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Actualités - CHRONOLOGIE

Le gouvernement pourrait réviser les dernières mesures protectionnistes Les organismes économiques réclameraient la levée de l'interdiction des importations

Une réalité se fait jour de plus en plus: les défenseurs des récentes mesures protectionnistes adoptées le 10 juin en Conseil des ministres se limitent à un cercle restreint qui diminue comme une peau de chagrin. Déjà affaibli par un fort courant ministériel qui conteste le bien-fondé de ces décisions, le gouvernement est pris sous le feu croisé de différents milieux politiques et des divers cercles d’affaires qui mettent en garde contre l’extrême gravité de la politique dirigiste dans laquelle s’est (maladroitement) engagé l’Exécutif en surtaxant les voitures de tourisme et en interdisant l’importation d’une vaste gamme de produits agricoles. Face au tollé quasi généralisé, il n’est pas exclu que le Cabinet apporte certains amendements aux mesures drastiques annoncées le 10 juin. Le dossier serait, en tout état de cause, réexaminé au cours du Conseil des ministres qui se tiendra jeudi au palais de Baabda .
Dans le contexte présent, la contestation porte essentiellement sur un point précis: le principe même de l’interdiction (pure et simple) de l’importation. Les milieux d’affaires estiment qu’une telle option constitue, en sus de ses retombées négatives sur le consommateur, une atteinte flagrante au système économique libéral. Les sources précitées affirment qu’il ne saurait être question, quel que soit le prétexte, d’agréer cette politique car cela reviendrait à remettre en question ce qui a fait la prospérité et la spécificité du Liban pendant de nombreuses années.
Ce point de vue sera largement exposé et défendu au cours de la réunion élargie que l’ensemble des organismes économiques tiendront demain, mercredi, à 12 heures 30, au siège de la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth, à Sanayeh. Dans un communiqué de presse diffusé hier, le président de la CCIB, M. Adnane Kassar, a indiqué que cette réunion extraordinaire a été décidée à la suite des concertations entreprises avec les chefs des différents organismes économiques, à la lumière des décisions adoptées le 10 juin par le gouvernement.
Soulignant que ces mesures ont des retombées économiques et sociales aussi bien «ponctuelles que stratégiques», M. Kassar a précisé que les organismes adopteront une position unifiée à cet égard, conformément à «leurs convictions» et aux «impératifs de l’intérêt national». De source digne de foi, on apprend que le ton est à la fermeté au niveau des organismes économiques qui seraient déterminés à aller jusqu’à l’adoption de mesures d’escalade si le gouvernement ne révise pas ses mesures protectionnistes. Le mot d’ordre sur ce plan est le rejet du principe de l’interdiction des importations.
C’est précisément à ce niveau que se situe le maillon faible de la nouvelle politique agricole préconisée et défendue par le chef du gouvernement et le ministre de l’Agriculture. N’aurait-il pas été plus logique de doper le secteur agricole en augmentant les taxes sur certains produits étrangers en concurrence avec les produits locaux, plutôt qu’en interdisant leur importation? N’aurait-il pas fallu commencer par l’exécution d’une stratégie de développement agricole, incluant une politique de crédits, la concrétisation de projets d’irrigation et l’octroi d’une aide sérieuse sur le double plan de l’équipement et du savoir-faire, sans compter la conclusion d’accords pour la promotion des exportations?

La contrebande

Le caractère apparemment irrationnel des mesures prises dans ce cadre par le gouvernement incite à soulever une autre question fondamentale: l’interdiction des importations englobera-t-elle les produits syriens? Si tel est — en principe — le cas, les autorités libanaises sont-elles réellement en mesure d’appliquer cette décision à de tels produits? Sont-elles en mesure d’empêcher la contrebande à travers les frontières terrestres? Force est de constater que les doutes qui planent à ce propos suscitent nombre d’inquiétudes. Car interdire les importations dans de telles conditions reviendrait à placer le consommateur libanais dans une situation qu’il n’est pas difficile d’imaginer, à cause de la perméabilité incontrôlée des frontières terrestres. Et le pire, dans ce cas, c’est que les producteurs locaux n’auraient pas tiré profit des mesures «protectionnistes».
Indépendamment de cet aspect vital, il est de notoriété publique que l’élimination de la concurrence étrangère risque fort de provoquer une hausse des prix et une baisse de la qualité des produits locaux disponibles. De surcroît, la fermeture du marché local face aux produits étrangers pourrait pousser certains pays à interdire, suivant le principe de réciprocité, l’entrée de produits libanais sur leurs marchés. Ce point a d’ailleurs été soulevé par le syndicat des importateurs et exportateurs des fruits et légumes, dans un mémorandum remis hier à M. Hariri. Le syndicat en question affirme à ce sujet que plusieurs pays arabes auraient déjà envisagé l’adoption de mesures de réciprocité pour riposter à la politique protectionniste adoptée par Beyrouth. Tel serait le cas, en particulier, de l’Egypte qui pourrait ne plus importer les pommes libanaises si le Liban s’abstient d’importer des mangues ou des pommes de terre égyptiennes.
Pour éviter ainsi la perte des marchés extérieurs, le syndicat susmentionné souligne qu’il serait préférable, plutôt que d’interdire les importations, d’augmenter les taxes sur les produits importés en adoptant un calendrier agricole mis au point en fonction des besoins de la consommation locale.
Même son de cloche au niveau du syndicat des propriétaires des industries agroalimentaires dont les représentants ont été reçus hier par le ministre de l’Industrie Nadim Salem. Dans une déclaration faite à l’issue de la rencontre, l’un des responsables du syndicat, Georges Nasrawi, devait qualifier les décisions du 10 juin de «mesures improvisées». Exprimant la crainte que certains pays vers lesquels le Liban exporte adoptent des mesures de rétorsion, M. Nasrawi a souligné que si les produits dont l’importation serait interdite devaient être fabriqués localement, le coût de production au Liban serait, dans certains cas, supérieur au prix des produits importés.
Ironie du sort: les effets néfastes du principe de l’interdiction des importations sur les prix à la consommation et sur les relations économiques du Liban avec les pays étrangers ont été explicitement évoqués et mis en évidence par... le ministère des Finances(!) dans l’introduction du projet de budget 1997. C’est ce qu’a relevé hier le «groupe parlementaire national» (qui comprend les ténors de l’opposition parlementaire, MM. Sélim Hoss, Hussein Husseini, Omar Karamé, Boutros Harb, Nessib Lahoud et Mohammed Youssef Beydoun). Le bloc en question a vivement critiqué dans ce cadre les nouvelles options économiques du gouvernement.
La vague de contestation et d’opposition aux mesures protectionnistes du Cabinet Hariri ne cesse, d’ailleurs, de prendre de l’ampleur. Parallèlement à la grogne des cercles d’affaires, deux députés de Beyrouth, MM. Michel Pharaon et Tammam Salam, ont dénoncé les décisions du gouvernement, mettant l’accent sur la nécessité de réviser les mesures adoptées en Conseil des ministres. Même la CGTL loyaliste conduite par M. Ghanim Zoghbi s’est mise hier de la partie en rejetant les augmentations de taxes et les effets possibles des mesures protectionnistes.
A la veille de la réunion du Cabinet, jeudi, les contestataires pourraient être tentés d’accroître leur pression, d’autant que l’impression générale est que l’option prise le 10 juin par l’Exécutif pourrait s’étendre dans un proche avenir à d’autres secteurs de l’économie. Le gouvernement continuera-t-il, dans un tel contexte, à faire la sourde oreille en insistant à vouloir définir, seul, la politique économique du pays, sans aucune concertation avec les parties concernées? Dans certains cercles loyalistes, on n’exclut pas que le pouvoir finisse quand même par tenir compte de certaines critiques formulées çà et là. Sur ce plan, dans le cas du Cabinet Hariri, une fois n’est pas coutume... M.T.
Une réalité se fait jour de plus en plus: les défenseurs des récentes mesures protectionnistes adoptées le 10 juin en Conseil des ministres se limitent à un cercle restreint qui diminue comme une peau de chagrin. Déjà affaibli par un fort courant ministériel qui conteste le bien-fondé de ces décisions, le gouvernement est pris sous le feu croisé de différents milieux politiques et...