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Actualités - OPINION

Impressions de la semaine Princesse lointaine

Je m’étais préparé, après mon éloge de Ghassan Tuéni, à rendre hommage à une autre personnalité grecque-orthodoxe, mon ami Fouad Boutros.
Fouad Boutros, après avoir passé, sous mon mandat, au ministère de l’Education nationale et de la Défense, avait été désigné ministre des Affaires étrangères. Il avait pu alors rencontrer la plupart de nos amis étrangers. Mais c’est sous le mandat de M. Elias Sarkis que Fouad Boutros fut, pendant six ans, avec beaucoup de mérite et de savoir-faire, co-président de la République.
Mais je dois reporter ce projet d’une semaine. M. Edmond Jouve (professeur à l’Université Paris V-René Descartes, qui dirige en Dordogne les rencontres internationales francophones) me signale à distance que je luis dois une conférence annoncée par moi dans la charmante petite ville de Calès après mes discours de Gourdon et Souillac.
J’ai envoyé à M. Jouve des extraits de cette conférence consacrée à «La princesse lointaine» d’Edmond Rostand. Le sujet? la plupart des lecteurs le connaissent. Joffroy Rudel prince et poète du 12e siècle, ayant entendu parler sur les côtes de France, de la princesse d’Orient Melissinde, avait pris la mer en compagnie de nombreux amis dont le compagnon fidèle du prince, Bertrand d’Allamanon, troubadour provençal, frère Trophime et une foule de mariniers.
Le prince Rudel disant sur la nef:
«Oui, vous ne portez pas César et sa fortune,
«Mais vous portez Joffroy Rudel et son amour».
Le prince troubadour disait aussi:
«C’est chose bien commune
«De soupirer pour une
«Blonde, châtaine ou brune
«Maîtresse,
«Lorsque, brune, châtaine
«Ou blonde, on l’a sans peine.
«Moi, j’aime la Lointaine
«Princesse!
La nef du prince aborda au rivage, dans les environs de Tripoli et c’est le compagnon Bertrand qui se présente à la princesse pour remplacer le prince Rudel très malade.
Après un échange de propos des plus tendres, entre l’ami du prince et la princesse, tous deux décident de se rendre à la mer où le prince Rudel agonise. Melissinde arrive au bateau et dit:
«Je viens. Si ma galère a parfumé l’écume,
«C’est que les avirons sont en bois de santal».
Et le dialogue se poursuit entre le prince mourant et sa visiteuse princière.
«Voici pour votre doigt ma bague d’améthyste
«Dont la couleur convient à notre bonheur triste...»
Elle ajoute:
«Voici pour votre cou mon collier à blason...»
Le prince:
«Ils vous font peur, mes yeux, déjà gris et vitreux?»
Elle:
«Et voici maintenant mes lèvres sur vos yeux!»
Lui:
«Mes lèvres vous font peur, que gercèrent les fièvres?»
Elle:
«Et voici maintenant mes lèvres sur vos lèvres!»
Le Frère Trophime intervient pour dire:
«Non, Madame. L’amour est sain. Dieu le voulut.
«Celui qui meurt d’amour est sûr de son salut».
Joffroy:
«Parlez, car votre voix est la musique même
«Sur quoi j’avais rêvé de mourir!»
Melissinde poursuit:
«Mon étreinte est pour toi d’une telle douceur
«Parce que l’étrangère est encore dans la sœur!
«Tu n’auras pas connu cette tristesse grise
«De l’Idole avec qui l’on se familiarise;
«Je garde du lointain, par lequel je te plus;
«Et, tes yeux se fermant pour ne se rouvrir plus;
«Tu me verras toujours, sans ombre à ma lumière;
«Pour la première fois, toujours pour la première!»

*
* *
Cette princesse lointaine m’a fait penser, tout au long de ma lecture, au propos tenu par des poètes comme Charles Péguy et Ernest Psichari.
Charles Péguy dit en s’adressant à la Vierge:
«Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde,
«Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements,
«Quand nous aurons raclé nos derniers raclements,
«Veuillez vous rappeler votre miséricorde.
«Nous ne demandons rien, refuge du pécheur,
«Que la dernière place en votre purgatoire,
«Pour pleurer longuement notre tragique histoire,
«Et contempler de loin votre jeune splendeur».
Pour Ernest Psichari, autre prière tout aussi émouvante:
«... Nous savons que nous ne résisterons pas et que le bon Dieu entrera sous notre toit, quand il lui plaira. Voilà la base: ne pas résister à la vérité quelle qu’elle soit, attendre, attendre patiemment, sans nervosité, sans inquiétude, attendre l’hôte que l’on désire, et dont, pourtant, on ne sait rien...»
«... Car cet espoir de Dieu, à peine est-il formé qu’il est déjà réalisé, et à peine cesse-t-on de le former qu’il cesse de se réaliser. Et la connaissance de Dieu n’est que l’espoir, sans cesse irréalisé, de Dieu. «Je ne te chercherais pas si je ne t’avais trouvé», et je cesserais de te trouver si je ne te cherchais plus.
Je pense aussi au général de Bigaut de Grand Rue, qui était commandant en chef des troupes françaises du Levant, disant au général mort Georges Perney:
«Georges Perney, mon ami, mon frère d’armes
«Que le Seigneur Dieu des armées
«T’accueille en sa paix, la seule qui soit perpétuelle
«Et sa lumière éternelle sera sur nous».
Je m’étais préparé, après mon éloge de Ghassan Tuéni, à rendre hommage à une autre personnalité grecque-orthodoxe, mon ami Fouad Boutros.Fouad Boutros, après avoir passé, sous mon mandat, au ministère de l’Education nationale et de la Défense, avait été désigné ministre des Affaires étrangères. Il avait pu alors rencontrer la plupart de nos amis étrangers. Mais c’est...