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Diaspora - Société - PARIS, Pauline Mouhanna

Île-de-France, la région où les associations sont les plus actives pour le Liban

Comment les associations œuvrant pour le Liban mènent-elles leur action en France ? À quelles difficultés font-elles face et quels sont les moyens qu’elles mettent en œuvre pour atteindre leur objectif ? Reportage auprès de huit d’entre elles en Île-de-France.
Il est devenu presque inutile de rappeler que la diaspora libanaise est l’une des plus grandes au monde de par son ancienneté et son ampleur. Actuellement, elle compterait entre cinq à huit millions de personnes(1), présents sur tous les continents. L’une de ses particularités, c’est le fait que ses membres tiennent à maintenir des liens profonds avec leur pays d’origine. On le sait bien, quel que soit le pays d’accueil qu’ils choisissent, les Libanais y développent leurs institutions, leurs centres culturels, leurs restaurants et leur folklore afin de conserver leur conscience identitaire. En France, c’est la vie associative qui a joué un rôle fondamental pour les Libanais, et ce dès les premières vagues d’immigration. C’est ainsi qu’actuellement, certaines sources dénombrent plus de deux cents associations réparties partout dans le pays. La plupart d’entre elles sont domiciliées en Île-de-France, là où résident leurs responsables, et notamment dans les arrondissements chics de la capitale et dans les régions de Hauts-de-Seine et de l’Essonne. Créées sous la loi 1901, ces associations apolitiques opèrent surtout dans les domaines culturel et social. Leurs objectifs : promouvoir la culture libanaise en France, et fortifier les rapports entre leur pays d’origine et d’adoption. Mais quelle place occupent-elles véritablement au sein de la diaspora libanaise en France ?
Pénétrer dans le monde associatif franco-libanais en Île-de-France, c’est rentrer dans un univers complexe, vulnérable et très variable. Complexe parce qu’il est très difficile tout d’abord de prendre connaissance des associations qui sont véritablement actives sur le terrain. À cet égard, les sources officielles libanaises manquent cruellement de données fiables. C’est ainsi que l’ambassade du Liban fournit des listes d’associations qui ont disparu depuis plusieurs années. Alors que les sources françaises livrent le nom d’associations reconnues et déclarées auprès d’elles, mais qui ne tiennent en pratique aucune activité sur le terrain. C’est dire que le premier gros problème consiste à identifier d’abord ces associations. L’Internet, dans ce cas, est un outil de taille parce qu’il permet de répertorier au moins celles qui disposent d’un site Web.
Contrairement aux idées reçues, les associations culturelles franco-libanaises ne seraient qu’une vingtaine à être toujours actives et à disposer de moyens de communication modernes. Cette étude porte sur huit associations selon leur domaine d’activités. Il s’agit de deux groupes estudiantins, dont l’Association des universitaires libanais en France et le Rassemblement des étudiants libanais à Paris. Deux autres sont humanitaires, Lebanus et le Cèdre sur Seine, une cinquième est caritative, Anta Akhi-France, puis une sixième, sociale, Lebtouch, une autre, politique, le Collectif des citoyens libanais et amis du Liban, et enfin une dernière, médiatique, le Groupement interprofessionnel franco-libanais. Pour toutes ces associations, le principal défi est de tenter d’attirer les quelque 80 000 Libanais naturalisés en France et les 20 000 autres disposant d’une carte de séjour(2).

Place au sein de la diaspora
Mohammad Hamdane a 29 ans. Président du Collectif des citoyens libanais et amis du Liban depuis deux ans, il tente de rassembler les Libanais vivant en France malgré leurs différences politiques et communautaires. Tout commence en juillet-août 2006. Alors que Le Liban est plongé dans la guerre, la diaspora organise des manifestations pour soutenir le pays, mais en rangs dispersés. « Ces images nous ont ébranlés et nous avons décidé, avec un groupe d’amis, d’organiser un sit-in regroupant toutes les parties », explique Hamdane.
Ce fut une véritable réussite puisque, grâce à leur dynamisme, 4 000 Libanais se sont réunis place de l’Opéra. Depuis, le groupe a créé son association. Celle-ci organise régulièrement des conférences mais aussi des projections de films suivis de débats. Les thèmes abordés visent avant tout à combattre la violence verbale entre les Libanais et à militer pour la paix civile. Mais pour Mohammad Hamdane, « un rude travail reste à faire puisque certains immigrés n’arrivent pas à dépasser les conflits internes qui pèsent de tout leur poids sur la diaspora ».
Le constat auquel aboutit Hamdane n’est pas nouveau. Georges Nasr, président de Beyrouth sur Seine, une publication du Groupement professionnel franco-libanais, explique que depuis des années, diverses associations luttent pour unir les migrants. Mais elles se heurtent au fait « que certains d’entre eux n’ont pas encore acquis la maturité nécessaire pour pouvoir atteindre un tel objectif ». Autre obstacle majeur qu’affrontent ces associations : la rude concurrence à laquelle elles font face de la part des associations affiliées à des partis politiques libanais. Celles-ci, en effet, déploient des moyens techniques et sociaux énormes pour séduire les membres de la diaspora. Par exemple, le Rassemblement pour le peuple libanais (RPL), affilié au Courant patriotique libre (CPL), regroupe ses membres dans un bureau spécialement loué pour tenir les réunions. Un détail important lorsqu’on s’aperçoit que la plupart des associations culturelles ont élu domicile chez leurs responsables. Aussi, ces dernières, et à quelques exceptions près, n’ont pas su tirer profit de leurs sites sur le Web pour s’assurer une plus grande visibilité dans l’espace virtuel. Leurs sites sont presque de simples vitrines et ne sont pas très animés.
Pourtant, la plupart des responsables, à l’instar du président du Cèdre sur Seine, Dany Abi Chahla, et de Lebanus-France, Olivier le Jeune, expliquent que « ce sont la qualité et l’animation du site qui pourront lui assurer un bon référencement, et un public libanais fidèle et croissant ». Or la plupart des associations ne connaissent même pas le nombre de visiteurs de leurs sites. Une différence de taille avec certaines associations politiques qui ont tenu à créer des sites vivants attirant parfois plus de 1 000 visiteurs différents par jour. C’est notamment le cas du RPL. Son président, Élie Aoun, reconnaît que « l’association compte énormément sur son site pour gagner une renommée au sein de la diaspora et accroître le nombre de ses adhérents ».

Des contraintes financières et organisationnelles
Par ailleurs, les associations franco-libanaises font face presque toutes à des contraintes financières et organisationnelles.
Il y a d’abord, comme le note Christian Lujan, membre responsable d’Anta Akhi France, le fait « que les cotisations versées par les membres ne sont pas suffisantes ». Cela est d’autant plus vrai que certaines associations ne regroupent qu’une poignée de militants (voir encadré 2). Mais d’autres raisons sont à élucider pour comprendre ces problèmes financiers, et notamment le fait que les événements culturels organisés par les associations afin de les aider à subvenir à leurs besoins ne sont pas toujours une réussite. Marc Kanaan, président de Lebtouch, explique que l’association a dû parfois « annuler des événements à la dernière minute à cause de la mauvaise foi de certains artistes libanais ».
Cependant d’autres associations, à l’instar de Cèdre sur Seine ou de Beyrouth sur Seine, ont su dépasser ces contraintes en s’appuyant sur leur vaste réseau social. Dany Abi Chahla, président de Cèdre sur Seine, note que « des soirées organisées par l’association ont pu rassembler parfois des centaines de personnes de toutes les nationalités ». Le succès est dû en partie au dynamisme du jeune président, souvent aidé par des membres permanents.
Ce qui n’est pas toujours le cas de certains responsables qui doivent effectuer eux-mêmes la plupart des tâches associatives. Jalal Jomaa, président de l’Association des universitaires libanais en France, explique qu’il est parfois « difficile de trouver des étudiants volontaires et prêts à aider ». Résultat : c’est à lui d’orienter les étudiants pour choisir une spécialité, les accompagner dans les démarches administratives pour obtenir une admission dans un établissement universitaire français, les accueillir à leur arrivé en France et les aider dans leur installation. Par ailleurs, pour certains présidents d’association, le plus dur est de trouver une entente commune afin d’adopter la stratégie de l’association. Un vrai casse-tête par exemple pour Michel Aoun, président du Rassemblement des étudiants libanais à Paris, qui fédère un ensemble de clubs d’étudiants présents à Polytechnique, dans d’autres grandes écoles et certaines universités de Paris.
Malgré toutes leurs difficultés, ces associations ont le mérite de préserver l’identité libanaise dans leur pays d’adoption. Elles permettent également aux immigrés d’enrichir leur culture. Celle-ci est présentée comme en transformation, puisqu’elle se nourrit des apports de la culture française. Mais le mérite indéniable de certains responsables associatifs est d’essayer d’émerger en tant qu’acteurs unis dans l’espace public français. Certains, comme Michel Aoun, rêvent d’une diaspora à l’israélienne où ce qui prime avant tout est d’unir sa voix pour son pays. Comment vont-ils procéder, alors que l’esprit de coopération n’est pas encore de mise pour certains ?

* Pauline Mouhanna est journaliste et lauréate pour le Liban de la bourse de l’Unesco Keizo Obuchi pour l’année 2007-2008. Son article est rédigé à partir de sa propre étude, intitulée «Les associations franco-libanaises en Île-de-France», financée dans le cadre de la bourse.
(1) Source: Lebanese Emigration Research Center (LERC).
(2) Source : Abdallah Naaman, attaché culturel près l’ambassade du Liban en France.
Il est devenu presque inutile de rappeler que la diaspora libanaise est l’une des plus grandes au monde de par son ancienneté et son ampleur. Actuellement, elle compterait entre cinq à huit millions de personnes(1), présents sur tous les continents. L’une de ses particularités, c’est le fait que ses membres tiennent à maintenir des...