la reconstruction au Liban, l’inquiétude croissante des milieux financiers, l’infrastructure du pays a grand besoin d’être rénovée, de nouveaux fonds sociaux doivent être créés d’urgence pour améliorer l’éducation, les soins médicaux et le logement, et une réforme de la fiscalité s’avère inévitable; tous ces défis cependant (et c’est cela qui est nouveau, malgré les réticences viscérales d’un Congrès souvent paralysé par l’imprévoyance ou la corruption) c’est avec une confiance retrouvée que le Brésil les aborde, désormais.

Issa GORAIEB
Malgré les milliers de kilomètres qui les séparent, le Liban et le Brésil ont toujours entretenu d’étroites relations, que commandait en effet la présence, dans ce gigantesque pays d’Amérique du Sud, de nombreux immigrés d’origine libanaise. Depuis deux ans cependant, ces liens se sont spectaculairement resserrés grâce, notamment à diverses activités commerciales et...