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Actualités - REPORTAGE

La tradition ne se perd pas Oussama Rahbani : un clip contestataire, mais de si bons sentiments... (photos)

«Lezem ghayyer an nizâm» (je dois changer le système), le dernier clip d’Oussama Rahbani a fini, après de multiples péripéties, par être autorisé et par passer à l’antenne. Auparavant, le créateur a pu s’expliquer. Invité du Journal télévisé de la MTV, Oussama Rahbani a mis un terme à la polémique qui battait son plein depuis deux semaines. Il a «remercié le président Hraoui, le président Berry, le député Nassib Lahoud, la presse et différents partis politiques» dont les voix se sont élevées pour défendre son travail et à travers lui la liberté d’expression…
Oussama Rahbani s’inscrit — on le voit, et c’est le mot — dans le droit fil de ses illustres aînés, les frères Assi et Mansour Rahbani, son oncle et son père. Aussi bien du point de vue artistique que socio-humain. Son clip est une réalisation audacieuse, avant-gardiste même par certains côtés. A l’instar de ses aînés, il n’hésite pas à choquer dans ses prestations. Mais comme eux, il manie ensuite avec habileté le langage de la diplomatie…
Petit come-back. «Il y a 18 mois, j’ai soumis un synopsis à la Sûreté générale», raconte Oussama. «Bien que le trouvant trop pessimiste, le responsable a donné son feu vert. Le clip devait passer à partir du 7 août», dit Oussama. «Mais voilà, en raison des «problèmes sociaux» et de tensions internes, il a été suspendu... Le titre et la réalisation (caméra de surveillance genre «1984», noirceur…) mal interprétés, ont inquiété. «Ne pouvez-vous faire quelque chose de plus gai, et éviter ainsi d’étouffer les gens?» m’a-t-on demandé». L’interdiction de diffusion a soulevé un tollé général. Oussama Rahbani en a appelé au président de la République et tout s’est dénoué. «Il m’a semblé normal de remercier M. Hraoui», dit Rahbani qui s’affirme «respectueux de l’Etat». «Peu importe le pouvoir en place, j’ai le respect de la charge ou de la fonction». Oussama aurait-il fait n’importe quelle concession pour que son clip passe? «Non, certainement pas. D’ailleurs, ce ne sont pas vraiment des concessions que j’ai faites… J’ai simplement usé de diplomatie. Mais il y a des limites que je n’aurais pas accepté de franchir. Dans ce cas, il y aurait eu un «clash» et j’aurais cherché à vendre mon travail à une télévision étrangère ou même à le faire diffuser sur satellite…»

Clip ou court-métrage…

Le clip contesté, ce sont quelques prises de vue de la ville: détritus, chantiers, poussière… Dans un studio d’étudiant, encombré de disques, de livres, un jeune homme (Oussama lui-même) se lève du lit, se rase, se douche et s’habille. «L’enfer, c’est les autres», assène une voix off. «Tous les jours les mêmes têtes, les mêmes choses… tu te lèves, tu te rases, tu te laves des mensonges de la société qui te collent à la peau… du bruit, de la poussière, des embouteillages»… Les images qui défilent jumelées à la musique donnent au spectateur l’impression d’être dans une cocotte-minute, sous haute pression… D’autant que le bonhomme accomplit tous ces gestes quotidiens sous l’œil vigilant d’une caméra de surveillance. Au fur et à mesure que cet anti-héros avance dans les rues de la ville, il nous en révèle la saleté. L’individu est constamment agressé, ses sens sont «violés» par la laideur, le bruit, les odeurs, les dégradations de l’environnement… «Pour changer ma situation, il faut peut-être que je change le système», reprennent en chœur Carole Samaha et Lorette Hélou, les deux choristes du clip.
L’idée germe dans l’esprit du jeune Oussama il y a plus de cinq ans. «J’avais un rendez-vous à Jounieh. J’y suis arrivé avec une heure trente de retard!» se souvient-il. «Dans un état d’esprit proche de la folie. J’ai alors imaginé qu’un type soumis à une telle pression peut en arriver à «débloquer». Un individu tout ce qu’il y a de plus honnête, de plus pacifique est entraîné malgré lui dans l’engrenage de la violence. Se substituant à l’autorité, il veut imposer sa loi…» Et Oussama de poursuivre, «mais s’il fait cela, il est contre la loi, il outrepasse ses droits; ne tient plus son rôle dans la société…»
L’idée fait son chemin. «En 1993, j’ai écrit un premier synopsis. C’est l’histoire d’un homme qui refuse d’entrer dans l’engrenage de la violence qu’il voit se développer autour de lui. Arrive un jour où dans le désordre général, il descend de voiture et décide de faire lui-même respecter l’ordre…» Ce premier jet connaît une évolution. Dans le clip qui nous est présenté, le jeune homme, bloqué dans une des rues de la ville, regarde autour de lui: des gamins qui mendient, une bagarre qui éclate, des gardes du corps qui jaillissent d’une voiture, une femme enceinte qui accouche dans un embouteillage… Abandonnant sa voiture sur place, notre héros ahuri, dépasse la foule qui laisse éclater sa violence… muet, il s’enfonce dans la mer… «Mon scénario a évolué», dit Oussama. «Aujourd’hui mon homme est muet, il étouffe. Il se dirige vers la mer. La fin est laissée floue. A chacun d’y voir ce qu’il veut: il se dirige vers une aube nouvelle, sa foi le fait marcher sur l’eau ou encore son désespoir l’y enfonce…»

Le système

Le clip de «Lezem» a été préparé et filmé à la manière d’un court-métrage. «Avec Ghadi, mon frère, nous avons écrit le scénario du clip à la façon de celui d’un film: nous avons travaillé à la fois sur l’idée, l’image, la musique et le scénario. Au début, c’était plus un sujet qu’une chanson».
Quand on demande à Oussama Rahbani d’expliquer le titre de son clip, et notamment le concept de «système», il est intarissable. «C’est un mot large, qui englobe différents concepts: le régime politique n’en forme qu’une partie. Le système c’est l’ensemble de facteurs sociaux, humains, éducatifs et politiques qui façonnent l’individu. Quand je dis «Je veux changer le système», c’est très large. C’est tous ces facteurs que je dénonce». Et Oussama d’ajouter, «c’est mon rôle. Je dois rester vigilant. Il ne s’agit pas d’être dans l’opposition contre un pouvoir, mais contre tous les régimes. L’homme, quand il accède au pouvoir, devient bureaucrate, il perd tout sens de la critique. La révolution qui accède au pouvoir, est happée par lui. Elle finit toujours par s’auto-détruire».
Quant au résultat de sa contestation, Oussama précise que son travail prend sa source «dans les difficultés quotidiennes que je dois affronter, à l’instar des autres Libanais».
Le clip a dérangé, a plu ou a déplu, mais a rarement laissé les gens indifférents. «J’ai ainsi atteint mon but», dit-il. «Je voulais que le message arrive. Arrêtons de nous détourner de chaque chose qui nous dérange et de nous cacher derrière notre petit doigt. Rien ne va! Et nous allons de mal en pis». Son message: «Faire prendre conscience que nous sommes dans l’erreur. L’individualisme nous conduit dans une dégringolade de plus en plus irrémédiable. Il faut prendre notre situation sérieusement en main». Il poursuit: «le problème c’est nous et non pas l’Etat. Si nous remplacions nos ministres et députés par des Suédois, est-ce que les choses s’amélioreraient d’elles-mêmes?»
La production relève plus d’un film que d’une vidéo: chambre reconstituée, rues choisies avec soins et squattée pendant tout le tournage, figurants payés. «La production étant lourde et chère, nous en avons profité pour filmer en même temps «Lezem» et un autre clip, «Hayda Loubnan» (C’est le Liban). Les deux nous ont coûté près de 200.000 dollars, en matériel, salaires… Les clips ont mobilisé plus de 300 personnes».
Parallèlement, Oussama Rahbani sort un CD, «An Nizam al-Jadid» (Le nouveau système).
Neuf chansons, écrites pour la plupart par Mansour Rahbani et mises en musique par Oussama. «Ce sont mes idées traduites en poèmes par mon père. Quand on a un des meilleurs poètes au Proche-Orient sous la main, il serait dommage de ne pas en profiter», lance-t-il. Les chansons dénoncent la corruption, le laisser-aller… parlent de révolution, de changement… et d’amour.
Quant au clip de «Lezem», 6’47”, il a encore un mois de diffusion sur le petit écran… avant de se retrouver, peut-être, en salle, jouant les ouvertures avant les films…

Aline GEMAYEL
«Lezem ghayyer an nizâm» (je dois changer le système), le dernier clip d’Oussama Rahbani a fini, après de multiples péripéties, par être autorisé et par passer à l’antenne. Auparavant, le créateur a pu s’expliquer. Invité du Journal télévisé de la MTV, Oussama Rahbani a mis un terme à la polémique qui battait son plein depuis deux semaines. Il a «remercié le président...