Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Elle prépare un nouveau spectacle Sabah : un prodige de Peps, vocal et personnel... (photos)

Sabah est actuellement en pleine répétition d’opérette, la «Oustourat II» avec Karim Abou Chacra, Joseph Azar, le Petit Prince, Ward al Khal, Fadi Loubnan… Bon prétexte pour la rencontrer, l’interviewer, lui demander le secret de sa forme. Elle se prête d’ailleurs toujours de bonne grâce au jeu des questions. Star, elle l’est assurément. Elle a le souffle, la simplicité des grands. Ses cheveux encadrent d’une lumière ensoleillée un visage aux traits fermes, au sourire éternellement jeune, au regard pétillant de malice. Sa générosité de cœur n’a d’égal que l’excentricité de ses tenues vestimentaires. Sa voix reste une des plus puissantes, son Mouwal des plus longs... La Sabbouha dégage une énergie, une vivacité que plus d’un — et d’une — lui envie. Quatorze opérettes, 84 films, 3.000 chansons, d’innombrables apparitions télé et pour couronner le tout, sept mariages. Septuagénaire, certes. Mais les années n’ont marqué son âme — et son corps — d’aucune ride. Son secret c’est une règle de vie qu’elle suit scrupuleusement: «Carpe diem» (vivre l’instant présent).
Sabah apparaît pour la première fois en 1943, dans un film égyptien. Elle n’est alors que Jeannette Feghali, jeune lycéenne remarquée lors d’une fête de fin d’année. «Je rêvais de faire du cinéma», dit-elle. Un sourire émerveillé aux lèvres, les yeux brillants à l’évocation de ce souvenir, elle ajoute: «C’est le plus beau film que j’ai fait». Dans son entourage, les réactions sont mitigées. «Tout le monde était contre l’idée sauf ma mère qui m’a toujours soutenue et encouragée. Mon grand-père devenait comme fou quand on lui disait que je voulais devenir artiste. L’oncle de ma mère, Mgr Akl, refusait de m’adresser la parole».
De plus loin qu’il nous en souvienne, Sabah a chanté le «terroir», elle a redonné à la dabké la place qui lui revenait dans le paysage artistique libanais... Elle a également exporté la chanson folklorique, lui prêtant les ailes solides de sa voix pour la faire arriver à bon port... Pas un pays, pas une salle prestigieuse que Chahrourat el Wadi n’ait empli des puissantes modulations de son timbre. La Salle Pleyel, Carnegie Hall, l’Olympia, Las Vegas, au Taj Mahal même… Et bien sûr, le Festival de Baalbeck, où elle a donné un important élan au patrimoine musical libanais, le parant de toute sa richesse.
Sabah a travaillé avec pratiquement tous les grands noms de la scène, du cinéma et de la chanson arabes. «J’ai si bien réussi que ce sont les gens qui voulaient travailler avec moi. C’est une grande chance».

La comédie de A à Z…

Quand on demande à la Chahroura quels ont été les artistes avec lesquels elle a aimé travailler, elle répond, spontanément, «Ruchdi Abaza. Il y avait une histoire d’amour entre nous. C’était un homme cultivé et beau». Ensuite, elle évoque d’autres noms: «Farid el Attrache et Abdel Halim étaient «Habayeb Kalbi» (mes amis les plus chers)». Mais c’est à Farid el Attrache que revient sans conteste sa préférence. «Il n’était pas égoïste dans le travail. Il m’aimait à tel point qu’il mettait en avant mon nom et mon rôle. C’était un être exceptionnel».
Des regrets? «Professionnellement aucun. J’aurais peut-être souhaité collaborer avec des stars d’Hollywood. Mais il aurait alors fallu que je vive là-bas et que j’y consacre ma vie. Ce à quoi je n’étais pas du toute encline».
Le cinéma a occupé une place de choix dans la vie artistique de Sabah. Elle constate que «la production cinématographique est négligée au Liban et c’est dommage». De toutes les façons, elle préfère la scène. «C’est l’épreuve obligée pour tout véritable artiste. Il y faut du courage et une force aussi bien morale que physique», remarque-t-elle. «Mais c’est devenu un jeu pour moi...»
Bénie des dieux? Elle l’est certainement puisque aucun incident fâcheux — style aphonie, trébuchade… — n’est venu perturber ses cinquante ans de carrière.
Abordant le volet des opérettes on ne peut qu’évoquer les rapports de la Sabbouha avec la grande Feyrouz et les frères Rahbani. «A partir du moment où j’aime le Liban, je ne peux qu’aimer Feyrouz», dit-elle. «C’est vrai que nous avons deux styles différents mais nous n’avons jamais eu de problèmes l’une avec l’autre. D’ailleurs, plus jeunes, nous nous voyions très souvent. Et Assi nous liait l’une à l’autre. Nous avons travaillé beaucoup ensemble, Assi et moi. Il voulait m’épouser avant de jeter son dévolu sur Feyrouz. Il a bien fait, il a pris quelqu’un de plus valable que moi», lance-t-elle. Artistiquement, elle se souvient que leur collaboration a toujours été fructueuse. «Assi me composait des airs qu’il n’acceptait pas de donner à d’autres».

Aimable mais
pas complaisante

L’amabilité est un trait de caractère dominant chez Sabah. Elle est toujours correcte, jamais complaisante. Ainsi, elle avait préféré participer au Festival de Baalbeck plutôt qu’à un festival qui se déroulait en même temps en Egypte. Gamal Abdel Nasser en prend ombrage et la boycotte pendant dix ans. Elle est mise en quarantaine par les pays arabes car elle participe en compagnie d’Enrico Macias à une émission française, «Le grand Echiquier» de Jacques Chancel.
Le succès ne l’a jamais lâchée. Preuve en est, le nombre de surnoms qu’elle a reçus. «Quand j’étais en Egypte, l’hebdomadaire «As Sabah» a publié ma photo en une et a demandé aux lecteurs de me donner un nom d’artiste. Est-ce la blondeur de mes cheveux ou mon sourire, toujours est-il qu’à l’unanimité on m’a surnommée Sabah. Et j’ai adopté ce nom de scène». Sabbouha, Chahrourat el Wadi, Al Oustoura, Malikat al anaka, Set es settat... «Les surnoms sont devenus plus importants que mon nom. A tel point que chaque homme qui lie sa vie à la mienne est appelé «Le chahrour», raconte-t-elle dans un éclat de rire.
Fausse modestie? «Pas du tout. Je suis modérée en tout», réplique Sabah. Sauf dans le mariage? «Il y a des femmes qui se sont mariées plus de fois que moi» lance-t-elle. «En amour, il y a une dose déterminée… autrement, il se retrouve à la porte».
Sabah n’a aucun problème pour parler de ses amours. Aigrie? Elle se dit plutôt réaliste. «Au bout du compte, on arrive au même résultat». Celui qu’elle a aimé le plus? «C’est Ruchdi Abaza. Mais il aimait trop la bouteille, moi pas. Avec Joe Hammoud, nous sommes restés très amis. Quant à Fadi Loubnan, nous sommes encore ensemble car il n’a commis aucune erreur avec moi».
Sent-elle qu’elle a été trahie, flouée? «Non. C’est leur problème, pas le mien. Dieu m’a donné plus que je ne mérite, un homme ne signifie rien pour moi. Il est plutôt synonyme de sacrifice, de douleur». Elle n’a pourtant pas pu vivre sans eux. «Le métier que je fais est difficile. Il y a la célébrité, la fortune et j’ai besoin de quelqu’un qui me protège. Si l’homme est fidèle, il reste à mes côtés. Sinon, ils sont nombreux, on a toujours le choix». Quel est celui qui l’a le plus aimée? «En définitive, je pense que chacun d’eux s’est aimé et qu’il a aimé quelque chose qui s’appelle Sabah ou Mme Banque. Ils ont aimé le repos dans lequel ils vivaient. Un seul fait exception, c’est Fadi Loubnan. De deux choses l’une, ou bien il est très intelligent ou bien c’est moi qui suis arrivée à un âge où je ne remarque plus les choses».
Sa forme légendaire «est une grâce, un don du ciel. Je suis naturellement gaie. Par ailleurs, je ne fume pas, je ne bois pas et je dors bien. Je marche et je fais du sport de façon régulière». Elle a également une vivacité d’esprit, une volonté et une intelligence hors du commun. «Je ne gaspille pas mon temps. Mon cerveau travaille vite et bien, dans la concision». Son refuge? «Au premier accroc, la majorité des gens se réfugient dans la boisson ou la drogue. Quand je dois affronter un grave problème, je me retire en moi-même, je m’y retrouve et m’y ressource».
Le moral influe sur le physique, c’est bien connu. Mais l’âge a ses raisons que la raison n’ignore pas. La chirurgie esthétique représente aujourd’hui un moyen efficace pour garder des traits fermes. «Si je vois mon physique décliner alors que la joie de vivre est encore là, je peux y avoir recours sans hésitation», affirme-t-elle.
Elle a toujours privilégié sa carrière, au détriment de sa vie personnelle. «Je n’avais pas de temps pour mes enfants, c’est vrai. Mais c’est comme ça». Cependant, la culpabilité, comme une profonde blessure, ne cesse de la tarauder. Le plus grand chagrin de sa vie? «Quand le père de ma fille me l’a enlevée. Et quand elle m’a quittée, il y a quelques semaines, pour aller aux Etats-Unis»…
Sa vie n’a pas toujours été «Mawssem ’ezz» (Saison faste) et «Dawalib el hawa» (les roses de vent, ces papillons de papier que les enfants font tournoyer…) l’ont souvent entraînée dans leur course folle…
Comme tout le monde, elle a eu sa part de tristesse et d’amertume, mais la gaieté l’a toujours emporté, naturellement… Comme une vague déferlante, sa bonne humeur s’est toujours déversée sur les autres. Sabah? Sans doute un être aussi généreux que la voix. De nos montagnes.

Aline GEMAYEL
Sabah est actuellement en pleine répétition d’opérette, la «Oustourat II» avec Karim Abou Chacra, Joseph Azar, le Petit Prince, Ward al Khal, Fadi Loubnan… Bon prétexte pour la rencontrer, l’interviewer, lui demander le secret de sa forme. Elle se prête d’ailleurs toujours de bonne grâce au jeu des questions. Star, elle l’est assurément. Elle a le souffle, la simplicité des...