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Actualités - REPORTAGE

Nabil Saleh, un avocat anglo banais contaminé par le virus de l'écriture (photo)

Quand un avocat se met à l’écriture, cela donne une œuvre où le droit tient la vedette. S’il est de surcroît libanais, la broderie prend une coloration bien orientale, depuis les babouches en couverture, jusqu’à l’atmosphère ottomane du milieu du XIXe siècle. «The Qadi and the fortune teller» (Le Kadi et la diseuse de bonne aventure) est le premier roman de Nabil Saleh. Cet amoureux du «farniente» à la libanaise, installé à Londres depuis plus de vingt ans, étant de passage à Beyrouth, s’est prêté, avec bonhommie, au jeu des pourquoi...
La soixantaine affable, Nabil Saleh est jovial. Chacune de ses réparties est prétexte à un trait d’esprit, à une boutade qui fleure bon l’autodérision... Diplômé de l’USJ, il est spécialiste de droit islamique. Pourquoi un juge et le XIXe siècle? «J’avais déjà publié deux ouvrages de droit pur («Géneral principles of Saudi and Oman companies law», 1981 et «Anlawful gain and legitimit profit in islamic law», 1986), explique Nabil Saleh. «J’écrivais le troisième quand je me suis vu répétant les mêmes choses. Au fur et à mesure que je rédigeais, le roman a pris forme, se substituant à l’essai».
Il est féru de littérature, «gamin, j’empruntais des livres à tout le monde et je lisais absolument tout ce qui me tombait sous la main» se souvient-il. Et il ajoute dans un rire, «d’ailleurs, je ne les rendais que pour pouvoir en emprunter d’autres»!
Le choix d’un magistrat, Abou Khaled, juge sunnite qui sévit à Beyrouth en l’an 1259 de l’Hégire (1843) allait de soi. «Mon père était juge. Et j’ai toujours baigné dans un milieu juridique. Sans oublier que le droit musulman est ma spécialité». Quant à la période retenue, il invoque plusieurs raisons: «J’avais en main des documents sur des procès qui ont eu lieu à Beyrouth vers le milieu du XIXe siècle. Par ailleurs, les années 1830-1840 sont intéressantes dans l’histoire de notre pays. En effet à cette date les consuls étrangers s’établissent à Beyrouth. La ville devient plus cosmopolite et connaît un développement important. Elle devient le berceau de nombre d’intrigues et de complots...».
Nabil Saleh décrit avec un évident souci d’exactitude historique et sociale l’environnement d’Abou Khaled, son comportement avec sa femme et ses enfants, ses rapports avec ses clients... «Abou Khaled est un «honnête homme». Toutes ses réactions le montrent. Il n’a aucune malignité d’esprit. Mais c’est quand même un homme de son époque. Il est citadin et sérieux à l’extrême. La méfiance qu’il éprouve envers sa femme se transforme en tolérance vis-à-vis de ses enfants, notamment ses filles. Quant au «drogman» anglais qui lui fait de petits cadeaux en échange de services rendus, son comportement pourrait s’apparenter à de la corruption...» Abou Khaled est aussi un homme prudent. Voyant tout s’effondrer autour de lui, il évite de confier ses doutes à quiconque et décide de tenir un journal. Ironie du sort ou juste retour des choses, le carnet du Kadi revoit le jour au milieu des années 1970 à l’occasion de la destruction d’une maison beyrouthine dans le mur de laquelle il était enfoui...
«The Qadi and the fortune teller» a-t-il remporté du succès en Angleterre? Nabil Saleh répond par l’affirmative et s’étonne, «je n’y parle pourtant pas de la famille royale (rires). Les gens ont dû l’acheter pour y relever les erreurs» lance-t-il faussement modeste.
Le virus de l’écriture s’est emparé de Nabil Saleh. A peine son ouvrage en librairie, il travaille à une fresque historique, dont l’intrigue se déroule au temps des Croisades, «encore une période déterminante dans l’histoire de notre pays».
Quand on demande à Nabil Saleh s’il aurait préféré vivre au XIXe siècle ou au Moyen-Age, il répond «ni l’un ni l’autre. J’ai aimé vivre dans les années 1950, insouciantes et prometteuses. Tout y était — ou paraissait — du domaine du possible. Quant aux deux époques dont je parle dans mes ouvrages, je n’aurais pas aimé y vivre. On y était soit riche soit misérable. Et j’aurais trop peur de faire partie de cette dernière catégorie».
Et Saleh d’avouer en conclusion qu’il rêve de pouvoir vivre de sa plume.
Virus quand tu nous tiens...

Aline GEMAYEL
Quand un avocat se met à l’écriture, cela donne une œuvre où le droit tient la vedette. S’il est de surcroît libanais, la broderie prend une coloration bien orientale, depuis les babouches en couverture, jusqu’à l’atmosphère ottomane du milieu du XIXe siècle. «The Qadi and the fortune teller» (Le Kadi et la diseuse de bonne aventure) est le premier roman de Nabil Saleh. Cet...