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Actualités - OPINION

Regard En marge de l'art festival : la collection de l'IC Pourquoi pas ?

Très vite, l’«Art Festival» de l’International College, organisé depuis quelques années par Antoine Boulad, s’est imposé comme une tradition annuelle, prenant à chaque fois plus d’ampleur. A côté d’expositions importantes de peintres locaux (cette année le thème est le «paysage» et les «vues urbanies»), les élèves y présentent le résultat de leur initiation concrète, le crayon, le pinceau, les ciseaux et les pots de colle à la main, aux œuvres et aux démarches de grands artistes comme Van Gogh, Matisse et Picasso. Quelle meilleure approche des arts plastiques peut-on souhaiter au niveau scolaire, en tout cas quelle approche plus créative et ciblée à la fois?
En même temps, plus discrète sinon plus secrète, s’est implantée une autre tradition grâce au directeur R. Tombé qui a su débrouiller les fonds pour, chaque année, choisir et acquérir une ou deux œuvres d’artistes libanais participant au festival. C’est ainsi que s’est vite constitué le noyau d’une belle collection qui compte aujourd’hui une quinzaine de pièces de qualité. Une sélection éclectique mais au goût très sûr qui, peu à peu, pourrait constituer une sorte de panorama en raccourci de la bonne peinture et de la bonne photographie au Liban.
D’Amine Elbacha, une petite œuvre abstraite très avenante, une autre plus ludique et légère, un Abou Abed entarbouché et moustachu qui constitue peut-être la seule erreur de sélection, mais surtout une «Femme en attente», véritable chef-d’œuvre de peinture à l’huile par le découpage de l’espace, le positionnement des objets, de la femme et de l’oiseau sur le rebord de la fenêtre (elle-même tableau dans le tableau), les rapports du dedans et du dehors, l’intrusion de la lumière, les couleurs magnifiques d’intensité et de virtuosité dans les nuances et par l’ambiguïté troublante, quasi érotique, qui s’instaure entre la femme, assise de biais sur un sofa dans une raideur tendue et rêveuse, les lèvres écarlates, et le pigeon qui la contemple, pointant vers elle un bec non moins rouge.
La gouache de Issa Hallmoun représente également une femme attablée et peut-être accablée près d’une théière, œuvre plus ample et ambitieuse que les compositions habituelles du jeune artiste et d’un beau coloris à dominante roses alors que la toile d’Elbacha est un triomphe de bleus et de verts.
De Hussein Madi, des chevaux stylisés à sa manière si caractéristique qui s’entrecroisent et se superposent en noir et blanc sur un fond rose indien, créant une sorte de mouvement perpétuel qui oblige le regard à un va-et-vient incessant: une version très personnelle de l’entrelacs oriental.
La toile d’Yvette Achkar est un sorte d’espace en expansion qui se vide de ses contenus, les expulsant vers le bord comme pour les pousser hors du cadre.
Celle de Rima Aminuni est imposante par sa dimension mais aussi par son traitement puissant aux couleurs franches et généreuses d’une chaise inoccupée entourée d’objets et de plantes.
Le crayonnage de Halim Jurdak aux Caran d’Ache pourrait être pris pour un gribouillage d’enfant par sa spontanéité riche en couleurs: c’est l’aboutissement d’années de travail. Cette sorte de spontanéité au second degré s’acquiert de haute lutte, c’est un aboutissement, pas un point de départ.
Paul Guiragossian est présent avec deux dessins au pinceau, enlevés avec l’agilité et le bonheur qui n’appartiennent qu’à lui: un oudiste à l’arrière-plan égrène les notes qui font se déhancher une bayadère en avant-plan. Tout cela coule comme des takasim optiques.
Mohammed Rawas montre dans sa lithographie «The Charm» à la fois sa profonde connaissance de cette technique d’impression et son sens de l’intégration complexe et simple à la fois d’éléments disparates mais liés par les relations invisibles.
Dans ses estampes «Europe» et «Cadmos», Mona Bassili combine, avec son style graphique et chromatique simplifié, personnages, objets, lettres, mots et figures géométriques dans un espace ouvert où les particules lumineuses se matérialisent en confetti colorés.
Deux dessins finement délinéés sur l’avis de Afaf Zreik, «Les Portes», décrivent tout à fait le monde très intériorisé de cette artiste repliée sur elle-même. Partout des serrures comme pour, à la fois, mieux fermer les portes et mieux espionner ce qui se passe derrière ou devant.
Les portes et les fenêtres aux battants rouges de la maison libanaise dans la photographie de Houda Kassatly semblent, elles, par la rare intensité de leur couleur, faire la parade et même la fête, prêtes à accueillir le visiteur inopiné. Belle qualité de tirage.
Ajouter à tout cela quelques estampes géographiques anciennes.
Une telle collection est sans doute unique en son genre dans les écoles au Liban, si je ne m’abuse. Vous montez dans les locaux administratifs, généralement rébarbatifs, d’une ancienne école, et soudain vous tombez sur un véritable trésor. Quelle surprise! Un exemple à imiter, et pas seulement par les écoles.
La collection n’en est qu’à ses débuts et pourrait, avec les ans, acquérir une réelle importance, devenir l’amorce d’un petit musée privé d’art contemporain qui serait éventuellement ouvert au public, pourquoi pas?

Joseph TARRAB
Très vite, l’«Art Festival» de l’International College, organisé depuis quelques années par Antoine Boulad, s’est imposé comme une tradition annuelle, prenant à chaque fois plus d’ampleur. A côté d’expositions importantes de peintres locaux (cette année le thème est le «paysage» et les «vues urbanies»), les élèves y présentent le résultat de leur initiation concrète,...