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Actualités - REPORTAGE

Claude Chalhoub , Souheil Saba : un jeune talent, un mécène providentiel (photos)

A 22 ans, Claude Chalhoub, violoniste, finit sa troisième année au Royal College of Music de Londres. On dira que c’est un peu tard, en pensant à tous les jeunes prodiges de 13 ans, Coréens et autres, qui sont déjà sur CD… Mais on dira aussi que c’est une chance, presqu’un miracle, qu’un jeune venant d’un pays aussi peu structuré que le Liban ait pu en arriver là, à ce top. Une chance, un miracle? Un conte de fée plutôt, qui aurait pour nom Souheil Saba. C’est en effet grâce à ce mécène-mélomane, passionné de violon, que Claude a pu s’inscrire au Royal College après des années d’infructueuses tentatives… C’est que, si cet établissement célèbre dispense aux surdoués un enseignement gratuit, la bourse n’est pas suffisante pour vivre à Londres. Et c’est donc Souheil Saba qui a assuré les trois années de studieux séjour de son pupille musical sur les bords chantants de la Tamise. Histoire d’une «success story».

Une silhouette frêle, un visage encore adolescent qu’encadre une chevelure de jais, des yeux noirs pétillants derrière des lunettes d’intellectuel, Claude Chalhoub est d’un abord timide. Il a huit ans quand on lui met un violon entre les mains. «Un violon d’adulte», précise-t-il. Il passe deux ans au conservatoire à Horch Tabet. «Les violents bombardements qui reprennent font voler en éclat les bâtiments du conservatoire et nous tiennent cloîtrés à la maison. Plus d’école, rien à faire», se rappelle-t-il. Alors, pour tromper son ennui, Claude Chalhoub se lance à corps perdu dans la musique. «Je jouais jusqu’à dix heures par jour. Toute partition, qui me tombait sous la main, était bonne pour mes exercices». Et il ajoute, «à Londres, celui qui le souhaite peut trouver tout sur la musique. Il y a une atmosphère qui n’existe pas chez nous. Par mon assiduité, j’ai voulu pallier ce manque». Il perfectionne sa technique, «c’est bien l’unique chose que je pouvais faire». A 15 ans, il réintègre le conservatoire. Deux années pendant lesquelles il brille par sa maîtrise. «J’ai fini par être remarqué par le directeur, M. Walid Gholmieh, qui me faisait jouer à chaque occasion officielle». Et de déplorer, qu’«au Liban on utilise essentiellement les musiciens du conservatoire pour les commémorations!» A cette même période, le jeune violoniste accompagne des vedettes de la chanson, comme Magida el-Roumi et Marcel Khalifé…
Claude Chalhoub a une volonté de fer et de la suite dans les idées. «J’ai demandé alors à de nombreuses ambassades comment faire pour décrocher une bourse. Elles n’avaient même pas de dossier ou de formulaires à me faire remplir! J’avais déposé, au conservatoire, une demande de bourse, à toutes fins utiles». Tel le Petit Poucet, Claude sème ses cailloux, un peu partout, tout en continuant à s’exercer comme un forcené.
Hasard ou destin? «Je ne sais pas. Le fait est que M. Saba était entré en contact avec le conservatoire de Beyrouth car il souhaitait donner une bourse d’étude à un jeune violoniste. Il se trouve que j’étais le seul à avoir déposé une telle demande. M. Saba m’a fait parvenir un dossier du «Royal College of Music» que j’ai aussitôt rempli. Il fallait y joindre un enregistrement». Trois morceaux figurent sur la cassette audio qui accompagne le dossier Chalhoub: le concerto de Saint-Saëns, «enregistré sans piano»; la première sonate de Bach et la guêpe de Rimsky-Korsakov. «Trois morceaux, trois périodes: le romantique, le baroque et le contemporain. Et trois rythmes».

Rencontre

Parallèlement à cet envoi, Claude Chalhoub rencontre à l’occasion du Festival du Bustan, un des plus fameux violonistes russes, Grigory Zhislin, «qui est professeur au Royal College. Sa classe est réputée inaccessible. Quand il m’a vu jouer, il m’a proposé d’intégrer son cours à Londres… à la condition que je sois accepté au Royal College». La célèbre institution, sur foi de l’enregistrement, accorde à Claude une bourse de trois mois… à l’essai. «J’ai obtenu la plus importante bourse dans ce domaine à Londres, la bourse de la Reine-Mère Elizabeth». Cette aide couvre les frais d’études. «Il n’était pas question que mes parents me financent. Les frais de voyage, d’installation et de séjour sont assez lourds. Souheil Saba s’en est chargé, généreusement».
Les trois mois initiaux se transforment en une année, l’année en trois ans. «L’excellence était la condition du renouvellement de ma bourse. A la fin de cet été, je rentre à nouveau à Londres. J’ai encore eu une bourse pour terminer ma maîtrise. C’est une année de recherche sur un thème musical».
A Londres, outre les études et les répétitions, Claude donne des leçons particulières et surtout des concerts. «Le dernier en date, à l’église St-John’s Smith, était donné au profit de l’association d’amitié libano-britannique. Il y avait plus de 700 personnes». Un concert aussi marquant, mais pour de toutes autres raisons, c’est celui qu’il a donné au College en l’honneur du Prince Charles. Rien de moins. «J’ai été choisi, ainsi que deux autres étudiants, pour jouer devant le Prince de Galles, président d’honneur du College. Après le concert, il est venu faire un brin de causette avec chacun. Remarquant mon physique, plutôt oriental, il m’a demandé mon pays d’origine et a été très étonné de savoir qu’un Libanais faisait partie du staff étudiant. Nous avons parlé de la guerre, de la politique… de tout sauf de musique», raconte Claude Chalhoub.
Se définissant comme un interprète romantique, le jeune violoniste aborde néanmoins tout genre de musique classique. «Il n’y a pas de musique ou de compositeur que je n’aime pas», dit-il. «Il y en a que je ne connais pas». Il explique que «pour être un bon interprète, il faut connaître le compositeur, les circonstances dans lesquelles le morceau a vu le jour. L’interprète reproduit toute une atmosphère, il ne se contente pas de jouer, platement». Et de donner un exemple: «Tartini a une composition qui s’appelle «le diable ricaneur». Il l’a écrite au lendemain d’un cauchemar qu’il a fait et dans lequel il y avait un diable. Une fois situé le contexte, je sais qu’il faut pimenter l’interprétation, il doit y avoir de la malice, un soupçon de «diablerie»…»
Ses compositeurs préférés, «Tchaïkovski, Brahms, Prokofiev. Leurs musiques sont bouleversantes. Elles font écho aux sentiments forts dont nous a imprégnes la guerre».
Claude Chalhoub a de l’ambition mais il ne manque pas de réalisme. «J’ai un don pour l’interprétation, pas pour la composition», constate-t-il. «Ce don je l’ai développé grâce à un travail acharné, quotidien». Hasard ou chance? Claude croit au destin. «Il se trouve que mon chemin a croisé celui de M. Saba. Mais ça aurait pu être un autre que lui et il aurait pu aider un autre que moi».
Sous ses airs de timidité, Claude Chalhoub voue une véritable passion… pour son violon. «C’est un instrument merveilleux. Ce n’est pas une machine, il a une âme, il vibre. Tous les compositeurs ont créé des morceaux pour violon, c’est dire…».
Un CD pour janvier 1998, des participations aux plus grands concours, une place privilégiée dans le peloton de tête des interprètes internationaux: Claude Chalhoub a des projets et plus d’une corde à son archet…

Aline GEMAYEL
A 22 ans, Claude Chalhoub, violoniste, finit sa troisième année au Royal College of Music de Londres. On dira que c’est un peu tard, en pensant à tous les jeunes prodiges de 13 ans, Coréens et autres, qui sont déjà sur CD… Mais on dira aussi que c’est une chance, presqu’un miracle, qu’un jeune venant d’un pays aussi peu structuré que le Liban ait pu en arriver là, à ce top....